Les écritures prises par les avocats dans le cadre des procédures judiciaires sont appelées des « conclusions ».
Une réforme du 6 mai 2017 a notamment règlementé la manière dont l’avocat doit rédiger ses conclusions doit organiser le contenu de ses écritures.
Cette réforme a été intégrée dans le code de procédure civile.
Ainsi, l’article 768 du code de procédure civile dispose que les conclusions doivent obligatoirement comprendre :
- un exposé des faits ;
- un exposé de la procédure ;
- une partie exposant le/les arguments et moyens juridiques, cette partie est appelée dans le jargon « discussion » ;
- une partie récapitulant les demandes et prétentions, cette partie est appelée le « dispositif» ou vulgairement dans le jargon le « Par ces motifs ».
A cet égard, il est important de souligner que les juges doivent répondre à chaque prétention des parties au procès, mais aussi uniquement à ce qui leur est expressément demandé par celles-ci dans le dispositif de leurs conclusions.
Or, si la loi précise comment doit être organisé le contenu des conclusions, elle ne dit pas précisément quel formalisme les avocats doivent respecter pour la rédaction du dispositif de leurs conclusions afin que leurs demandes soient valablement prises en compte par les juges.
En pratique, avant la réformé légale, la manière dont les avocats rédigeaient leurs demandes dans le dispositif de leurs conclusions commençait toujours par : « dire et juger que… », « donner acte que … », ou encore « constater que … ».
La Cour de cassation considère que de telles formulations ne sont pas correctes.
En effet, de telles formules dans le « dispositif » des conclusions ne constituent pas de réelles prétentions mais simplement un rappel déguisé des moyens juridiques qui ont été précédemment développés dans la partie « discussion ».
Autrement dit, le « dispositif » des conclusions doit contenir un résumé des demandes, et non pas des moyens juridiques qui, eux, sont exprimés dans la « discussion ».
A titre d’exemple, il n’est pas possible de demander au juge de :
- « dire et juger que le cautionnement bancaire du dirigeant est disproportionné à ses revenus »,
- ou de « constater que le cautionnement est disproportionné ».
Dans cet exemple, il convient plutôt d’écrire dans le dispositif des conclusions de voir « juger inopposable le cautionnement ».
On joue certes sur les mots mais en droit les mots ont leur importance.
En effet, encore dans le cadre de l’exemple de la disproportion d’un cautionnement, celle-ci n’est qu’un moyen de défense de la caution invoqué à l’appui de la prétention qui, elle, vise à voir le cautionnement déclaré inopposable.
Si cet excès de formalisme peut paraître futile, il est en réalité lourd de conséquences pour l’avocat qui ne s’y conforme pas car le cas échéant ses demandes risquent de ne pas être recevables et examinées par le juge.
A cet égard, la Cour d’appel de Bourges a pu juger que « les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas ». (Cour d'appel de Bourges, 18 mars 2021, n° 20/00859)
De même, dans un arrêt du 9 janvier 2020, la Cour de cassation a considéré que lorsque le dispositif de conclusions d’appel d’un avocat ne comporte « que des demandes de « constater », « dire et juger », voire « supprimer », qui ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens », la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement dont il est fait appel. (Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 9 janvier 2020, n°18-18.778)
En l’espèce, l’avocat avait pourtant inséré dans le dispositif de ses conclusions une demande tendant à « supprimer l’astreinte prononcée par le juge des référés », ce qui laissait comprendre qu’il critiquait le jugement rendu en première instance.
Cependant, faute pour l’avocat d’avoir demandé clairement dans le dispositif de « réformer le jugement », la Cour de cassation a sévèrement considéré que la Cour d’appel n’était pas saisie de cette demande, et a ainsi jugé qu’elle ne pouvait que confirmer le jugement rendu par les premiers juges.
Il résulte de ces jurisprudences que l’avocat doit veiller à porter la plus grande attention à la rédaction du dispositif de ses écritures et conclusions, sans quoi ses demandes, quand bien même seraient-elles fondées juridiquement, ne seront purement et simplement pas recevables et analysées par le juge.
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Anthony Bem
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