Déshériter ses enfants ? un objectif fréquemment envisagé possible à compter du 17 août 2015.
En effet, à cette date entrera en vigueur le règlement UE n° 650/2012 adopté par le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen.
Ce règlement s’apprête à bouleverser le droit des successions internationales en France.
Outre une simplification de notre système actuel, il offre la possibilité aux personnes de choisir le droit applicable au moment de l’ouverture de leur succession.
Il sera ainsi possible de supprimer la réserve héréditaire française qui procure, de manière obligatoire aux descendants directs, une part minimum de l’héritage, rendant par conséquent inopérante la volonté de déshériter en totalité ses enfants.
La succession d'une personne est internationale quand cette dernière décède :
- dans un Etat autre que celui dont elle a la nationalité et qui possède des biens dans différents pays.
- dans le pays dont il a la nationalité et qui possède des biens dans différents pays.
En France, la loi applicable en matière de succession internationale varie selon la nature de la succession en cause.
La succession immobilière est régie par la loi du lieu de situation de l’immeuble, tandis que la succession mobilière est régie par la loi du dernier domicile du défunt.
Une pluralité de droits est susceptible d’avoir à s’appliquer.
Il en ira ainsi, par exemple, d’un allemand domicilié en France qui décède en France, laissant des immeubles répartis entre l’Allemagne et la France ainsi qu’un compte bancaire en Suisse.
Les biens immobiliers situés en Allemagne reviendront aux héritiers désignés par la loi allemande et ceux situés en France reviendront aux héritiers désignés par la loi française, en application de la loi du lieu de situation de l’immeuble.
En revanche, le compte bancaire, considéré comme un bien meuble, reviendra aux héritiers désignés par la loi française, en application de la loi du dernier domicile du défunt.
Un morcellement des règles successorales rend la liquidation des successions internationales complexe.
Cette complexité se trouve encore accentuée dans la mesure où chaque pays connait sa propre règlementation.
Ainsi, un certain nombre d’Etats permettent au futur défunt de choisir la loi applicable à sa succession (par exemple Finlande, Pays-Bas) alors que d’autres le refusent (France par exemple).
En outre, certains Etats consacrent le système scissionniste, lequel applique la loi du domicile du défunt pour les meubles et la loi de situation pour les immeubles ou loi nationale pour les meubles et loi de situation pour les immeubles, tandis que d’autres consacrent le système unitaire, lequel soumet l'ensemble de la succession à la seule loi nationale ou du domicile.
Le 4 juillet 2012, un règlement européen a ainsi été adopté afin d’unifier les règles de succession internationale.
Entrant en vigueur le 17 août 2015, ce texte vise tous les Etats membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande.
Il prévoit qu’au décès d’un citoyen de l’Union européenne, les règles de succession applicables sont celles de sa dernière résidence habituelle, à moins qu’il n’ait décidé par testament de rendre applicable celles de son pays d’origine.
Plus précisément, il suffit qu’une personne ait sa dernière résidence habituelle sur le territoire d’un Etat membre, même si sa nationalité est celle d’un Etat tiers, pour que le règlement s’applique.
Ainsi, relèvera du règlement la succession d’un algérien dont la résidence habituelle se trouve en Allemagne ou la succession d’un américain dont la résidence habituelle se trouve en Italie.
De même, relèvera du règlement la succession d’un français qui réside habituellement en France mais qui possède de nombreux biens hors de France.
Par conséquent, tout changement de résidence entraînera un changement de la loi applicable.
De ce fait, il peut être intéressant de choisir, par acte testamentaire, la soumission de sa succession à la loi de son pays d’origine afin de planifier en toute sécurité les modalités de transmission de son patrimoine.
En France, la première conséquence qui découle de ce règlement est la suppression de la distinction entre la succession mobilière (loi du dernier domicile) et la succession immobilière (loi du lieu de situation du bien).
En effet, à partir du 17 août 2015, les règles de compétences internationales en matière de successions ne distingueront plus successions mobilière et immobilière.
La disparition de cette scission entraînera une convergence des compétences législative et juridictionnelle.
Ainsi, un allemand domicilié en France qui décède en France, laissant des immeubles répartis entre l’Allemagne et la France ainsi qu’un compte bancaire en Suisse, verra la totalité de ses biens régis par la loi française en application de la loi de la dernière résidence habituelle du défunt.
Alors qu’une simplification du droit français en la matière ne peut être que saluée, ce règlement engendre cependant une autre conséquence de taille pour les héritiers.
La règle française de la réserve héréditaire sera contournable pour les successions ouvertes au 17 août 2015.
En effet, si la loi applicable en matière de succession internationale devient celle du dernier pays de résidence, il suffira au futur défunt de s’installer dans un pays qui ne connaît pas la réserve héréditaire.
Par exemple, sauf à décéder avant le 17 août 2015 - ce qui serait regrettable - il est tout à fait envisageable et légal d’acheter un pied à terre en Angleterre ou en Irlande afin d’attribuer cette partie conséquente de l’héritage à qui l’on souhaite.
Si cette mesure peut paraître extrême, il ne faut pas douter ni sous-estimer la motivation de certains à avantager la personne de leur choix et/ou à déshériter leurs enfants.
Ce nouveau règlement européen bouleverse ainsi le droit français en la matière.
S’il simplifie le système de succession internationale français, il n’est pas exempt de toute complexité et soulève nombre d’autres questions auxquelles je répondrais dans mes prochains articles.
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Anthony Bem
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