Sanction des prestataires de services de bourse sur Internet pour défaut d’information et de conseil

Publié le Modifié le 12/10/2012 Vu 5 406 fois 0
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Le 8 septembre 2011, la cour d’appel de Paris a jugé que les prestataires d’un service d’investissement en bourse (sur Internet) sont tenus de respecter une obligation d’information et de mise en garde auprès de leurs clients profanes. Ainsi, les juges imputent les pertes subies en Bourse par les investisseurs, au titre de leurs mauvais placements sur les marchés, aux prestataires de services d'investissement. (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 6, 8 septembre 2011, n°08/24613).

Le 8 septembre 2011, la cour d’appel de Paris a jugé que les prestataires d’un service d’investissemen

Sanction des prestataires de services de bourse sur Internet pour défaut d’information et de conseil

En l’espèce, en 2001, Mme X a ouvert un compte de titres auprès d’un prestataire de services d’investissement en bourse sur Internet. 

Après plusieurs opérations (au SRD : Service de Règlement Différé), son compte de titres a enregistré un débit de près de 430.000 euros qu’elle n’a pu rembourser. 

La banque a donc assigné Mme X en justice afin d’obtenir sa condamnation à lui rembourser le découvert de son compte de titres.

Dès le début de la procédure, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné le prestataire pour manquement à son devoir d’information.

Suite à une longue épopée judiciaire, le 8 septembre 2011, les juges de la cour d’appel de Paris viennent de considérer que :

« Si par la lecture des conditions générales, Mme X a eu connaissance des risques inhérents à un défaut de couverture, il appartenait par contre à la société P de lui adresser, en qualité d’opérateur profane, un questionnaire précis sur les risques des opérations boursières ; que la lecture des conditions générales par un opérateur ne saurait suffire à prouver que la société P a respecté son devoir d’évaluation de compétence ;

La société P ne justifiait pas lors de l’ouverture du compte, avoir procédé à l’évaluation de la compétence de Mme X, s’agissant de la maîtrise des opérations envisagées et des risques encourus de ces opérations, ou par la suite de lui avoir fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la société P a commis une faute qui a entrainé une perte de chance de Mme X de ne pas contracter. » 

Il ressort de cette décision que :

- les juges vérifient scrupuleusement que les prestataires de services d'investissement en bourse respectent bien leur obligation d’information et de conseil auprès de leurs clients profanes (I) ;

- Les préjudices subis sont constitués par la perte de chance du client de ne pas contracter, ne pas "jouer en bourse" ou la perte de chance de ne pas "perdre de l'argent" (II).

 

I – L’obligation d’information et de mise en garde appréciée en faveur des investisseurs profanes

L’article L. 533-13-I du code monétaire et financier dispose notamment que :

« En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation.

Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations requises, les prestataires s'abstiennent de leur recommander des instruments financiers ou de leur fournir le service de gestion de portefeuille pour compte de tiers. »

Par ailleurs, pour faire échec à la validité de ces clauses limitatives de responsabilité, la jurisprudence fait une interprétation large de l’investisseur profane (Cour d’appel de Paris, Chambre 15, section B, 20 octobre 2006, n°05/05457)

Les clauses de nature à désengager la responsabilité du prestataire sur le terrain de l’obligation d’information qui stipuleraient, par exemple, que « Le titulaire reconnaît avoir une parfaite connaissance de la règlementation et du fonctionnement des marchés sur lesquels il souhaite intervenir. Il est conscient des fluctuations rapides qui peuvent intervenir sur certains marchés et de leur caractère spéculatif » sont considérées par la jurisprudence comme « de pur style » et « notoirement insuffisante à mettre utilement en garde un client profane ».

Les juges vérifient donc si les investisseurs ont ou non une expérience professionnelle dans un secteur proche de celui des investissements financiers mais considèrent en tout état de cause que le parrainage dont les clients peuvent bénéficier à l’ouverture de leur compte ne suffise pas à caractériser leur connaissances des subtilités de la bourse et des marchés spéculatifs.

Dans la droite lignée de l'affaire jugée le 8 septembre 2011, il convient de rappeler que récemment des juges ont eu l'occasion de retenir le manquement de prestataires à leur obligation d’information et de conseil à l'égard de clients investisseurs qui avaient procédé à de nombreux placements boursiers :

-le 6 février 2007, la chambre commerciale de la cour de cassation a jugé que :

« Il appartient à celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information de rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation. » (Cass. Com. 6 février 2007, n°05-19452)

- le 17 février 2011, la Cour d’appel de Rennes a jugé que :

« Or, Mme T n’a pas de profession déclarée et à défaut de prouver ses connaissances et ses compétences en matière boursière la Caisse est débitrice à son égard d’un obligation de mise en garde sur les risques d’endettement générés par ses opérations spéculatives. » (Cour d’appel de Rennes, 17 février 2011, n°120,09/01662)

- le 24 février 2011, la cour d'appel de Paris a jugé que :

« La circonstance que M. R ait passé plusieurs ordres se rattachant à une gestion spéculative ne saurait établir, à elle seule, qu’il était un opérateur averti. » (Cour d’appel de Paris, 24 février 2011, n°08/11148) 

Les banques ou sociétés prestataires de services en bourse doivent donc :

- d’une part, vérifier à l’ouverture des comptes titres si leurs clients sont ou avertis pour pouvoir s’exonérer de leur responsabilité en cas de préjudices subis par leurs clients ;

- d’autre part, pouvoir rapporter la preuve que les clients qui procèdent à des placements boursiers sont avertis et ainsi produire un questionnaire précis sur les risques des opérations boursières établit de la main du client.

En tout état de cause, ces décisions sont en faveur des investisseurs puisqu’elles indemnisent les préjudices nés de la perte de chance de ne pas "jouer en bourse" ou la perte de chance de ne pas "perdre de l'argent".

 

II – L'indemnisation du préjudice né de la perte de chance de ne pas "jouer en bourse" ou la perte de chance de ne pas "perdre de l'argent"

Les juges sanctionnent le non respect de l’obligation d’information et de mise en garde des prestataires de services de bourse en ligne vis-à-vis de leur client profane sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil qui pose le principe de la responsabilité contractuelle. 

Dans l'affaire du 8 septembre 2011, les juges d'appel ont considéré que le préjudice de Mme X est constitué par la perte d’une chance de ne pas avoir contracté tandis que dans celle jugée le 17 février 2011 (précitée), le préjudice de Mme T est constitué par la perte d’une chance de ne pas perdre de l’argent.

La Cour a ainsi jugé que:

" Considérant que, si par la lecture des conditions générales, Mme X a eu connaissance des risques inhérents à undéfaut de couverture, il appartenait par contre à la société Procapital de lui adresser, en qualité d'opérateur profane, un questionnaire précis sur les risques des opérations boursières ; que la lecture des conditions générales par un opérateur ne sauraient suffire à prouver que la société Procapital a respecté son devoir d'évaluation de compétence ;

Considérant que la société Procapital ne justifiant pas lors de l'ouverture du compte, avoir procédé à l'évaluation de la compétence de Mme X, s'agissant de la maîtrise des opérations envisagées et des risques encourus de ces opérations ,ou par la suite lui avoir fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la société Procapital a commis une faute qui a entraîné une perte de chance de Mme Bouhnik de ne pas contracter ;

Considérant que Mme X ayant réalisé ses opérations boursières dans un temps très court - en l'espèce sur une durée inférieure à huit jours - il ne peut être soutenu par ailleurs qu'elle a acquis au fur et à mesure de la passation de ces opérations une expérience boursière ;

Considérant que Mme X devant par voie de conséquence être considérée comme opérateur profane et la société Procapital ayant manifestement manqué à son obligation de mise en garde, il y a faute de la société Procapital qui a entraîné pour Mme X une perte de chance de ne pas contracter, perte de chance qui doit être réparée ".

Bien que la formulation de ce préjudice diffère, leur origine est  identique : le manquement du prestataire de services de bourse à son obligation d’information et de mise en garde.

En conséquence, les juges octroient aux clients malchanceux des dommages et intérêts équivalent à la perte subie et qui, le cas échéant, se compensent avec la créance éventuelle du prestataire relative au solde débiteur du compte titre. 

Enfin, il est important de retenir que :

- les obligations d’information et de mise ne garde s’appliquent tout aussi bien aux banques, établissements financiers, sociétés de bourse en ligne, prestataires de services d’investissement sur Internet ;

- les sommes allouées par les juges au titre de la réparation des préjudices sont proportionnelles au débit enregistré sur le compte titre de l’investisseur ou des sommes perdues.

Ainsi, la valeur du compte titre négative suite à des placements à perte effectués sur le SRD ne seront pas imputables au donneur d’ordres (Cass. Com., 26 février 2008 (arrêt n° 07-10.761).

L'obligation de couverture du donneur d’ordres n'a d'obligation que le nom et les prestataires de services d’investissement ne peuvent valablement procéder à la liquidation des positions sur le SRD.

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Anthony Bem
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