Pour mémoire, la durée du préavis de rupture des relations commerciales doit être fixée en prenant notamment en considération celle des relations commerciales (article L. 442-6, I, 5° du code de commerce).
Ainsi, la durée du préavis doit s’apprécier en fonction des réalités économiques spécifiques à la relation commerciale concernée.
En l’espèce, depuis 1991, la société Charles importait du Maroc des potages fabriqués par la société Nestlé Maroc sous la marque Maggi.
En 2003 ; la société Charles a conclu avec la société Nestlé France un contrat par lequel cette dernière lui concédait l’exclusivité de la distribution en France de ces potages, pour une durée initiale de trois ans et qui s’est tacitement renouvelé.
Le contrat de distribution conclu est devenu à durée indéterminée et pouvait être résilié avec préavis d’un an.
En 2008, la société Nestlé France a dénoncé le contrat en respectant le préavis contractuel.
La société Charles estimait toutefois que le délai de préavis d’un an était insuffisant et illusoire, la résiliation résultait d’un abus de droit et l’a assignée en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale.
La question essentielle soumise aux juges était de savoir si le point de départ devant être pris en considération pour le calcul des relations commerciales établies était 1991 ou 2003 pour déterminer si la durée du délai de préavis contractuel d'un an était suffisant ou non.
Les juges d’appel ont donné raison à la société demanderesse et ont condamné la société Nestlé France à payer à la société CHARLES la somme de 450.000 € de dommages-intérêts, correspondant à la moyenne annuelle des marges brutes sur les trois dernières années.
En effet, au cas d’espèce, bien que les sociétés NESTLE MAROC et NESTLE FRANCE soient des personnes juridiques distinctes, le contrat de 2003 se référait expressément aux relations antérieures entre les sociétés CHARLES et NESTLE MAROC.
Ainsi, les parties s’étaient clairement entendues se situer dans la continuation des relations antérieures de sorte qu’il y a eu totale continuité dans les relations et qu’il y avait lieu de prendre en considération la date de 1991 comme point de départ de celle-ci.
En tenant compte des divers éléments du litige, notamment de l’ancienneté des relations commerciales, de la saisonnalité des ventes et des dates de commande, la Cour avait estimé que lorsque la résiliation ne permet pas d’optimiser les commandes sur une année complète, le préavis aurait dû être de deux ans.
La cour de cassation a approuvé la position des juges d’appel en considérant que :
« Mais attendu qu’après avoir rappelé les termes du préambule du contrat de 2003, selon lequel la société Nestlé France souhaitait à son tour commercialiser des produits ethniques et, eu égard aux relations nouées antérieurement par la société Charles avec la société Nestlé Maroc pour l’importation des deux potages, avait décidé de prendre appui sur les ressources marketing et industrielles du groupe, la cour d’appel a retenu que les parties avaient ainsi entendu se situer dans la continuation des relations antérieures, le but d’un contrat écrit étant de poursuivre et développer les relations existant entre la société Charles et le groupe Nestlé, en s’appuyant notamment sur l’expérience acquise par la société Charles dans le cadre de son partenariat informel avec la société Nestlé Maroc pour la commercialisation des mêmes produits ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, d’où il ressort que la société Nestlé France avait poursuivi la relation initialement nouée avec la société Nestlé Maroc, la cour d’appel a pu retenir que cette relation avait commencé en 1991 ».
La jurisprudence considère donc que la durée du préavis contractuel d’un an aurait dû être plus long pour satisfaire aux exigences de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce compte tenu de la durée de 17 ans des relations commerciales rompues.
Pour conclure, indépendament de la conclusion d'un nouveau contrat avec une nouvelle société et le délai contractuel du préavis de rupture unilatérale des relations commerciales, celle-ci sera considéré comme abusive si la durée du préavis n'est pas fonction de la celle des relations "historiques" et donne lieu à indemnisation, le cas échéant, au bénéfice de la société victime de la cessation des relations.
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Anthony Bem
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