La règle veut que les héritiers soient égaux et perçoivent la même part dans la succession du défunt.
On parle de principe d'égalité successorale entre les héritiers.
Cependant, il est possible par voie testamentaire ou par le biais d'assurance vie de rompre cette égalité en prévoyant une inégalité de répartition entre les héritiers.
En effet, concrètement, en pratique, le capital ou la rente d'une assurance-vie, payable au décès du souscripteur, ainsi que les primes versées par lui, ne sont pas soumis à rapport à succession sauf preuve judiciairement constatée du caractère manifestement exagéré de celles-ci au regard de ses facultés financières ou de l'insanité d'esprit du souscripteur.
En l'espèce Monsieur X a souscrit un contrat d'assurance sur la vie qui désignait comme bénéficiaires ses quatre enfants :
- François à hauteur de 43,75 %,
- Bernadette, Marguerite et Cécile à hauteur de 18,75 % chacune.
Or, Monsieur X est décédé laissant ses enfants pour lui succéder.
Une guerre judiciaire à rebondissements a alors commencé entre les héritiers.
En effet, François a assigné ses sœurs et l'assureur en déblocage des deniers.
Les sœurs ont aussi assigné en intervention forcée la veuve du défunt et demandé l'annulation du contrat pour insanité d'esprit du souscripteur et le versement par l'assureur, à la succession, du capital garanti.
Les héritières estimaient que le contrat d'assurance vie avait été conclu à une période à laquelle le défunt ne disposait plus de ses facultés mentales.
Les juges d'appel ont d'abord jugé que la prescription décennale (10 ans) s'appliquait et donné raison aux sœurs en annulant le contrat d'assurance vie hérité en raison de l'insanité d'esprit.
De plus, la cour d'appel a considéré que François avait commis le délit de recel successoral et qu'il ne pouvait prétendre à aucune part sur le capital investi dans le contrat d'assurance laissé en héritage.
Sur le recel successoral, le recel existe dès lors que sont établis des faits matériels manifestant l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage, quels que soient les moyens mis en œuvre.
Le recel suppose établis deux éléments:
- Un élément matériel qui consiste en tout procédé frauduleux quel qu'il soit ;
- Un élément intentionnel consistant dans l'intention de rompre à son profit l'égalité du partage.
Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel et posé le principe selon lequel l'exercice de l'action en nullité d'un contrat d'assurance vie pour insanité d'esprit du souscripteur est soumis à la prescription quinquennale de 5 ans et non biennale de 2 ans ou décennale de 10 ans.
En effet, la prescription quinquennale constitue, dans tous les cas où l'action n'est pas limitée à un moindre temps par une disposition particulière, la règle de droit commun en matière d'action en nullité relative pour vice du consentement.
Ainsi, lorsqu'ils agissent en nullité d'un contrat pour insanité d'esprit après le décès de l'intéressé sur le fondement de l'article 414-2 du code civil (anciennement 489-1), les héritiers n'agissent pas à titre personnel mais en leur qualité d'ayants-droit du défunt ( le "de cujus").
Dans ce contexte, la cour de cassation a jugé que :
« Les héritières n'agissaient pas en leur qualité de bénéficiaires du contrat, mais en celle d'ayants droit du souscripteur, de sorte que l'action, qui ne dérivait pas du contrat d'assurance, était soumise à la prescription quinquennale ». (Cour de cassation, première chambre civile, 13 juillet 2016, N° de pourvoi : 14-27148)
Cette décision est intéressante en ce qu'elle soumet l'action en contestation de contrats d'assurance vie pour insanité d'esprit du souscripteur à une prescription plus longue que celle qui s'applique aux contrats d'assurance vie.
En effet, l'article L 114-1 du code des assurances prévoit que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance, sont prescrites par 2 ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
La prescription biennale résultant de l'application de l'article L 114 du Code des assurances ne s'applique pas.
Par conséquent, aux termes de cet arrêt, en présence d'un contrat d'assurance vie qui désigne des héritiers bénéficiaires en avantageant substantiellement un héritier au détriments des autres, ces derniers peuvent le contester dans le cadre du règlement de la succession, durant une période de 5 ans à compter du décès du souscripteur du contrat d'assurance vie laissé en héritage.
Enfin, pour mémoire, la condition requise pour engager une action en nullité du contrat d'assurance sur la vie s'apprécie au jour de sa signature.
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Anthony Bem
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