Sanction des auteurs d’avis et commentaires critiques de services ou de prestations publiés sur internet à défaut d’en avoir réellement bénéficié

Publié le Modifié le 09/11/2021 Vu 5 028 fois 0
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Les avis et commentaires critiques publiés sur internet sont-ils susceptibles d’entraîner la condamnation de leur auteur sur le fondement du dénigrement à défaut d’avoir pour ce dernier d’en avoir réellement bénéficié ?

Les avis et commentaires critiques publiés sur internet sont-ils susceptibles d’entraîner la condamnation

Sanction des auteurs d’avis et  commentaires critiques de services ou de prestations publiés sur internet à défaut d’en avoir réellement bénéficié

La réputation en ligne est devenue un thème fréquemment abordé par les juges depuis l’avènement du web et plus particulièrement des avis en ligne dans les années 2000. 

 

Elle est devenue un enjeu majeur pour tous les professionnels tels que les hôteliers, restaurateurs, professionnels libéraux, commerçant et artisans. 

 

Avec le développement généralisé et mondialisé de l’expression en ligne, les juges ont été amenés à poser davantage de limites au principe de la liberté d’expression.  

 

Ainsi, le 20 mars 2018, la Cour d'appel de Dijon a jugé que les commentaires et avis critiques de services ou de prestations publiés sur un internet sont constitutifs de dénigrement fautif « lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services ou des prestations critiquées et qu’il procède d’une intention de nuire  ». 

(CA Dijon, 1re ch. civ., 20 mars 2018, n° 15/02004)

 

En l’espèce, un restaurateur a découvert trois jours avant l’ouverture de son établissement la publication par un internaute anonyme d’un commentaire, sur le site internet www.pagesjaunes.fr et rédigé comme suit : 'Surfait, appréciation globale : restaurant très surfait, tout en apparat et très peu de chose dans l’assiette. L’assiette la mieux garnie est celle de l’addition. Ce qu’il a aimé : la décoration, ce qu’il n’a pas aimé : le côté mielleux du personnel.'

 

Le Président du tribunal de grande instance a accordé à la victime l’autorisation d’obtenir la communication de l’adresse email et de l’adresse IP de l’auteur du commentaire dénigrant précité auprès du site www.pagesjaunes.fr.

 

Grace à ces informations, la victime a ainsi pu obtenir auprès du fournisseur d’accès internet la communication de l’identité de la personne connectée sous l’adresse IP obtenue. 

 

Le restaurateur a donc agit en justice contre l’auteur des propos dénigrants afin d’obtenir sa condamnation à lui payer des dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée à son image outre le remboursement des frais et honoraires exposés.

 

Le tribunal a considéré que la formulation du commentaire peut être perçue comme la seule expression d’une critique sur les prestations délivrées dans un restaurant de renom et sur le rapport qualité-prix des produits servis, ce qui n’est pas constitutif d’une faute délictuelle si le propos illustre l’avis personnel d’une personne ayant bénéficié des services critiqués, ce qui n’est pas le cas de l’avis publié 5 jours avant l’ouverture au public du restaurant concerné qui ne peut pas correspondre à l’expression d’un avis objectif se fondant sur une expérience réelle. 

 

A cette date, l’auteur de l’avis négatif n’avait pas pu bénéficier des prestations de ce restaurant qui n’était pas ouvert

 

Le tribunal de grande instance a donc estimé que la critique de produits, services ou prestations ne relève pas des dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dès lors qu’elle ne concerne pas une personne physique ou morale déterminée. 

 

Lorsqu’il s’avère que les allégations sont fausses ou malveillantes et qu’elles ne s’appuient pas sur des faits précis ou objectifs les propos litigieux sont alors susceptibles de justifier une action judiciaire sur le fondement des dispositions de la responsabilité civile de droit commun telle qu’elle est prévue par le code civil. 

 

Ainsi, le tribunal a jugé que l’auteur de l’avis dénigrant a engagé sa responsabilité civile et l’a condamné au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l’image du restaurateur ainsi qu’au remboursement de ses frais de procédure. 

 

En outre les juges de première instance ont relevé que la suppression de cet avis dénigrant puis sa nouvelle publication le matin de l’ouverture du restaurant renforce la démonstration de ce qu’il s’agissait de dissuader de potentiels futurs clients de se rendre dans le restaurant critiqué et ternir l’image du restaurant. 

 

En effet, le jour de l’ouverture l’auteur de l’avis a publié un nouveau commentaire sur le site internet www.pagesjaunes.fr intitulé « bon, cher et chic » dans les termes suivants :« appréciation globale, après un accueil moyen, nous avons apprécié la décoration assez généraliste mais peu régionale. Les assiettes sont peu garnies mais la cuisine est bonne nous laissant sur notre faim. Ce restaurant ne nous a pas conquis, c’est bon, c’est beau mais malheureusement avec des prix bien trop élevés. Pour ce qui est des vins, là encore une grille tarifaire élevée et bien au dessus du raisonnable. En résumé, c’est un établissement qui est destiné à une élite qui est bien peu représentative de la majorité d’entre nous »

 

Le tribunal a considéré que l’expression d’une telle critique s’avérait non fondée et qu’elle ne pouvait s’analyser qu’en une volonté de nuire à la réputation du restaurant. 

 

Pour les mêmes raisons, la cour d’appel a jugé que ces commentaires constituent un dénigrement manifeste de nature à engager la responsabilité civile de droit commun de la part de leur auteur. 

 

La cour d’appel a ainsi posé le principe selon lequel : 

 

« si le commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet n’est pas en soi constitutif d’une faute, comme l’a justement retenu le premier juge, il devient fautif lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services ou des prestations critiquées et qu’il procède d’une intention de nuire  ». 

 

S’agissant de l’indemnisation des préjudices subis, les juges ont pris en compte le fait que les propos dénigrants ont porté une atteinte certaine à l’image de la société exploitant le restaurant. 

 

Outre l’indemnisation de son préjudice moral, le restaurateur a aussi obtenu l’indemnisation de son préjudice matériel par le remboursement des frais d’huissier et honoraires non taxables dans le cadre des procédures qu’il a du engager pour obtenir la communication de l’adresse mail, de l’adresse IP et de l’identité de l’auteur des commentaires litigieux.  

 

Cette décision est importante à plusieurs égards. 

 

Tout d’abord, cet arrêt permet d’étendre les possibilités d’action juridique des professionnels victimes de faux avis publiés sur internet. 

 

En effet, le délai de droit commun pour agir en justice n’est pas de trois mois à compter de la date de la publication de l’avis litigieux mais de cinq ans en matière en dénigrement. 

 

En outre, cette décision étend le champ d’indemnisation des professionnels victimes de faux avis. 

 

Ils peuvent ainsi en pratique obtenir plus de dommages-intérêts sur le fondement du dénigrement que sur celui de la diffamation, qui traditionnellement est trop symboliquement indemnisée par les juges français. 

 

Enfin, cette jurisprudence consacre la sanction des faux avis dont le législateur n’a malheureusement toujours pas encore pris conscience de leur importance et de leur répercussion financière négative pour certains professionnels ou commerçants. 

 

Je suis à votre disposition pour toute action ou information. (en cliquant ici)

Anthony Bem

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