Par une ordonnance de référé du 24 novembre 2010, le Président du tribunal de grande instance de Paris a sanctionné l'internaute qui avait créé sur Facebook un faux profil de Omar S. dit Omar, auteur, artiste interprète et comique connu grâce notamment au duo humoristique “Omar et Fred” sur Canal +, du fameux duo Omar et Fred.
Un internaute a utilisé l'identité du comédien pour créer un faux profil Facebook qui diffusait des clichés le représentant seul ou avec son partenaire de scène, des commentaires que l'artiste était censé avoir écrit ainsi les réponses de ses « amis » qui y avaient accédé pensant s'adresser à lui.
De nombreuses personnes, croyant être sur la vraie page personnelle d'Omar sur Facebook s’y étaient présentées comme étant ses amis, diffusaient des informations personnelles, des photographies.
Omar S. a alors fait valoir que la mise en ligne d’un faux profil Facebook constitutif d'un "avatar fictif qui parasite sa vie privée" et viole son droit à l'image.
Après avoir obtenu du juge qu'il l'autorise à disposer des informations sur l'identité et les coordonnées de l'auteur, Omar S. a donc assigné l'auteur de cette manoeuvre afin de faire cesser la diffusion de ce faux profil et être indemnisé de ses préjudices.
Aux termes de sa décision, le juge des référés a tranché deux problèmes de droit :
Le premier, sur la forme, une adresse IP peut être utilement utilisée pour identifier personnellement l'auteur d'une faute sur Internet (1).
Le second, sur le fond, la création d'un faux profil Facebook constitue une faute sanctionnée sur le fondement de l'atteinte au respect du droit à la vie privée et au droit à l'image (2).
1) L'utilisation d'une adresse IP comme moyen d'identification de l'auteur d'une faute sur Internet
L’auteur de l’usurpation litigieuse invoquait pour sa défense l'argument selon lequel une adresse IP ne pouvait être utilement utilisée pour l'identifier personnellement.
Tout d'abord, afin d'étayer ce argument, l'intéressé a produit en justice une “étude approfondie” de I’UFC que Choisir aux termes de laquelle “modifier son adresse IP ou usurper celle d’un tiers était à la portée du plus grand.
Le Président du tribunal a jugé que :
"le simple fait d’évoquer des expertises non contradictoires diligentées par une association de défense de consommateurs pour affirmer que l’usurpation d’une adresse IP est un jeu d’enfant et qu’il ne faut lui attribuer aucune valeur probatoire, ne permet pas, en l’absence de tout autre élément de preuve, de retenir que le bénéficiaire d’une adresse IP n’est pas son utilisateur."
En suite, le défendeur rappelait un arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2007 ayant retenu que “la série de chiffres (formée par l’adresse IP) ne constitue en rien une donnée indirectement nominative relative à la personne dans la mesure où elle ne se rapporte qu’à une machine et non à la personne qui utilise l’ordinateur pour se livrer à la contrefaçon.
Toutefois, le Président du tribunal a observé que le considérant sus visé répondait à l’exception de nullité soulevée par un prévenu qui soutenait que le fait de collecter et d’extraire une adresse IP constituait manifestement un traitement de données à caractère personnel nécessitant, pour être collectée et transmise, l’autorisation de la Cnil de sorte que la procédure pénale le concernant était fondée sur des opérations illicites, mais ne statuait pas sur l’identité de l’auteur de l’infraction, qui ne contestait pas avoir procédé à des téléchargements illicites.
Mais surtout, afin de retenir l'adresse IP de M. Alexandre P. comme identifiant efficace et personnel de ce denier pour engager sa responsabilité , il a été jugé que ce dernier "n’établit, ni même n’allègue qu’un tiers aurait utilisé sans son accord son ordinateur ou que l’adresse IP qui lui était attribuée aurait été frauduleusement détournée, étant précisé que la preuve d’une telle usurpation aurait pu être rapportée tant par une enquête diligentée à la suite d’une plainte pénale que par une expertise civile judiciaire, en examinant notamment l’ordinateur émetteur."
Cette décision impose donc aux parties défenderesses dans ce type de litige :
- Soit d'indiquer aux juges le tiers qui aurait été susceptible d'utiliser sans son accord son ordinateur ;
- Soit de rapporter la preuve que l’adresse IP qui leur est attribuée aurait été frauduleusement détournée afin, le cas échéant, de ne pas engager leur éventuelle responsabilité.
2) La création d'un faux profil Facebook constitue une faute sanctionnée sur le fondement de l'atteinte au respect du droit à la vie privée et au droit à l'image
La Président du tribunal a rappelé que :
"toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit, en application de l’article 9 du code civil, au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même les limites de ce qui peut être divulgué à ce sujet. Toute personne dispose également, en application du même texte, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à la reproduction de son image, sans son consentement préalable.
Ces droits qui découlent également de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales peuvent toutefois céder devant les nécessités de l’information du public et de la liberté d’expression, consacrées par l’article 10 de la même Convention, dans le cadre de l’équilibre qu’il revient au juge de dégager, en vertu du second alinéa du dit article, entre ces principes d’égale valeur dans une société démocratique."
En l’espèce, afin retenir l'atteinte portée à la vie privée et au droit à l’image de Omar S., le juge a considéré que :
"aucun élément ne justifiait que les informations concernant ses goûts ainsi que le nom de certains de ses amis soit portées à la connaissance du public.
De la même façon, le défendeur ne pouvait, sans le consentement du demandeur, publier des photographies de celui-ci pour illustrer un site portant atteinte à sa vie privée."
Il conviendra de relever avec intérêt que la notion d'usurpation d'identité n'apparaît à aucun moment dans cette décision et que dorénavant la création d'un faux profil sur Facebook engage de plein droit la responsabilité de son auteur.
Enfin, il conviendra de relever avec intérêt que la notion d'usurpation d'identité n'apparaît à aucun moment dans cette décision et que dorénavant la création d'un faux profil sur Facebook engage de plein droit la responsabilité de son auteur sans qu’une infraction n’existe légalement à ce titre.
En effet, afin de lutter contre un des fléaux du web : l’usurpation d’identité, le législateur est sur le point de voter une loi visant notamment à le sanctionner en l'instaurant comme un nouveau délit de notre code pénal (« L’usurpation de l'identité sur internet bientôt sanctionnée par le code pénal »)
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Anthony Bem
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