La vie des affaires ne se conçoit pas sans la liberté de rompre des relations d'affaires existantes au profit de nouvelles.
Mais cette liberté est soumise à des règles.
Initialement prévu pour sanctionner les abus de puissance économique, le délit civil de rupture brutale d'une relation commerciale établie est aujourd'hui précisé. Tant le législateur que la jurisprudence ont élargi son champ d'application.
Issu de la loi Galland du 1er juillet 1996, l’article L.442-6-I-5° du Code de commerce, tel que modifié par la loi NRE du 15 mai 2001, puis par une loi du 3 janvier 2003, édicte une véritable obligation de loyauté dans la rupture de relations commerciales établies avec un partenaire économique.
La sanction de la rupture brutale des relations commerciales suppose la réunion de trois conditions cumulatives (I).
Le cas échéant, il existe plusieurs sanctions de la rupture brutale des relations commerciales (II).
I - Les conditions de la sanction de la rupture brutale des relations commerciales
1) La rupture d'une relation commerciale établie
La généralité des dispositions légales laisse entendre que la notion de "relation commerciale établie" recouvre tous les types de relations commerciales entretenues entre deux professionnels à l'exclusion des relations avec les consommateurs.
Ce texte s'applique aussi bien à l'achat et à la vente de produits qu'aux prestations de services, qu'il s'agisse indifféremment d'une relation contractuelle ou extra-contractuelle.
La jurisprudence est venue préciser la notion de "relation établie" en tenant compte notamment de la durée des relations, de leur régularité, ou du volume du chiffre d'affaires atteint.
2) L'intervention d'une rupture totale ou partielle
Les dispositions du Code de commerce visent à la fois la rupture totale d'une relation commerciale établie et la rupture partielle.
La rupture totale peut être caractérisée sans difficulté. Elle se traduit par la cessation pure et simple des commandes ou des livraisons.
La rupture partielle est, quant à elle, plus difficile à caractériser. La jurisprudence a jugé qu'une diminution effective des commandes, et, par conséquent, du chiffre d'affaires, constitue une rupture partielle brutale, sous réserve d'être substantielle. De même, elle a assimilé la rupture ne portant que sur la fourniture de certains produits à une rupture partielle brutale.
Enfin, le non-respect d'un engagement de chiffre d'affaires ou des changements de politique commerciale peuvent constituer une rupture partielle.
La qualification de rupture partielle brutale a pour principale conséquence la prise en compte du chiffre d'affaires en tant que référence pour le calcul du préjudice subi.
3) La brutalité de la rupture
Au sens de l'article L.442-6-I-5° du Code de commerce, la rupture d'une relation commerciale établie est brutale en cas de non-respect d'un "préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, etc.".
La brutalité peut découler soit de l'absence de préavis écrit, soit de l'insuffisance du préavis donné.
En vue d'échapper à la sanction de la rupture brutale, le préavis doit donc être suffisant.
En outre, il doit également être émis dans un délai raisonnable. En d'autres termes, le délai est calculé en prenant en compte l'ancienneté de la relation commerciale, la nature des produits ou services concernés, leur notoriété, ou encore l'importance représentée par le partenaire économique, auteur de la rupture, dans le chiffre d'affaires de l'autre partenaire.
L'absence de motivation de la rupture est indifférente dans l'appréciation du caractère brutal ou non de la rupture, sauf en cas de faute ou d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations.
II - Les sanctions de la rupture brutale
1) La responsabilité délictuelle et le paiement de dommages et intérêts
Le Code de commerce impose, à la charge de celui qui souhaite mettre fin à une relation commerciale établie, une véritable obligation de loyauté dans la rupture avec son partenaire économique.
L'auteur de la rupture qui manque à cette obligation commet donc une faute engageant sa responsabilité délictuelle et l'obligeant à réparer le préjudice subi.
2) La demande de poursuite de la relation commerciale
Le partenaire lésé peut demander la reprise des commandes ou livraisons.
A cette fin, il doit saisir soit le juge des référés en invoquant un trouble manifestement illicite, soit le juge du fond par une assignation à bref délai.
3) La faculté de résiliation sans préavis
L'auteur de la rupture peut être exonéré de sa responsabilité dans des cas précis.
Il dispose d'une faculté de résiliation sans préavis, soit en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations, soit en cas de force majeure, laquelle n'est constituée qu'en présence d'un évènement imprévisible, extérieur et irrésistible.
En conclusion :
En imposant à l'auteur de la rupture de relations commerciales établies, l'obligation de respecter un préavis écrit, le législateur a voulu assurer une certaine loyauté dans les relations entre partenaires économiques.
Toutefois, il appartient aux juges de veiller à ce que l'esprit de ces dispositions ne soit pas détourné.
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Anthony Bem
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