Pour mémoire, l’article L. 1152-1 du code du travail dispose que :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
De plus, l’article L. 1154-1 alinéas 2 et 3 du code du travail dispose que :
« Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».
En l’espèce, M. X a été engagé par la société France citévision en qualité de responsable “réseau accès”.
Selon lui, les agissements réitérées de son employeur constitutifs de harcèlement moral consistaient pour l’essentiel en :
- l’exécution de tâches dégradantes (passage de la serpillière dans les locaux, ramassage des mégots, lavage des véhicules de service et conduite de la voiture de service de son supérieur hiérarchique à la station de lavage),
- d’insultes et de brimades et d’un incident particulier l’ayant opposé à son supérieur hiérarchique.
Après avoir vainement déposé plainte auprès de sa direction générale, il a pris acte de la rupture des relations contractuelles en raison des manquements imputés à son employeur dans l’exécution de ses obligations.
Il a saisi le conseil de prud’hommes d’AMIENS d’une demande tendant principalement à voir juger que la prise d’acte de la rupture des relations de travail devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’il n’avait pas été rempli de ses droits au titre de la rupture et de l’exécution de son contrat de travail.
Dans ce cadre de son action prud'hommale, s’estimant victime de harcèlement moral, d’injures et de manquements de la part de son employeur à ses obligations, M. X a sollicité le paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices subis.
En effet, outre les insultes dont il a fait l’objet, ce salarié devait :
- passer occasionnellement la serpillière dans le local technique “tête de réseau” dont il avait la charge,
- intervenir ponctuellement dans les sanitaires dans l’attente du service de réparation,
- ramasser les mégots de cigarettes avant la réception de clients importants,
- laver à l’occasion un véhicule de service dont la propreté incombait aux techniciens du service sous la responsabilité du salarié, ou
- conduire à la station de lavage à une ou deux reprises le véhicule du directeur technique.
Aux termes d'un arrêt rendu en faveur de l'employeur, les juges de la Cour d’appel d’Amiens ont rejeté la demande du salarié car « il n’en demeure pas moins que le contexte de travail dans une entreprise au familial où chacun participe à diverses tâches matérielles ne permet pas de qualifier celles-ci de dégradantes et humiliantes … le contexte linguistique et culturel peuvent expliquer quelques écarts de langage … qu’enfin l’incident du 13 juin 2007 mettant en cause un supérieur hiérarchique pour avoir jeté des dosettes de café dans la direction du salarié constitue un acte d’énervement isolé ».
Cependant, les juges de cassation ont cassé et annulé cette décision en considérant que :
« lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur , dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
Qu’en statuant ainsi alors qu’il résultait de ses constatations des faits qui, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Pour résumer, il ressort de cet arrêt que :
1) Le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur.
2) Le fait que plusieurs salariés soient soumis au même sort n’exonère pas l’employeur des conséquences de tels agissements à l’égard de l’un des salariés qui les a subis.
3) Les méthodes de gestion ou de direction peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu’elles se manifestent par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
4) L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.
5) Les juges doivent rechercher si les faits dénoncés par le salarié, pris en leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
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Anthony Bem
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