Le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris a jugé, le 8 novembre 2010, que des sociétés commerciales peuvent utiliser sur internet les titres et qualité réglementés, notamment via le programme Adwords de Google, sans que l'on puisse valablement leur reprocher une concurrence déloyale ou une pratique commerciale trompeuse.
En l'espèce, à titre personnelle, un avocat spécialiste du droit routier, défendu par un autre avocat célèbre en droit routier, invoquait le fait que :
- Il intervient exclusivement en matière de défense des automobilistes, aussi bien dans le cadre de la défense pénale de l’automobiliste qu’en matière civile ou en droit des assurances, se targuant en sept années d’exercice de la profession d’être devenu l’un des quatre avocats français les plus réputés en matière de contentieux administratif du permis à points.
- Il utilise lui-même le programme Adwords à hauteur d’au moins 3.000 euros par mois ce qui lui valait que son site soit « le plus souvent placé en tête des résultats, soit dans la partie supérieure » des résultats de recherche via Google.
- Les sites internet litigieux : retrait-permis.fr, avocat-permis.net, jesauvemonpermis.com, sos-permis-perdu.com, sos-points.fr, avocatpermisautomobile.com, droitdeconduire.com, étaient à l'origine d'une pratique constitutive d’une usurpation du titre d’avocat au sens de l’article 433-17 du Code pénal puisqu’il existait une association manifestement illicite entre le mot clé “avocat” et les liens suggérés à l’internaute le conduisant à des sites internet qui n’ont rien à voir avec cette profession réglementée, et qui proposent des prestations juridiques de défense et d’assistance aux automobilistes.
Problème : l'avocat n'a assigné que les sociétés Google Inc. et Google France en leur reprochant leur "coauteur" de concurrence déloyale et de publicité de nature à induire en erreur, propre à créer la confusion sur la véritable qualité des animateurs de ces sites.
Aux termes d'une décision particulièrement motivée en fait et en droit, le Président du tribunal a jugé que :
- L'avocat n’apporte pas d’élément propre à justifier la condamnation de la société Google France, le seul fait qu’il s’agisse de l’une des filiales de la société de droit californien étant insuffisant. La société Google France a donc été mise "hors de cause".
- L’absence d’analyse précise et circonstanciée au sujet de la présentation du contenu de ces divers sites ne permet pas au juge de se prononcer « de manière générale et réglementaire ».
Sur ces seuls points, l’avocat n’aurait donc pas pu obtenir gain de cause et aurait pu être débouté de l’ensemble de ses demandes.
Par la suite, le juge a donné une véritable leçon dans le domaine du droit de l’Internet à l’avocat spécialiste du droit routier en mettant en exergue ses carences et ses négligences en ce domaine, à savoir (entre guillemets pour la qualité de leur rédaction) :
- Sur les négligences procédurales :
« la notification faite le 10 septembre 2009, soit près d’une année avant l’introduction de l’instance, ne correspond pas aux exigences de l’article 6.I.5 de la loi du 21 juin 2004 : que celle-ci doit comporter en effet, dans chacun des cas cités, une description des faits, les motifs du retrait par la société Google des liens litigieux, avec la mention des dispositions légales et justification des faits, et la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou l’éditeur"
« Les sites évoqués plus haut, non seulement n’ont pas été mis en cause, mais n’ont pas même été avisés par une mise en demeure conforme aux dispositions de l’article 6.I.5 de la loi du 21 juin 2004, et n’ont pas été par conséquent mis en situation de s’expliquer eux-mêmes sur les griefs avancés"
- Sur les carences du constat internet
« Il est à noter pourtant que le demandeur n’a pas interrogé le service “whois” pour identifier le titulaire du nom de domaine »
« Constater l’impossibilité d’examiner dans le détail le contenu de ces sites et sa présentation, comme de s’assurer de la validité des éléments relevés sous forme de simples copies d’écran, faute de l’établissement d’un constat dressé par huissier de justice à cette fin dans le respect des pré-requis techniques exigés »
- Sur l’absence de responsabilité de Google en qualité d’hébergeur de contenus
« Le demandeur n’explique pas au demeurant en quoi la société Google ce faisant aurait proposé d’autres mots clés que ceux correspondant à ceux les plus couramment associés par les internautes aux mots clés choisis à l’origine par l’annonceur, ni n’affirme au surplus le caractère illicite des dénominations ainsi générées »
« L’utilisation du mot “avocat” dans un contenu ne révèle pas en toute évidence, ni l’appropriation par un tiers du titre correspondant à la profession que ce mot, dans cette acception, désigne aux sens propre ou figuré, ni l’exercice de celle-ci par le tiers en question »
« En conséquence, … le demandeur ne démontre nullement l’existence d’un rôle actif de sa part [Google], pouvant être constitué par un contrôle et une connaissance de la sélection par les annonceurs du mot-clé “avocat” pour l’affichage de leurs annonces ; qu’ainsi, rien n’établit qu’il est proposé aux annonceurs de choisir ce mot-clé, … il n’est pas plus démontré le rôle actif de celle-ci dans la rédaction ou la présentation des annonces, qui se distinguent les unes des autres »
« La consultation du constat établi le 3 septembre 2010 permet de constater que les termes associés au mot “avocat” proposés par le générateur de mots-clés dans l’exemple proposé ne révèlent pas plus l’existence d’un rôle actif, joué dans le cas concret par la société Google au travers du service AdWords ; que dès lors, elle doit être regardée comme un prestataire technique bénéficiant des dispositions de l’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 »
Et le coup mortel est donné par le juge lorsqu’il déclare que cet avocat « a cru pouvoir engager son action avec une légèreté certaine, en rapprochant divers éléments parfois sans rapport les uns avec les autres et en soumettant au débat des éléments incomplets, des considérations générales n’étant pas assorties de façon méthodique de l’analyse précise indispensable appliquée aux cas pouvant être retenus » et de le condamner à verser la somme de 4000 € à Google en remboursement de ses frais de procédure
Compte tenu qu’il s’agit d’une décision de référé, la portée de la position du juge n’est que relative.
Cependant, l’effort particulier de motivation ainsi que les nombreux rappels juridiques de cette décision lui confère une véritable valeur jurisprudentielle.
Et pour aller plus loin :
- Responsabilité des annonceurs pour utilisation d'une marque lors de publicités sur Google Adwords
- L'utilisation fautive de Google Adwords source de responsabilité :
- La possibilité d'utiliser le nom d'une marque sur Internet avec des termes litigieux :
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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