Le 3 février 2021, le premier Président de la cour d’appel de Paris a ordonné la suspension de l’exécution provisoire d’un jugement compte tenu de la situation personnelle obérée de chacun des cautions et des conséquences manifestement excessives que risque d’entraîner l’exécution de la décision de condamnation de première instance (Cour d’appel de Paris, pôle 1 - ch. 5, 3 févr. 2021, n° 20/14642).
Pour mémoire, les décisions de justice rendues en première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire est ainsi le droit pour la partie victorieuse à un procès de pouvoir exécuter la décision de justice rendue en sa faveur alors même qu'elle fait l'objet d'une voie de recours tel un appel.
Or, les personnes qui se sont portées cautions d’un prêt ou d’une dette d’une entreprise sont souvent condamnées au paiement de sommes importantes en cette qualité.
L’appel des décisions de justice rendues en première instance n’est donc pas suspensif.
Quand les cautions ne peuvent pas payer leur condamnation, leur recours en appel est jugé irrecevable à défaut de paiement.
En l’espèce, trois personnes se sont portées caution envers une banque du remboursement d’un prêt consenti à leur société.
La société ayant rencontré d’importantes difficultés financières qui ont entraîné sa liquidation judiciaire, la banque a vainement appelé en garantie les cautions.
Le tribunal les a condamnés au paiement de la somme de 76.000 euros assortie de l’exécution provisoire.
Ils ont interjeté appel de cette décision et fait assigner la banque devant le premier président de la cour d’appel de Paris aux fins de suspension de l’exécution provisoire.
En effet, selon l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° si elle est interdite par la loi ;
2° si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
L’exécution provisoire ordonnée ne peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier Président de la cour d’appel que si elle risque d’entraîner pour le débiteur des conséquences manifestement excessives.
L’existence de conséquences manifestement excessives découle des facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier en cas d’infirmation de la décision en cause.
Ces deux critères d’appréciation sont alternatifs et non pas cumulatifs.
Au cas présent, le premier président a constaté que le revenu fiscal de référence du foyer de la première caution s’élève à 25.000€, que celui de la seconde s’établit à 20.000€, la troisième caution est exploitant invalide au 2/3, ne perçoit qu’une pension d’invalidité de 322 euros par mois.
Dans ce contexte, le juge a considéré qui les cautions n’étaient pas dans la possibilité de s’acquitter dans un délai raisonnable de la condamnation, même si répartie sur leurs trois têtes elle équivaut à 25.333 euros chacun.
Ainsi, la cour a jugé que : « Compte tenu de la situation personnelle obérée de chacun des demandeurs et des conséquences manifestement excessives que risque d’entraîner l’exécution provisoire du jugement dont appel, il convient de faire droit à la demande [des cautions] »
Cette décision est importante en pratique puisqu’elle permet aux cautions ou débiteurs de faire suspendre leur condamnation de première instance pendant le temps de la procédure d’appel et ainsi de se défendre utilement pour tenter de faire annuler leur dette par la cour d’appel.
Surtout, elle permet de fixer la règle selon laquelle lorsque le montant de la condamnation est équivalent ou supérieur au revenu annuel perçu par le foyer du débiteur, ce dernier pourra utilement invoquer l’existence de conséquences manifestement excessives pour solliciter la suspension de sa condamnation durant le temps de l’appel en saisissant à cet effet le premier président de la cour d’appel.
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Anthony Bem
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