Les temps sont difficiles financièrement pour certains employés mais ils vont aussi le devenir davantage pour les employeurs.
En effet, le 6 juillet 2022 (pourvoi n° 20-21.690), la Cour de cassation a jugé que le non-paiement d’un seul mois de salaire d’un salarié constitue un manquement suffisamment grave pour que la rupture soit imputée à l’employeur et rendre impossible le maintien du contrat de travail ; de sorte que l’employeur doive en plus indemniser son employé comme s’il avait été licencié sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 20-21.690).
En l’espèce, un salarié n’a pas été payé de son salaire pendant seulement quelques jours par son employeur.
La particularité de cette affaire est que le salarié en question exerçait aussi la mission de gérant et émettait les virements.
Or, son virement n’est pas passé et son salaire ne lui a pas été réglé.
Le salarié a quasi immédiatement pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, seulement 11 jours après la date d’exigibilité du salaire.
Par la suite, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et la rupture de la relation de travail.
Les premiers juges lui ont donné raison en considérant que le non-paiement d’un seul mois de salaire justifiait que la rupture soit imputée à l’employeur.
Cette démission s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts de l’employeur avec toutes les conséquences financières qui en découlent le cas échéant.
En conséquence, ils ont condamné l’employeur à verser au salarié des dommages-intérêts et une indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, ainsi que l’indemnisation de ses frais de procédure.
L’employeur qui s’est pourvu en cassation soutenait « que le manquement invoqué au soutien d'une prise d'acte de la rupture doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que tel n'est pas le cas lorsque ledit manquement est ponctuel ou lorsque le salarié a agi de manière prématurée, sans permettre à l'employeur de régulariser la situation ».
Cependant, la cour de cassation a aussi relevé qu'à la date de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, le salaire du mois d’avant n'avait pas été versé par employeur, de sorte que ce manquement lui était imputable et empêchait la poursuite du contrat de travail.
De la même manière, les juges de cassation ont débouté l’employeur de sa demande d’octroi d’une indemnité de préavis de démission de la part de son ex employé.
En effet, les salariés n’ont pas à devoir quelque indemnité que ce soit à leur employeur s’ils démissionnent de leur travail en prenant acte de la rupture à cause de la faute de ce dernier.
Cet arrêt est important en ce qu’il applique rigoureusement les textes de loi en faveur des salariés en leur permettant de démissionner aussitôt de leur emploi s’ils ne sont pas payés et obtenir en plus des indemnités.
L’employeur peut ainsi avoir à payer au salarié démissionnaire des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis, des congés payés afférents et des frais de procédure.
Le non-paiement d’un mois de salaire constitue donc un manquement suffisamment grave de l’employeur pour rendre impossible le maintien du contrat de travail, sans que le salarié n’ait à expliquer en quoi le retard de versement, onze jours seulement après son exigibilité, d'un unique élément de rémunération normalement versé sur le compte du salarié à sa propre initiative en sa qualité de gérant constituerait un manquement suffisamment grave pour que la rupture soit imputée à l’employeur.
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Anthony Bem
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