La jurisprudence a déjà eu l’occasion de juger que l’exclusivité territoriale n’est pas essentielle en matière de franchise : « l'absence de stipulation d'une clause d'exclusivité territoriale dans un contrat de franchisage n'étant pas à elle seule de nature à en entraîner l'annulation.» (Cass. Com., 16 janvier 1990, no 88-16421)
Pourtant, l’insertion d’une clause d’exclusivité territoriale est une pratique courante car elle permet de réserver à chaque franchisé un secteur protégé au sein duquel le franchiseur assure à ses franchisés l'usage paisible de sa marque et l'exclusivité de la distribution de ses produits ou services.
En interdisant ainsi au franchiseur d‘ouvrir un autre point de vente dans un secteur géographique déterminé, la clause d’exclusivité territoriale permet à son bénéficiaire de rentabiliser ses investissements, en écoulant sans entrave et sans concurrence dans un secteur défini contractuellement les produits du franchiseur.
En l’espèce, une société a conclu un contrat de franchise avec un franchiseur pour l'exploitation d'un magasin d'accessoires de mode.
Afin de garantir au franchisé une zone d’attractivité suffisante, le contrat de franchise comportait une clause d’exclusivité en vertu de laquelle le franchiseur s’était engagé à ne pas installer un autre point de vente sur le territoire concerné.
Par la suite, le franchiseur a ouvert un site internet pour la vente de ses produits et la diffusion de catalogues mentionnant ses coordonnées internet avec des prix moindres.
Estimant que la création de ce site internet devait être assimilée à l'ouverture d'un nouveau point de vente qui violait l'exclusivité territoriale dont elle bénéficiait, le franchisé a assigné le franchiseur en résiliation du contrat de franchise et en paiement de dommages et intérêts.
La question se posait alors de savoir si l'ouverture d'un site internet par le franchiseur constitue ou non un point de vente de nature à caractériser la violation de l'obligation d'exclusivité territoriale.
La cour d’appel a répondu par l’affirmative en prononçant la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur et en condamnant ce dernier à payer à son franchisé des dommages et intérêts.
Pour ce faire, les juges d’appel ont estimé que le nombre peu important des ventes réalisées par le franchiseur par internet ne suffit pas à écarter la violation par celui-ci de l'exclusivité qu'il avait lui-même accordée au franchisé en s'interdisant d'installer un autre point de vente franchisé sur le territoire concerné.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en jugeant que « le contrat se bornait à garantir au franchisé, la société GSR, l'exclusivité territoriale dans un secteur déterminé et que la création d'un site internet n'est pas assimilable à l'implantation d'un point de vente dans le secteur protégé. »
Cette solution reprend ainsi un principe déjà dégagé par trois arrêts du 14 mars 2006 : « la création d'un site internet n'est pas assimilable à l'implantation d'un point de vente dans le secteur protégé. » (Cass. Com., 14 mars 2006, n° 03-14639 ; 03-14640 ; 03-14316).
En d’autres termes, l'ouverture d’un site internet par un franchiseur ne sera pas considérée comme un nouveau point de vente violant une clause d’exclusivité territoriale formalisée contractuellement au profit du franchisé.
Par conséquent, un franchiseur peut, sans méconnaître la clause d'exclusivité territoriale accordée à son franchisé, ouvrir, sans condition, un site internet pour vendre ses produits.
La solution dégagée par la Cour de cassation est conforme aux lignes directrices sur les restrictions verticales du 10 mai 2010 qui disposent que : « l’utilisation par un distributeur de son propre site internet ne peut être assimilée à l'ouverture d'un nouveau point de vente en un lieu différent. »
Néanmoins, même si aucun point de vente n’est matériellement ouvert dans le secteur d’exclusivité territoriale par la simple création d’un site marchand, cette activité revient à rendre disponible pour ce territoire des produits ou services écoulés sous franchise.
Par conséquent, la clientèle située dans le ressort géographique du franchisé risque de se détourner du point de vente physique de ce dernier pour acheter directement ses produits sur le site internet du franchiseur.
Il aurait donc été judicieux d’appliquer la distinction entre vente active et vente passive, car autant la pratique de la vente passive par internet ne viole pas l'exclusivité territoriale du franchisé, autant la pratique de la vente active par envoi de sollicitations par e-mails aux clients du franchisé est de nature à engager la responsabilité du franchiseur.
Toutefois, la Cour de cassation ne s’est pas référée à cette distinction de sorte qu’il est recommandé aux franchisés de se faire conseiller par un avocat spécialisé avant la conclusion d’un contrat de franchise afin de se prémunir contre les risques liés à l’ouverture d’un site internet concurrent par le franchiseur.
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Anthony Bem
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