Le 22 octobre 2014, la Cour de cassation a jugé qu’un salarié démissionnaire pouvait être condamné sur le fondement de l’abus de confiance pour avoir sciemment détourné des informations provenant de fichiers informatiques de son employeur. (Cass, crim, 22 oct. 2014, n°13-82630)
Pour mémoire, l’article 314-1 du Code pénal dispose que :
« L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé.
L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. »
Ainsi, l’abus de confiance est caractérisé par
- un élément matériel : le détournement d’une chose remise au préjudice du propriétaire remettant ;
- un élément intentionnel : c'est-à-dire une intention frauduleuse de la part de l’auteur du détournement.
Outre ces deux éléments constitutifs de l’infraction pénale, l’abus de confiance présente des caractéristiques qui lui sont propres.
En effet, l’abus de confiance appartient avant tout à la catégorie des délits pénaux commis contre les biens.
En cela ce délit suppose l’existence de deux conditions préalables, à savoir : un « bien quelconque » et une remise.
Selon l’article du Code pénal précité, les « biens » susceptibles d’abus de confiance sont « des fonds, des valeurs ou un bien quelconque ».
Aux termes de ce texte, la jurisprudence a été amenée à préciser la notion légale de « bien quelconque » sur lequel l’abus de confiance peut porter.
Déjà le 14 novembre 2000, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que les dispositions de l'article 314-1 du Code pénal s'appliquent aussi bien à un bien corporel qu’à un bien incorporel, sans existence matérielle (Cass. Crim., du 14 novembre 2000, n°99-84.522).
En l’espèce, un courtier en assurance a démissionné de son poste pour intégrer un cabinet concurrent.
Cependant, durant la période de préavis, l’employeur a découvert lors d’un contrôle la captation de données informatiques confidentielles par le salarié démissionnaire à des fins personnelles et donc non professionnelles.
De plus, le salarié avait signé « une charte pour l’utilisation des ressources informatiques et des services internet » destinée à protéger ces données informatiques de la société.
Dans ce contexte, l’employeur a initié une procédure pénale à l’encontre de son salarié démissionnaire pour abus de confiance.
Les juges d’appel ont condamné le salarié démissionnaire à verser à l’employeur le paiement de dommages et intérêts d’un montant de 10.000 euros.
La Cour de cassation a approuvé la décision des juges d’appel ainsi énumérée :
« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué… qu’un contrôle interne… a établi (que le salarié) avait capté un grand nombre de données issues d’une base informatisée à usage interne de la société, protégée par une charte de confidentialité signée par tous les salariés ; qu’il est poursuivi pour avoir détourné au préjudice de son employeur plus de trois cents fichiers informatiques qui ne lui avaient été remis qu’à charge d’en faire un usage déterminé, conforme à la charte informatique interne proscrivant l’extraction de ces documents de l’entreprise ;
« Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que le prévenu a, en connaissance de cause, détourné en les dupliquant, pour son usage personnel, au préjudice de son employeur, des fichiers informatiques contenant des informations confidentielles et mis à sa disposition pour un usage professionnel, la cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit d’abus de confiance, a justifié sa décision »
Les éléments constitutifs de l’abus de confiance établis en l’espèce étaient donc :
- la remise préalable du matériel informatique ;
- le détournement de l’utilisation de fichiers informatiques à des fins personnelles par le salarié ;
- le préjudice automatique causé par ce détournement à l’employeur ;
- l’intention frauduleuse de détourner les fichiers informatiques à des fins personnelles par le salarié.
En outre, il est intéressant de relever que la preuve de l’abus de confiance peut être établie librement dans le cadre des relations entre salarié démissionnaire et employeur et notamment au moyen d’un contrôle interne.
Par ailleurs, il convient de souligner que l’élément intentionnel de l’infraction, à savoir l’intention frauduleuse du salarié, a été caractérisé par sa signature d’une charte sur l’utilisation des ressources informatiques et des services internet.
Par conséquent, il est important de garder en mémoire que l’utilisation des outils et du matériel informatiques de la société peut être juridiquement encadrée, surveillée et contrôlée par l’employeur.
Avec l’évolution des technologies, l’abus de confiance fait de plus en plus intervenir des ordinateurs et des données ou des fichiers informatiques pour demain éventuellement s’appliquer à nos données numériques ou données à caractère personnel.
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Anthony Bem
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