Nous envisagerons ci-après:
1) Qu’est ce que le départ négocié ou la rupture conventionnelle du contrat de travail ?
2) La procédure d'homologation de la convention par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ;
3) Pourquoi la rédaction de l’accord par un avocat est nécessaire ?
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I - Qu’est ce que le départ négocié ou la rupture conventionnelle du contrat de travail ?
Ce n'est ni un licenciement, ni une démission, c’est une rupture à l’amiable du contrat de travail qui supose la volonté du salarié et de l'employeur de se mettre d’accord.
Concrètement, l'employeur et le salarié conviennent du principe d'une rupture conventionnelle.
Dépourvue de motif autre que la commune volonté des parties de rompre le contrat, une rupture conventionnelle peut intervenir alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques qui l’amènent à se séparer de certains de ses salariés.
Pour autant, elle ne peut être utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif et donc de priver, de ce fait, les salariés des garanties attachées aux accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et aux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) .
Ainsi, il convient que le salarié soit préalablement dûment informé de ces droits afin qu’il puisse, en toute connaissance de cause, opter pour une rupture conventionnelle en cas de suppression de poste et si les garanties attachées au licenciement économique ne se révèlent pas plus avantageuses pour lui.
On rappelle, en effet, que, dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, le salarié bénéficie notamment des garanties suivantes :
- Dans les entreprises ou groupes non soumis à l’obligation de proposer un congé de reclassement(entreprises ou groupes de moins de 1000 salariés et entreprises en redressement ou liquidation judiciaire), l’employeur doit proposer la « convention de reclassement personnalisé » (CRP) ou dans certains bassins d’emploi le « contrat de transition professionnelle » (CTP) avec :
- une allocation correspondant à 80% du salaire brut de référence versée à compter du lendemain de la rupture du contrat de travail (sans préavis) et pendant 12 mois maximum,
- un entretien individuel de pré-bilan pour identifier le profil et le projet de reclassement de l’intéressé et un plan d’action de reclassement personnalisé qui comprend notamment : si nécessaire, un bilan de compétences,
- un suivi individuel de l’intéressé par l’intermédiaire d’un correspondant dédié à Pôle Emploi (1/mois pour le CTP, 2/mois pour la CRP),
- des mesures d’accompagnement (préparation aux entretiens d’embauche, techniques de recherche d’emploi…) et d’orientation professionnelle,
- des actions de validation des acquis de l’expérience et des mesures de formation,
- des mesures complémentaires, notamment allocation d’aide au retour à l’emploi , aide à la création d’entreprise ou à la mobilité géographique.
- Dans les entreprises ou groupes de 1000 salariés et plus, l’employeur doit proposer un « congé de reclassement » qui s’inscrit dans le cadre d’une cellule de reclassement. Il devra, dans ce cadre, verser une allocation s’élevant à 65 % du salaire brut de référence (sans être inférieure à 85 % du SMIC) pendant la durée du congé qui excède le préavis. Un « congé de mobilité » peut être proposé à ses salariés par l’employeur qui a conclu un accord collectif relatif à la « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » (GPEC) lorsque cet accord prévoit et fixe les modalités de ce congé. Il est mis en œuvre dans les mêmes conditions que le congé de reclassement.
Il est important de rappeler aussi qu’au cours des entretiens susceptibles d’avoir lieu entre les parties, ces dernières peuvent se faire assister :
- le salarié pourra se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel (par exemple, un délégué du personnel ou un membre élu du comité d'entreprise) ou tout autre salarié, et en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative et disponible dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.
- l'employeur pourra aussi se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.
Les parties devront donc conclure une convention de rupture élaborée entre l'employeur et le salarié qui définit les conditions de cette rupture et qui devra être soumise à l'homologation.
Chacune des parties disposera ensuite d'un délai de quinze jours calendaires pour pouvoir se rétracter éventuellement (tous les jours de la semaine sont comptabilisés).
Le délai de rétractation mentionné ci-dessus démarre au lendemain de la signature de la convention de rupture. Par application de l’article R 1231-1 du code du travail, si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
La loi n’impose pas à la partie qui décide de se rétracter de motiver sa décision mais un LRAR est nécessaire en terme de preuve et d'opposabilité de la rétractation.
II - La procédure d'homologation de la convention
À l’issue du délai de rétractation mentionné ci-dessus, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative compétente (c’est-à-dire le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), avec un exemplaire de la convention de rupture.
Cette demande doit être formulée au moyen du formulaire réglementaire dont le modèle a été fixé par l’arrêté du 18 juillet 2008 (JO du 19 juillet) cité en référence.
L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect de la liberté de consentement des parties et des conditions prévues par le Code du travail : respect des règles relatives à l’assistance des parties, au droit de rétractation, au montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle…
Le délai d’instruction de la demande par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) démarre le lendemain de la réception de la demande par le DIRECCTE. Par application de l’article R. 1231-1 du code du travail, si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise (il s’agira donc d’une homologation « tacite » ou « implicite ») et l’autorité administrative est dessaisie.
La validité de la convention est subordonnée à son homologation ; en d’autres termes, la convention n’aura aucune validité et ne sera donc d’aucun effet sur le contrat de travail qui continuera alors de s’exécuter dans les conditions habituelles :
- si l’homologation est refusée par l’autorité administrative dans le délai de 15 jours ouvrables mentionné ci-dessus dans ce cas, l’une ou l’autre des parties (ou les deux) peut former un recours contre ce refus d’homologation (voir ci-dessous) ;
- si l’autorité administrative n’est saisie par aucune des parties de la demande d’homologation de la convention.
S’agissant de la situation juridique du salarié pendant la procédure - c’est à dire tant que la date de rupture du contrat de travail n’a pas été atteinte -, les règles afférentes au contrat de travail continuent à s’appliquer (le salarié peut ainsi, par exemple, être en congés payés).
Le recours à un avocat se révèle être nécessaire pour les six raisons distinctes ci-après listées :
1) La procédure applicable pour le départ négocié est strictement encadrée par la loi et suppose que le départ fasse l'objet d'un accord écrit conclu entre les parties.
Cet écrit devra préciser, d'une part, les conditions du départ et, d'autre part, le sort de certaines obligations consécutives au contrat de travail telles que celles relevant de la clause de non-concurrence.
En outre, les parties peuvent prévoir dans cet accord de départ négocié des obligations comme une obligation de non-concurrence...). Ces obligations peuvent être sanctionnées au moyen d'une clause insérée dans l'accord et faire l’objet de contrepartie financière au profit du salarié.
Ainsi, le départ est en principe assorti d'une indemnité spécifique et d’indemnités complémentaires au profit du salarié telles que :
- l'indemnité compensatrice de préavis le cas échéant avec dispense d'exécuter le préavis,
- l'indemnité compensatrice de congés payés,
- l' indemnité compensatrice de repos compensateur,
- l'indemnité de non-concurrence,
- l'indemnité de précarité pour les CDD,
- l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative du salarié,
- l'indemnité légale de licenciement ou l'indemnité conventionnelle de licenciement fixée par la convention collective de branche ou l'accord professionnel,
- des dommages et intérêts spécifiques…
La base de calcul de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle doit prendre en compte la moyenne la plus favorable des 3 ou 12 derniers mois versés avant la date de la signature de la convention de rupture. Tout élément de rémunération exceptionnel doit être intégré au prorata. Si le salarié a été absent sans rémunération pendant l’une de ces périodes, l’employeur doit reconstituer un salaire brut mensuel moyen correspondant à ce que le salarié aurait perçu s’il avait normalement travaillé, ce qui constituera la base du calcul de cette indemnité. Si le salarié partie à la rupture conventionnelle a moins d’une année d’ancienneté, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle lui est due au prorata du nombre de mois de présence.
2) Une fois signé, l'accord aura l'autorité de la chose jugée entre les parties, ce qui signifie que l'accord ne pourra pas être remis en cause.
3) Si l’une des parties venait à ne pas respecté l’une des obligations prévues dans cet accord, cette partie pourrait introduire une action en résolution de cet accord devant le conseil de prud'hommes afin que le cas échéant il obtienne la restitution des droits auxquels il a renoncé aux termes de l'accord, ce qui dans certains cas peut être lourd de conséquences sur le plan financier.
4) L'utilisation de modèles types est à proscrire car chaque accord répond à une situation particulière et qui à défaut d’y répondre peut donner lieu à une annulation pure et simple de l’acte, de sorte que la rupture soit qualifiée de licenciement avec toutes les conséquences financières que cela suppose.
5) Le salarié peut durant un an exercé un recours et obtenir gain de cause devant le conseil des Prud'hommes car les congés payés ne lui ont pas été payés ou parce que le montant de l'indemnité est inférieur à l'indemnité conventionnelle minimale, c'est-à-dire à un cinquième par mois de salaire jusqu'à dix ans d'ancienneté, et un tiers au delà.
6) En cas de désaccord, le salarié peut toujours refuser de partir.
Pour conclure, compte tenu des risques et des enjeux, il est recommandé de solliciter les services d’un avocat afin de rédiger cet accord en tenant compte de la situation des parties et de négocier les clauses financières ou tout du moins se faire utilement conseiller.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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