Pour mémoire, l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce prévoit que le fait de « rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit » la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé.
Ce texte permet ainsi au contractant dont le contrat a été rompu de manière « imprévisible, soudaine et violente » d’engager la responsabilité de son cocontractant afin d’obtenir une indemnisation de ses préjudices résultant de la brutalité de la rupture.
En principe, l’application de ce texte ne présente pas de difficulté dès lors que la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie est caractérisée.
Cependant, si la relation commerciale en question comporte un élément d’extranéité, le régime applicable à la rupture brutale devient difficile à déterminer.
A titre d’exemple, en cas de rupture brutale d’une relation d’affaire entre une société française et une société étrangère, des difficultés peuvent se présenter quant à l’application ou l’applicabilité de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce au profit de la société étrangère.
En effet, dans une telle situation, la question se pose inévitablement de savoir quelle est la loi applicable.
Pour ce faire, il faudra déterminer si la responsabilité en cause est contractuelle ou extracontractuelle.
S’agissant de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce, la jurisprudence retient une qualification extracontractuelle.
Or, en matière de responsabilité extracontractuelle, le principe est que la loi applicable est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit.
Cependant, il peut arriver que l’on soit en présence d’un délit complexe, c’est-à-dire que le fait générateur soit survenu dans un pays et que le dommage lui-même soit subi dans un autre.
Dans ce cas, le lieu où le fait dommageable s'est produit peut être aussi bien celui du fait générateur du dommage que celui du lieu de réalisation de ce dernier.
Afin de déterminer lequel de ces deux lieux est à retenir, il convient de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable.
Telle est l’analyse qui a été suivie par la cour de cassation dans l’arrêt du 25 mars 2014 pour faire application de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce dans un litige relatif à la rupture d’une relation d’affaire entre une société française et une société étrangère. (Cass Com., 25 mars 2014, n° 12-29534)
En l’espèce, une société chilienne qui distribuait au Chili les parfums et produits cosmétiques de la société Guerlain, a conclu avec cette dernière un contrat de distribution d'une durée de trois ans, renouvelable ensuite pour une durée indéterminée.
Par la suite, la société Guerlain lui a notifié la résiliation immédiate du contrat de distribution.
Estimant cette rupture brutale et abusive et reprochant à la société Guerlain des manquements à ses obligations contractuelles, notamment à la clause d'exclusivité dont elle bénéficiait, la société chilienne l'a assigné en réparation de ses préjudices devant les juges français sur le fondement de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce.
Pour sa défense, la société Guerlain soutenait que ce texte n’était pas applicable dans la mesure où le dommage s'était produit au Chili.
Cependant, la cour d’appel a rejeté l’argumentation de la société Guerlain, en retenant que la loi applicable à la demande de dommages-intérêts formée par la société chilienne était bien la loi française.
Cette décision est confirmée par la Cour de cassation qui a d’abord considéré que « la loi applicable à la responsabilité extracontractuelle est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit et que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que de celui du lieu de réalisation de ce dernier ».
Ensuite, la Cour de cassation a approuvé les juges d’appel d’avoir rappelé à juste titre qu'en cas de délit complexe, il y a lieu de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable.
Dans le cas présent, la relation contractuelle qui liait les deux sociétés avait plus de douze ans d’ancienneté, le contrat avait été conclu à Paris et désignait le droit français comme loi applicable et le tribunal de commerce de Paris comme juridiction compétente.
Par conséquent, c’est en suivant cette méthode du faisceau d’indices que la Haute juridiction a rejeté le pourvoi de la société française qui invoquait l’inapplicabilité de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce.
Enfin, il convient de retenir que l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce sanctionnant la rupture brutale d’une relation commerciale établie est bel et bien applicable à la rupture d’une relation d’affaire entre une société française et une société étrangère.
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Anthony Bem
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