Le formalisme en matière de preuve de la diffusion d'un contenu illicite sur internet est strict et doit être respecté afin que les captures d’écran présentées dans le cadre de procédure judiciaire aient une valeur probante.
Néanmoins, nous déjà eu l'occasion de révéler l'existence d'une tendance récente de la part des juges à atténuer le régime de la preuve sur internet, dans un article publié récemment.
Un nouveau phénomène est apparu, ce sont les preuves issues des sites d’archive internet comme le site web « archive.org ».
Le site « archive.org » ou « The Wayback Machine » est un service d'archive basé en Californie aux Etats Unis qui, en quelque sorte, de manière imagée, prend des photos de pages web de tous les sites.
Les sites web d'archives permettent ainsi de consulter dans les pages d'un site web dans ses versions antérieures.
S'agissant des preuves apportées grâce au site d’archive internet, la Cour d’appel de Paris en 2010 avait refusé comme preuve valable le constat effectué « à partir d’un service d’archivage exploité par un tiers à la procédure, qui est une personne privée sans autorité légale, dont les conditions de fonctionnement sont ignorées ; qu’il ressort de l’extrait des questions posées sur son fonctionnement (…) que cet outil de recherches n’est pas conçu pour une utilisation légale ». (CA Paris, 2ème Ch., 2 juillet 2010, « Saval, Établissements Laval c/ Home Shopping Service (HSS) »)
Le fait que les constats d'huissiers de justice dressés à partir du site d’archive web soient dépourvus de toute valeur probante n’est donc pas étonnant.
Cependant, les jurisprudences internationales tendent depuis peu à valider comme preuve les constats dressés sur le site « archive.org ».
En effet, la chambre de recours de l’Office européen des brevets a rappelé dans une décision du 24 mai 2014, que le document issu d’archive.org, « présente des garanties suffisantes pour bénéficier d’une présomption de source d’information fiable et de confiance, à charge pour la partie adverse de produire, en fonction de l’espèce, les éléments de nature à jeter un doute sur cette fiabilité présumée et par là même détruire cette présomption. » (Office européen des Brevets, décision de la Chambre de recours technique du 21 mai 2014, Pointsec Mobile Technologies AB / Bouygues Telecom).
La validité des preuves issues du site archive.org a aussi été reconnu par le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
Aux termes d'un arrêt du 21 octobre 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a reconnu également la valeur probante du site archive.org. (Tribunal de grande instance de Paris, 17ème chambre – presse civile, jugement du 21 octobre 2015. Mme X. / BXX et M. Y.)
En l’espèce, une femme avait participé au tournage d’une vidéo à caractère pornographique.
Quelques années plus tard, elle a constaté que la vidéo était toujours en ligne mais sans son consentement.
Pour prouver que les vidéos étaient bien en ligne, l’huissier de justice qui dressait le constat en ligne a utilisé le site internet archive.org : « la demanderesse a fait dresser un constat d’huissier le 20 novembre 2014, à partir du site internet www.archive.org, faisant état de la présence, sur le site www. x.com en 2013 et 2014, de la vidéo au prénom de la demanderesse « Mme X. », dans la rubrique « X » précisant son âge, sa nationalité M., ses pratiques sexuelles et son lieu de résidence ».
Les juges ont considéré que le constat d’huissier valait bien la preuve de la diffusion des contenus litigieux :
« Les défendeurs ne peuvent utilement contester la diffusion de cette vidéo sur les réseaux sociaux et sur le site internet www.x.com, diffusions dont la réalité résulte du constat d’huissier réalisé à partir du site www.archive.org, puisqu’il résulte de celui-ci ».
Il résulte de cette décision que les sites d'archives peuvent aussi valoir preuve et qu'en cas de suppression de contenus sur un site il est toujours possible de constater le site d'archives pour établir la preuve par voie de constat d'huissier de justice.
Enfin, il convient de garder en mémoire que les sites d'archives sont la mémoire du net.
En effet, ce n'est pas parce qu'un contenu illicite a été retiré sur un site internet que le contenu litigieux a été aussi supprimé sur le site d'archives.
Au contraire, compte tenu de l'objet du site internet d'archives, les contenus restent et ne s'effacent pas, sauf à ce qu'on leur formule expressément la demande au cas par cas.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
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