Le 15 septembre 2020 la cour d’appel de Grenoble a sanctionné la Banque Populaire pour défaut de mise en garde d’une caution profane en cas de risque de non-remboursement de la dette de la part de l’emprunteur principal (CA Grenoble, 1re ch., 15 septembre 2020, n° 18/02022).
En l’espèce, une société a souscrit pour les besoins de son activité divers engagements auprès de la banque Populaire dont un prêt professionnel en 2010 et un contrat de crédit en 2014.
En 2015, le père du gérant, s'est porté caution solidaire des engagements de la société.
Après défaillance de la société et mise en liquidation judiciaire en 2016, la Banque Populaire a assigné la caution en exécution de son engagement devant le tribunal de grande instance.
Comme le tribunal a condamné la caution à payer la banque, le débiteur a interjeté appel du jugement.
En effet, la caution faisait valoir qu'elle a souscrit un engagement disproportionné et que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde du risque de non-remboursement de la dette par la société emprunteuse.
Les juges d’appel se sont donc posé la question de savoir si la banque pouvait valablement se prévaloir de l'engagement de caution ou si la disproportion manifeste de l'engagement lui interdisait de s'en prévaloir.
Pour mémoire, aux termes de l'article L 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel tel une banque ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue.
Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard de l'ensemble des engagements souscrits par la caution d'une part, de ses biens et revenus d'autre part.
La jurisprudence obtenue par le Cabinet Bem depuis une célèbre décision du 4 décembre 2013 du tribunal de commerce de Versailles fixe le taux de disproportion des cautionnements au-delà de 33% d’endettement de la caution.
Au cas présent, la fiche de renseignements produite par la Banque Populaire indiquait que la caution était à la tête d'un patrimoine immobilier d’une valeur nette relativement importante.
Dans ce contexte, les juges n’ont pas été en mesure de pouvoir annuler le cautionnement litigieux pour disproportion.
Cependant, les juges ont reproché à la banque un manquement à son devoir de mise en garde de la caution.
En effet, il est acquis en jurisprudence que la banque est tenue à un devoir de mise en garde envers la caution non avertie qui comprend plusieurs aspects.
La jurisprudence a instauré une obligation mise en garde des cautions du risque de non-remboursement de la dette par l’emprunteur, du risque de poursuite de la caution sur son patrimoine et du risque de placer la caution en situation de surendettement.
Comme la caution n'était pas le gérant de la société débitrice, elle ne pouvait qu’être considérée comme une caution non avertie.
En outre, la caution s’est engagée alors que le compte courant de l'entreprise était débiteur de 33.000 euros et alors que la date de cessation des paiements de la société a été rétroactivement fixée à la même période.
Dans ce contexte, les juges ont estimé que la Banque Populaire, qui disposait de toutes les informations utiles sur la situation financière de la société, a exclusivement cherché à garantir ses créances compte tenu de la modicité de l'engagement de caution souscrit par le gérant lors de la création de l'entreprise.
Par conséquent, la cour d’appel a considéré que la situation de la société étant gravement compromise au moment du cautionnement de sorte que la banque a manifestement engagé sa responsabilité en faisant souscrire à une caution non avertie un engagement de caution sans le mettre en garde sur le risque très sérieux de non-remboursement de la part du débiteur principal.
La banque a ce faisant causé à la caution un préjudice caractérisé par la perte de chance de ne pas s'engager.
Compte tenu de la situation de la société débitrice, les juges ont évalué la perte de chance à 95 %, de sorte que le préjudice de la caution a été fixé à 95% du montant de la dette réclamée par la banque.
Il ressort de cette jurisprudence que la caution peut se défendre efficacement contre la banque pour tenter de faire annuler son engagement de garantie grâce à l’un des nombreux moyens juridiques dont la disproportion ou le défaut de respect de l’obligation de mise en garde de la caution des risques liés au cautionnement.
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Anthony Bem
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