Aux termes de l’article 1231-1 du Code civil, le cocontractant qui ne respecte pas ses obligations peut être condamné au paiement de dommages et intérêts s'il ne justifie pas que l'exécution de ses obligations a été empêchée par la force majeure.
Or, l’article L 313-11 du Code de la consommation dispose que le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit gratuitement à l'emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière.
De plus, l’article L 313-12 du Code de la consommation prévoit que sans préjudice de l'examen de solvabilité mentionné à l'article L. 313-16, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l'emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui.
En effet, aux termes de l’article L 313-16 du Code de la consommation, le crédit n'est accordé à l'emprunteur que si le prêteur a pu vérifier que les obligations découlant du contrat de crédit seront vraisemblablement respectées conformément à ce qui est prévu par ce contrat.
Ainsi, avant de proposer une offre de prêt, tout prêteur doit obligatoirement procéder à une évaluation rigoureuse de la solvabilité de l'emprunteur, lui permettant d'apprécier la capacité de ce dernier à rembourser le crédit.
Le prêteur doit donc tenir compte non seulement du patrimoine et des revenus de l'emprunteur, mais aussi de ses charges pour déterminer si le seuil d’endettement de 33% communément autorisé est dépassé ou non.
Cependant, en pratique, les banques et établissements de crédit ne vérifient pas toujours rigoureusement ces informations et ne calculent pas le taux d’endettement réel de l’emprunteur.
En l’espèce, la Banque Française Mutualiste a consenti un prêt personnel dont plusieurs échéances n’ont pas été honorées par les emprunteurs.
Ainsi, la Banque a prononcé la déchéance du terme et a vainement demandé à ces derniers d’avoir à lui payer sans délai l’intégralité du solde débiteur du prêt.
En conséquence, la banque a fait assigner les emprunteurs devant le Juge du Contentieux de la Protection du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Néanmoins, les emprunteurs ont demandé reconventionnellement au juge de condamner la banque à leur payer des dommages et intérêts en raison des manquements à son devoir de mise en garde et de conseil ainsi qu’à son obligation de vérification de leur solvabilité lors de la souscription de l’emprunt.
Au cas présent, il résulte de la fiche de renseignements patrimoniaux versée aux débats par la banque qu’au moment de la souscription du prêt, les emprunteurs ont indiqué percevoir mensuellement environ 2 000€ de revenus chacun et avoir 1 500€ de charges.
Or, il ressort des relevés bancaires communiqués lors de la souscription du prêt, que deux autres prêts ont, en réalité, été souscrits auprès du Crédit Foncier, donnant lieu à des mensualités supplémentaires globales de 1 100€.
Dans ce contexte, le 17 juin 2024, le juge de proximité bordelais a considéré qu’« il doit alors être considéré que la Banque Française Mutualiste, qui avait pourtant en sa possession les historiques des comptes, n’a pas effectué les vérifications nécessaires et n’a, par conséquent, pas mis en garde ou fourni des conseils adaptés à la situation financière des emprunteurs ».
Le taux d’endettement maximum autorisé de 33% était donc dépassé et le juge a estimé qu’il existait une disproportion manifeste entre les ressources mensuelles des emprunteurs et les mensualités totales du prêt, faisant naître un risque d’endettement excessif pour les emprunteurs.
Pour autant, la Banque Française Mutualiste n’a pas cru devoir produire d’élément lui permettant de démontrer avoir rempli son devoir de mise en garde et de conseil vis à vis des emprunteurs lors de la souscription du crédit.
Par conséquent, le tribunal a considéré que « la fiche de dialogue mentionnant de manière erronée, les charges des emprunteurs, est « largement » insuffisante à démontrer que la Banque Française Mutualiste a rempli ses obligations ».
En conséquence, le tribunal a jugé que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil envers les emprunteurs lors de la souscription du prêt.
Pour mémoire, le préjudice né du manquement par l’établissement de crédit à son obligation de mise en garde et de conseil des emprunteurs s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter pour ces derniers.
Le montant des dommages et intérêts alloués aux emprunteurs en cas de manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde est apprécié souverainement par les juges au cas par cas.
Cette affaire illustre la faculté dont dispose les emprunteurs d’obtenir par voie de justice la compensation de leur dette de prêt vis-à-vis de la banque prêteuse avec leur créance de dommages intérêts obtenue pour manquement de celle-ci à ses obligations légales d’information et de mise en garde afin de diminuer le montant de leur dette le cas échéant.
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Anthony Bem
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