Lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion, même unique, ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d’entre eux.
I – De l'importance de la notion de dirigeant de fait lors de la liquidation
La notion de dirigeant de fait permet ainsi aux juges de sanctionner une autre personne que le dirigeant dont le nom est porté officiellement sur les documents sociaux, le dirigeant de droit.
Au moment de la liquidation, les dirigeants de fait sont condamnés comme les dirigeants de droit.
Le dirigeant de fait sera souvent celui qui, dans l’ombre, dirige la société ou se comporte comme tel aux yeux des tiers.
La présente affaire en donne une illustration et une définition.
En l’espèce, Mme X exerçait les fonctions de gérante de la SARL LSG et M. Y, celle de directeur technique.
La société LSG ayant été mise en liquidation judiciaire, le liquidateur a assigné Mme X et M. Y en paiement des dettes sociales et les juges d’appel les ont condamnés solidairement, en leur qualité respective de dirigeants de droit et de fait.
La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel en jugeant que :
« loin de se borner à retenir le fait d’être associé, d’avoir des relations personnelles avec la gérante de droit, d’avoir été l’interlocuteur des agents de l’URSSAF comme d’avoir loué un véhicule d’une certaine valeur, l’arrêt relève que M. Y... était titulaire de la signature sur le compte bancaire de la société, qu’il a indiqué aux agents de l’URSSAF qu’il ne lui resterait plus qu’à déposer le bilan s’ils devaient rechercher la responsabilité de la société et qu’il s’était présenté comme le représentant de cette dernière pour la location d’une berline Audi A6, d’une valeur de 56 670,03 euros ; que par ces motifs faisant ressortir que M. Y... avait exercé en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société LSG , la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».
Le dirigeant de fait est donc la personne qui exerce en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la société.
II – De l'importance de la qualification de la faute de gestion pour pouvoir condamner le dirigeant au paiement du passif de la société
La jurisprudence impose que les fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société en liquidation soient légalement justifiées.
Les juges doivent donc qualifier au cas par cas les faits qu’ils considèrent être comme des fautes de gestion prouvée de la part de chaque dirigeant, c'est-à-dire des fautes commises par les dirigeants de fait ou de droit ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société.
La présente affaire en donne un florilège :
- Alors que la société a connu trois exercices déficitaires en 2004, 2005 et 2006, aucun des dirigeants de droit ou de fait n’a cru devoir déclarer la cessation des paiements avant le 3 janvier 2007,
- La société LSG, qui a fait l’objet d’un redressement pour défaut de paiement de la TVA, a un important passif fiscal, après la date de cessation des paiements, fixée au 1er janvier 2006,
- M. Y a constitué, le 10 août 2006, une Eurl B2S ayant le même objet et le même siège social que la société LSG, laquelle a repris, pour deux clients de cette société, les prestations précédemment fournies par la société LSG,
- Mme X et M. Y, qui avaient la signature bancaire, ont effectué des prélèvements en espèces sans qu’ils puissent justifier de leur destination,
- Le compte courant d’associé de Mme X, débiteur, n’a été remboursé qu’après l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et le jugement.
Les juges d’appel ont condamné solidairement Mme X et M. Y au paiement du montant de l’insuffisance d’actif en motivant seulement leur décision comme suit : « les “comportements” retenus ont constitué autant de fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société, ce qui justifie de condamner Mme X... et M. Y... solidairement ».
La cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel en jugeant « qu’en se déterminant ainsi par une motivation insuffisante à répondre aux exigences du texte susvisé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
Le défaut de preuve ou de motivation des jugements de condamnation des dirigeants au titre des fautes de gestion constitue un moyen de défense efficace pour ces derniers lors des procédures en recouvrement d’insuffisance d’actif engagées à leur encontre par le liquidateur.
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Anthony Bem
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