La cessation des fonctions du gérant de société peut intervenir dans plusieurs cas : décès du gérant, démission, arrivée du terme de son mandat, condamnation à une peine entraînant une interdiction de gérer, faillite personnelle, etc…
Mais l’hypothèse la plus fréquente de cessation des fonctions du gérant, et qui pose souvent le plus de difficultés juridiques, est la révocation.
En effet, dans le cadre de la révocation des gérants de société, les règles sont relativement différentes selon la qualité du dirigeant et surtout la forme juridique de la société.
A titre d’exemple, dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL), l’article L223-25 du code de commerce prévoit deux modalités de révocation du gérant :
- Le gérant peut être révoqué par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales ;
- Le gérant est aussi révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
Des modalités similaires sont également prévues pour la révocation des gérants de sociétés civiles.
En effet, l’article 1851 du code civil dispose que :
« Sauf disposition contraire des statuts le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. (…)
Le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé. »
1-) La révocation du gérant par décision des associés
Le gérant d’une SARL ou d’une société civile peut être révoqué par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Mais les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte.
Les associés disposent ainsi d’une liberté de révocation du gérant protégée par la jurisprudence.
C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé « qu’est nulle toute stipulation allouant au gérant d'une SARL, en cas de révocation, une indemnité qui, par son montant, est de nature à dissuader les associés de prononcer celle-ci ». (Cass. com., 6 novembre 2012, n° 11-20582)
Mais si les associés possèdent une certaine liberté pour révoquer le gérant, les droits de celui-ci doivent néanmoins être respectés.
La décision de révocation doit ainsi être fondée sur un juste motif, lequel relève de l’appréciation des juges.
Ainsi, ce juste motif de révocation peut être déduit d’une faute de gestion commise par le gérant ou, même en l’absence de faute, de l’existence, entre les associés et ce gérant, d’une mésentente de nature à compromettre l’intérêt social. (Cass. Com., 4 février 2014, n° 13-10778)
Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.
A titre d’exemple, la Cour de cassation a accueilli la demande de dommages et intérêts de la co-gérante d’une SARL qui a été révoquée de ses fonctions par les associés alors qu'il n'était pas démontré que la mésentente entre les gérants avait pu compromettre le fonctionnement de la société. (Cass. Com., 7 janvier 2014, n° 13-11866)
La décision de révocation, qui doit être fondée sur un juste motif, doit également être adoptée par les associés réunis en assemblée ou lors d’une consultation écrite.
Dès lors, une première difficulté peut se présenter, car si la société ne possède qu’un seul gérant, celui-ci peut être réticent à convoquer une assemblée lors de laquelle la décision de sa révocation pourrait être adoptée.
Il est néanmoins possible de contourner cet obstacle en demandant en justice la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée et de fixer son ordre du jour.
Et quand bien même l’assemblée lors de laquelle est prévue la révocation aurait été convoquée, une autre difficulté peut encore se présenter, dans la mesure où si le gérant ou co-gérant a aussi la qualité d’associé, il pourra participer au vote sur sa propre révocation.
En effet, si le gérant ou co-gérant est aussi associé majoritaire ou égalitaire avec 50% des parts sociales, il sera impossible de le révoquer, puisqu’il lui suffira de voter contre sa révocation pour empêcher que la majorité nécessaire ne soit réunie.
C’est notamment pour remédier à une telle situation que la loi permet aux associés de solliciter en justice la révocation du gérant ou co-gérant.
2-) La révocation judiciaire du gérant
En plus de pouvoir être révoqué par décision des associés, le gérant ou co-gérant d’une SARL ou d’une société civile est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
En d’autres termes, tout associé peut saisir le juge pour obtenir la révocation d’un gérant ou co-gérant. Encore faut-il justifier d’une cause légitime.
Cette notion de cause légitime de révocation n’ayant pas été définie par la loi, il faut se référer à la jurisprudence pour la cerner.
Et selon une jurisprudence constante, est une cause légitime de révocation l'attitude d’un dirigeant constituant une faute de gestion ou étant de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société. (Cass. Com., 04 mai 1993, n° 91-14693)
Ainsi, une cause légitime de révocation d’un dirigeant peut résulter d’un abus de biens sociaux, dès lors que le gérant dont la révocation est sollicitée a fait des biens ou du crédit de la société un usage contraire à l'intérêt social et à des fins personnelles.
A titre d’exemple, la Cour de cassation a approuvé des juges d’appel d’avoir décidé de révoquer une gérante au motif que celle-ci « avait utilisé les fonds sociaux à des fins strictement personnelles et que ce manquement constituait un motif légitime de révocation ». (Cass. Ch. Mixte, 16 décembre 2005, n° : 04-10986)
De même, il a été jugé que constitue une faute justifiant la révocation du gérant le fait pour ce dernier d’avoir mis indûment à la charge de la société des dépenses ne constituant pas des frais professionnels. (C.A Paris, 7 juillet 1995, Numéro JurisData : 1995-023308)
En outre, la cause légitime de révocation peut résulter d’une faute de gestion même si celle-ci n’est pas une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ou contraire à l'intérêt social (Cass. Civ. 3, 12 mars 2014, n° 13-14374)
Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 12 mars 2014, une mère et ses trois enfants avaient constitué une société civile immobilière (SCI) dont la mère avait été désignée en qualité de gérante.
Par la suite, l’un des enfants a demandé la révocation judiciaire de la gérante.
La cour d’appel a rejeté cette demande estimant que les fautes de gestion reprochées à la gérante ne caractérisaient pas des fautes intentionnelles d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales ou contraires à l'intérêt social, seules de nature à justifier la révocation judiciaire du gérant d'une SCI sur le fondement de l'article 1851, alinéa 2, du code civil.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en jugeant que :
« le gérant d'une société civile est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ».
Il ressort de cette décision que les juges ne pouvent pas exiger des fautes intentionnelles d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales ou contraires à l'intérêt social, pour rejeter la demande de révocation judiciaire d´un gérant.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que le gérant ou co-gérant d’une société peut non seulement être révoqué par décision des associés mais aussi par décision de justice à la demande d’un associé.
Dans ce dernier cas, l’associé qui sollicite la révocation judiciaire du gérant doit simplement justifier de l'existence d’une cause légitime qui peut résulter notamment d’une faute de gestion ou d’un abus de biens sociaux.
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Anthony Bem
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