Le 9 avril 2015, la Cour de cassation a jugé que la banque qui est titulaire d'une garantie de remboursement, au titre d'un gage sur le compte bancaire de son débiteur, ne peut engager une procédure de saisie immobilière sur les biens de ce dernier aux fins d'obtenir le paiement de sa créance.
La banque se doit donc, au préalable à toute saisie de mettre en œuvre les autres garanties dont elle dispose, sur les fonds donnés en garantie (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 avril 2015, Référence RG°13-28332).
Pour mémoire, l'article 1134 du code civil pose un principe général qui s'applique à toutes les parties aux contrats au terme duquel ces derniers doivent être exécutés de bonne foi.
La loi ne précise pas la notion de bonne foi ni son périmètre.
Cependant, les juges sont souvent appelés à se prononcer sur les déloyautés dont peuvent se rendre coupables certaines parties cocontractantes.
C’est la jurisprudence qui précise donc les contours de la notion de bonne foi.
En l'espèce, l'affaire est simple :
Par acte notarié, une banque a consenti à une société civile immobilière (SCI) un prêt immobilier pour l'acquisition d'un bien.
En raison de la défaillance de la SCI emprunteuse, la banque a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt et a vainement demandé le remboursement immédiat et intégral du montant du solde du crédit à la SCI.
Dans ce contexte, la banque a signifié à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière.
Le commandement de payer est l'acte par lequel un créancier entame la procédure de saisie immobilière.
A défaut de règlement amiable, le créancier peut assigner en justice son débiteur afin de procéder à la vente forcée du bien immobilier de ce dernier.
La procédure de saisie est spéciale à plusieurs égards.
Elle suppose d'abord que, lors d'une audience appelée audience d'orientation, le juge de l'exécution prononce la mise en vente du bien immobilier aux enchères publiques.
Ce n'est qu'à cette audience que le débiteur peut faire part de ses moyens de défense ou de nullité de la procédure au juge.
Une fois cette audience passée, il n'est en principe plus possible au débiteur de stopper la vente forcée de son bien immobilier.
Dans le cas présent, alors que les juges d’appel ont confirmé la vente forcée, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel en considérant :
« Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque, qui était informée du solde positif du compte Stratigestion, donné en garantie du paiement du prêt, n'avait pas manqué à son obligation de bonne foi en n'invitant pas la SCI, avant de prononcer la déchéance du terme, à utiliser ces fonds pour couvrir les échéances impayées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».
Pour résumer, la banque aurait du avant de prononcer la déchéance du terme utiliser les fonds mis en gage par son débiteur afin de couvrir les échéances impayées.
Ainsi, la cour de cassation pose un principe important :
Les banques doivent respecter une obligation de bonne foi lors de la procédure de saisie immobilière qui se traduit par la compensation d'office des dettes, sans le consentement des parties, pour éviter au débiteur de faire les frais d'une procédure longue, coûteuse et financièrement préjudiciable.
Concrètement, les banques doivent, le cas échéant, prélever en priorité le solde positif du compte bancaire du débiteur donné en garantie du paiement du prêt avant de demander au juge que soit ordonnée la vente forcée de son patrimoine immobilier.
Ce faisant, les personnes saisies disposent d'un nouvel argument de défense pour empêcher la réalisation de leur bien immobilier.
La procédure de saisie immobilière connaît ainsi un nouvel écueil que les banques devront surmontés.
Cette compensation obligatoire permet d'éviter la mise en vente d'un bien immobilier du débiteur aux enchères publiques.
Elle est en faveur des débiteurs puisque, lors des enchères judiciaires à la bougie, les prix d'achat des biens immobiliers ne correspondent jamais à la valeur vénale réelle de marché.
Il résulte de cette décision que les fonds mis en gage doivent obligatoirement être utilisés par la banque pour régulariser les échéances impayées, avant la déchéance du terme et même si la créance garantie n'est pas certaine, liquide et exigible.
Au nom de l'obligation de bonne foi, la banque se doit de réaliser le gage du débiteur en immobilisant le solde créditeur de son compte bancaire pour ne pas laisser des mensualités impayées.
A défaut, la banque commet une faute en initiant une action en recouvrement de sa créance par la voie de la procédure de saisie immobilière.
Enfin, il convient de souligner que l'emprunteur n'a pas à prouver avoir, avant la déchéance du terme, proposé à la banque de compenser les échéances impayées du prêt avec les sommes portées au crédit du compte bancaire.
Par conséquent, en cas de procédure de saisie immobilière pratiquée par la banque, le débiteur saisi pourra toujours faire annuler la saisie et condamner la banque pour saisie abusive si celle-ci n'a pas au préalable utilisé les fonds donnés en garantie de remboursement du prêt pour couvrir les éventuelles échéances impayées.
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Anthony Bem
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