Le 27 septembre 2016, la cour de cassation a jugé que la condamnation d'un dirigeant au paiement du passif de la société pour fautes de gestion suppose l'accumulation de fautes et l'aggravation du déficit. (Cour de cassation, chambre commerciale, 27 septembre 2016, N° de pourvoi: 14-13926 et 14-50034)
Les dirigeants de société peuvent être amenés à être interdits de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise et toute personne morale, pour une durée maximum de 15 ans, et à devoir prendre financièrement en charge le paiement des dettes de leur société, en cas de faute de gestion de leur part.
Cette circonstance apparaît suite à l'ouverture d'une procédure collective ou à l'occasion de la faillite de la société.
Le procureur de la république présent dans ces procédures peut en effet poursuivre le dirigeant social à la "faillite personnelle" qui consiste à la condamnation du dirigeant à supporter financièrement l'insuffisance d'actif de la société.
Ainsi, l'article L.651-2 du Code de commerce dispose que :
«Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ».
La loi prévoit une dizaine de fautes susceptibles d'être commises par les dirigeants sociaux.
La faute de gestion du dirigeant la plus connue est l'abus de biens sociaux ("ABS" pour les initiés).
Cette faute consiste pour le dirigeant à tirer profit ou à détourner des biens ou de l'argent de la société à des fins personnelles
Par ailleurs, la non coopération avec les organes de la procédure collective ou la tenue d'une comptabilité incomplète font partie des fautes les plus courantes, comme celle de la non déclaration de l'état de cessation des paiements de la société dans les délais légaux.
S'agissant de cette dernière faute, selon le code de commerce, l'omission de déclaration de l'état de cessation des paiements, dans le délai légal de 45 jours à compter de son apparition, constitue une faute de gestion de la part du dirigeant de la société.
Or, l'état de cessation des paiements s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.
Les juges d'appel peuvent donc considérer que le dirigeant commet une faute de gestion en s'abstenant de déposer la déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours suivant le point de départ qu'ils fixent eux mêmes.
Néanmoins, il est fondamental de souligner l'importance de l'effet du retard sur l'insuffisance d'actif de la société pour l'appréciation de la faute du dirigeant.
L'insuffisance d'actif n'est pas pour autant inhérent au retard de la déclaration de l'état de cessation des paiements.
Cependant, le retard de déclaration de l'état de la cessation des paiements peut entraîner une aggravation de l'insuffisance d'actif.
En effet, pour que ces fautes de gestion soient constituées elles doivent participer, directement ou indirectement à l'insuffisance d'actif.
En l'espèce, une société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires.
Le liquidateur a assigné le gérant de cette société en responsabilité pour insuffisance d'actif et afin que soit prononcée une mesure de d'interdiction de gérer et de faillite personnelle à l'encontre du dirigeant.
Les fautes de gestion reprochées au gérant étaient la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, la tenue manifestement incomplète d'une comptabilité, la poursuite d'une activité déficitaire, ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société.
Le dirigeant a concrètement été condamné à régler au liquidateur judiciaire une somme à titre de comblement de l'insuffisance d'actif.
Cependant, la cour de cassation a jugé que :
«la condamnation à supporter une partie de l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de quatre fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une entraîne la cassation de l'arrêt du chef de la condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ».
Ainsi, la condamnation du dirigeant à supporter l'insuffisance d'actif de la société n'est pas automatique même en cas de pluralité de faire de gestion comme dans le cas présent.
On peut en déduire qu'une faute de gestion du dirigeant ne saurait pas valablement dégénérée automatiquement en condamnation de celui-ci à supporter l'insuffisance d'actif de la société.
La suppression par les juges d'une seule faute de gestion sur quatre suffit à remettre en cause la condamnation du dirigeant à supporter l'insuffisance d'actif de la société.
Il convient de souligner que la mesure d'interdiction de gérer a tout de même été conservée à l'encontre du dirigeant.
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Anthony Bem
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