Le 2 octobre 2015, la Cour de cassation a jugé que les parts d'une société de droit monégasque, propriétaire d'immeubles situés en France, appartenant à un résident monégasque décédé en France sont soumises à l'impôt sur les successions à Monaco, et non en France. (Cour de cassation, Assemblée plénière, 2 octobre 2015, N° de pourvoi: 14-14256)
Pour mémoire, il existe une Convention signée le 1er avril 1950 entre la France et la Principauté de Monaco relative aux modalités de règlement des successions.
La Convention franco-monégasque tend à éviter les doubles impositions et à codifier les règles d'assistance en matière successorale.
L'article 2 de la convention a trait aux biens immeubles et dispose que :
1. les immeubles et droits immobiliers faisant partie de la succession d'un ressortissant de l'un des deux États contractants ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'État où ils sont situés,
2. la question de savoir si un bien ou un droit a le caractère immobilier sera résolue d'après la législation de l'État dans lequel est situé le bien considéré ou le bien sur lequel porte le droit envisagé.
L'article 3 a trait aux biens meubles corporels autres que ceux visés aux articles 4, 5 et 6 et aux billets de banques et autres espèces monétaires.
L'article 4 a trait aux bateaux et aéronefs.
L'article 5 a trait aux biens meubles corporels ou incorporels investis dans une entreprise.
L'article 6 a trait aux actions et parts sociales. Il précise : les actions ou parts sociales, fonds d'État, obligations, créances chirographaires ou hypothécaires et tous autres biens laissés par un des ressortissants de l'un des deux États auxquels ne s'appliquent pas les articles 2 à 5 seront soumis aux dispositions suivantes :
- si le de cujus était domicilié au moment de son décès dans l'un des deux États, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans cet État,
- si le de cujus n'avait pas son domicile dans l'un des deux États, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'État dont le de cujus était ressortissant au moment de son décès ; s'il était, au moment de son décès, ressortissant des deux États, chaque cas d'espèce fera l'objet de conventions particulières entre les administrations française et monégasque.
Les biens sont donc répartis en :
- article 2 immeubles,
- article 4 bateaux et aéronefs,
- article 5 biens investis dans une entreprise,
- article 3 biens meubles corporels autres que ceux visés aux articles 4, 5 et 6,
- article 6 : actions et parts sociales et biens autres.
En l'espèce, Monsieur Jean D., de nationalité marocaine, demeurant à Monaco, est décédé en France, en laissant pour lui succéder un frère, une soeur et onze neveux et nièces venant par représentation de leurs parents.
En raison de la prééminence de la Convention franco-monégasque sur les textes du code général des impôts français, c'est la Convention franco-monégasque qui s'applique.
Mais à la suite de la déclaration de succession déposée en France par les héritiers, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification en intégrant à l'actif successoral taxable en France des parts de la société de droit monégasque, propriétaire d'immeubles situés en France.
Or, les héritiers de feu Jean D. Se considéraient soumis aux droits de mutation à titre gratuit au titre des biens reçus par voie de succession de leur auteur.
Les héritiers de Jean D. ont donc assigné le directeur des services fiscaux pour contester l'imposition en France de ces parts et obtenir la restitution de la somme versée à ce titre.
Les juges d'appel ont accueilli favorablement cette demande et débouté l'administration fiscale de sa demande de taxation.
La cour de cassation a validé la position des juges d'appel en considérant que :
« les parts de la société monégasque constituaient des biens incorporels de nature mobilière et qu'au regard de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950, la société Cogest relevait de l'article 6, qui vise les actions ou parts sociales, et prévoit que, si le de cujus [défunt] était domicilié, au moment de son décès, dans l'un des deux Etats, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans cet Etat [...]
[...] l'imposition des parts sociales transmises par le décès de leur titulaire résidant à Monaco relevait de cet Etat et non de la France »
Concrètement, la législation française était inapplicable à la succession de Jean D... en raison de la suprématie du droit conventionnel international et qu'en conséquence les parts de la SCP Cogest, société de droit monégasque à prépondérance immobilière détenant un ensemble de biens immobiliers en France, devaient être taxées conformément à l'article 6 de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950.
En conséquence la succession de feu Jean D., de nationalité marocaine, domicilié fiscalement à Monaco, revenant à des héritiers français demeurant en France, ne peut être traitée, pour ce qui concerne les héritiers, différemment de celle d'un Français domicilié à Monaco.
Il en résulte que lorsque les immeubles et droits immobiliers font partie de la succession d'un ressortissant de l'un des deux États contractants sont soumis aux droits de mutation dans l'État où ils sont situés.
Les dispositions qui concernent les immeubles et les droits immobiliers ne sont donc pas applicables dans ce type de situation.
Les avantages de l'imposition à Monaco continus après le décès du titulaire des parts sociales laissées en héritage et profitent donc aux héritiers du défunt.
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Anthony Bem
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