Succession: l’action de l'héritier en contestation de testaments pour insanité d’esprit du testateur

Publié le Modifié le 13/04/2013 Vu 17 655 fois 2
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Les 6 et 20 mars 2013, la Cour de cassation a posé les conditions d’exercice et fixé les modalités de calcul du délai de prescription de l’action en contestation d’un testament pour insanité d’esprit entrainant la nullité des testaments litigieux (Cass. Civ. I, 6 mars 2013, N° de pourvoi: 12-17360 et 20 mars 2013, N° de pourvoi: 11-28318).

Les 6 et 20 mars 2013, la Cour de cassation a posé les conditions d’exercice et fixé les modalités de cal

Succession: l’action de l'héritier en contestation de testaments pour insanité d’esprit du testateur

En principe, les libéralités, telles que les donations et testaments, sont présumées avoir été valablement consenties par leur auteur.

Cependant, l’article 414-2 du code civil dispose que :

«  De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.

Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;

2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future.

L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304. »

Ainsi, il appartient à celui qui sollicite l'annulation d'une libéralité d'établir le trouble mental de nature à permettre de conclure à l’insanité d'esprit du disposant au moment où elle a été consentie.

L'insanité d’esprit de l'auteur d’un testament peut valablement justifier que les héritiers du testateur intentent une action en contestation de cet acte après le décès du testateur.

La cour de cassation vient de fixer, par deux arrêts des 6 et 20 mars 2013, les conditions d'exercice de cette action ainsi que les modalités de calcul du délai de prescription quinquenalle de l'action.

Pour mémoire, si le rédacteur de l’acte ne fait l’objet d’aucune mesure de protection, ledit acte, notamment testamentaire, ne peut être attaqué que sur le fondement des articles 414-1 et 901 du code civil.

L'article 414-1 du code civil dispose que « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte » et l'article 901 du code civil prévoit plus spécialement que « Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ».

Nous analyserons successivement ci-après l'apport des arrêts des 6 et 20 mars 2013 :

I - Analyse de l'arrêt du 6 mars 2013 rendu par la Cour de cassation (Cass. Civ. I, 6 mars 2013, N° de pourvoi: 12-17360) :

En l'espèce, une personne est décédée laissant pour lui succéder des neveux et nièces.

Elle avait rédigé neuf testaments dont sept en faveur de Madame Y.

Deux héritiers ont introduit une action en justice sollicitant la nullité de ces testaments.

Le tribunal a ordonné avant dire droit une expertise psychiatrique dont le rapport de l'expert, judiciaire corroboré par des témoignages, établissait la dégradation de l'état mental de la défunte mais pas le fait que celle-ci ait pu se trouver dans un instant de lucidité lors de la rédaction des testaments litigieux.

En effet, le médecin traitant habituel depuis 15 ans déclarait qu'à son avis « les fonctions supérieures ne marchaient plus depuis 1 à 2 ans avant son départ de l'appartement...''et qu'il la trouvait " désorientée dans le temps, mais avec un raisonnement parfait et un langage construit ", estimant cependant que ses oublis concernant ses propres visites constituaient un élément en faveur d'une détérioration intellectuelle et émettant l'hypothèse d'une démence artériopathique ».

Le docteur psychiatre, attaché à la maison de retraite préconisait une mesure de sauvegarde de justice et de protection des biens constante type tutelle.

Le psychiatre désigné par le juge des tutelles a conclu que la défunte présentait un état de détérioration intellectuelle d'origine sénile, avec atteinte de la mémoire, de la concentration et de l'orientation, accompagnée d'un état dépressif réactionnel.

Dans ce contexte, l’état de vulnérabilité physique et morale ainsi que d'indécision était tel qu'une personnalité extérieure investie positivement, pouvait exercer sur elle une influence de nature à infléchir son libre choix.

A cet égard, la succession rapide de testaments, qui sont soit une confirmation des précédents, soit l'expression d'un changement décisionnel en faveur de nouveaux bénéficiaires, peut évoquer une difficulté d'adaptation et/ ou de jugements mais aussi une altération des capacités mnésiques (concernant la mémoire des faits récents ou plus anciens), ces troubles de mémoire pouvant représenter une entrave à mener une action cohérente, continue et pertinente.

Par conséquent, les juges de première, d'appel et de cassation ont donc prononcé la nullité des sept testaments en raison de l’insanité d’esprit du disposant et jugé que les héritiers légaux devaient recevoir la succession du défunt.

Pour conclure, lorsque le testateur se trouve à l'époque de l'établissement des testaments dans un étal variable (en fonction du moment et du contexte environnemental) d'affaiblissement de ses facultés mentales qui était susceptible d'entraver sa liberté de jugement, de critique et de raisonnement et pouvait remettre en question sa capacité d'exprimer une volonté saine, les testaments sont considérés comme nuls et non avenus.

II - Analyse de l'arrêt du 20 mars 2013 rendu par la Cour de cassation (Cass. Civ. I, 20 mars 2013, N° de pourvoi: 11-28.318) :

En l’espèce, une personne est décédée en laissant pour lui succéder ses deux filles.

Par testament authentique, la défunte avait légué la plus forte quotité disponible de sa succession à l’une de ses filles en précisant les biens qui lui étaient attribués en priorité et l'ordre dans lequel ils devaient lui revenir.

L’héritière désavantagée a assigné sa sœur en justice afin d’obtenir l'annulation du testament précitée pour cause d'insanité d'esprit de la testatrice.

Sur le fondement par l'article 1304 alinéa 1er du code civil selon lequel « dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans », les juges d’appel ont déclaré cette action en nullité irrecevable pour avoir été engagée au-delà du délai.

Or, la cour d’appel a fait commencer à courir le délai de prescription quinquennale à compter du jour de l'acte contesté.

Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en jugeant que :

« l'action en nullité d'un acte à titre gratuit pour insanité d'esprit ne pouvant être introduite par les héritiers qu'à compter du décès du disposant, la prescription n'avait pu commencer à courir avant le décès du testateur ».

En effet, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Dans le cadre du règlement des successions, ce n'est qu'à l'ouverture de la succession et donc au décès de son auteur, que l'héritier a qualité pour agir et la possibilité d'exercer une action en nullité du testament pour insanité d'esprit.

Par conséquent, la jurisprudence a décidé que :

- la sanction de l'acte accompli en état d'insanité d'esprit est une nullité relative, nullité de protection qui ne peut être demandée que par les successeurs universels légaux ou testamentaires du de cujus,

- l'action en contestation de testament est soumise à la prescription abrégée de l'article 1304 du code civil précité,

- le délai de prescription de l'action en contestation de testament court du jour du décès du testateur.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01

Email : abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1435 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par quiqui11
17/04/2013 14:27

Je ne trouve aucune réponse au pb suivant:
Un certificat medical hospitalier etablissant la démence et sa déclaration au PR avec demande de protection judiciaire (tutelle)peut entrainer une mise sous sauvegarde de justice possible immédiate, n'estce pas?
Le juge des tutelles désigne un expert malgré tout et le jugement officiel de mise sous curatelle 512 intervient un an plus tard Il désigne comme curatrice une des bénéficiaires des assurances vies, abondée entre temps, ainsi que la meme personne de la famille désignée comme légataire à titre universel dans un testament souscrit avant l'expertise médicale qui préconiseelle aussi une curatelle rnforcée. N'y a t il pas conflit de compétence?

2 Publié par Maitre Anthony Bem
17/04/2013 16:06

Bonjour quiqui11, merci de me consulter en ligne via le lien "posez vos questions". Cordialement.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1435 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles