LA VALIDATION DU LICENCIEMENT DE SALARIES POUR FAUTE EN RAISON DE PROPOS TENUS SUR FACEBOOK

Publié le Modifié le 14/04/2012 Vu 10 358 fois 0
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Le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt a validé, le 19 novembre 2010, le licenciement d'un salarié qui avait critiqué sa hiérarchie et son employeur via le réseau social Facebook en jugeant que « la page mentionnant les propos incriminés constitue un moyen de preuve licite du caractère bien-fondé du licenciement».

Le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt a validé, le 19 novembre 2010, le licenciement d'un salari

LA VALIDATION DU LICENCIEMENT DE SALARIES POUR FAUTE EN RAISON DE PROPOS TENUS SUR FACEBOOK

Le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt a validé, le 19 novembre 2010, le licenciement de deux salariés qui avaient critiqué leur hiérarchie et leur employeur via le réseau social Facebook en jugeant que « la page mentionnant les propos incriminés constitue un moyen de preuve licite du caractère bien-fondé du licenciement»

Tel qu’un précédent article l’envisageait et intitulé « les réseaux sociaux et Facebook comme moyens de licenciement des salariés », le licenciement des salariés pour faute est possible lorsque ces derniers diffusent des propos injurieux, diffamatoires ou attentatoires à la réputation de leur employeur ou de leur direction.

L’affaire Alten : en décembre 2008, trois salariées de la société Alten, une société d'ingénierie qui emploie près de 11.300 personnes dans le monde, ont critiqué sur Facebook leur hiérarchie et la direction des ressources humaines.

L'un d'eux, s'estimant mal considéré par sa direction, avait ironisé sur sa page personnelle, en disant faire partie d'un «club des néfastes».

Deux autres employées avaient répondu : «Bienvenue au club».

Une “amie” commune sur Facebook et aussi employée de cette société a communiqué leur conversation à la direction qui les a licencié pour « incitation à la rébellion et dénigrement de l'entreprise ».

La direction d'Alten les avait aussitôt renvoyés pour faute grave.

La question était donc de savoir si ces propos avaient un caractère privé ou s’ils avaient un caractère public.

Or, la diffusion de ces propos sur un site social ouvert tel que Facebook ne pouvait que leur conférer un caractère public.

A la lecture du jugement du Conseil des Prud’hommes, il est regrettable de relever que l’avocat du salarié n’a pas utilisé certains arguments juridiques relevant du droit de l’internet et du droit de la presse qui auraient pu permettre à ce salarié, le cas échéant, d’obtenir gain de cause.

Cette décision a au moins le mérite de démontrer qu’il existe un fossé entre le droit du travail et le droit de l’internet ou le droit de la presse.

En effet, cette décision, qui est une première dans le genre, n’a pas pris en compte certains éléments juridiques, à savoir :

1 - Si la liste des formalités techniques à réaliser pour faire constater les faits et les contenus litigieux sur internet a bien été établie : « La preuve d’un contenu litigieux ou d’un fait sur Internet strictement encadrée par la jurisprudence » :

La liste des formalités techniques à réaliser avant de constater des faits ou du contenu litigieux sur internet nécessite de véritable connaissance en informatique.

Or, à défaut d’avoir respecter ces formalités l’action ne sera pas valable.

Les pré-requis techniques à respecter avant de procéder à des constatations en ligne s’imposent à toute personne procédant à des constatations en ligne, quelle que soit sa qualité huissier de justice, agents assermentés de l’Agence de protection des programmes ou du Celog.

Or, je me permets d'attirer l'attention de chacun sur le fait que nombre d'huissier de justice s'improvisent expert informatique afin de faire face aux demandes de plus en plus nombreuses de constats Internet mais sans avoir les compétences techniques requises à cet effet.

Mais, s’agissant de Facebook et des forums de discussion, un problème supplémentaire se pose.

En effet, souvent la victime d’une atteinte à sa réputation n’est pas un « ami » Facebook de l’auteur des contenus litigieux ou membre du forum de discussion.

Ainsi, la victime a souvent accès aux pages Internet litigieuses par l’utilisation du compte Facebook d’un tiers ou grâce à l'emploi des identifiants d'un membre tiers au forum de discussion.

Dans ce contexte, les huissiers de justice ont tendance à refuser de procéder au constat Internet en s’interdisant l’accès aux sites Internet via des identifiants de personnes tierces car ils estiment frauduleux ce procédé en vertu du principe de loyauté dans la recherche de la preuve interdisant l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes en vue de réunir des éléments de preuve.

Pour ma part, cette vision des choses est fausse car en matière de preuve administrée par une partie, la loyauté de la preuve n'est pas exigée dès lors qu'elle peut faire l’objet d’un débat contradictoire.

Or le débat contradictoire pourra bien avoir lieu dans le cadre de la procédure judiciaire à mener aux fins de retrait, d'interdiction, de sanction et d'indemnisation des préjudices subis.

Dans la droite lignée de cette règle, la cour de cassation a d’ailleurs admis comme preuve les enregistrements téléphoniques réalisés par un particulier à l'insu de l'auteur (Cass. Crim. 30 mars 1999) ou encore les opérations de testing réalisées par l'association SOS Racisme servant à établir l’existence d’acte racisme ou discriminatoire (Cass. Crim., 11 juin 2002).

Certains huissiers compétents sont donc à même de pouvoir constater les propos et contenus illicites présents sur des forums de discussion ou le site Internet de Facebook via des comptes d’« amis ».

2 - Si la liberté d'expression en cas dénigrement attentatoire à la réputation sur Internet n’aurait pas pu jouer aussi en faveur de ces salariés, tel que déjà jugé : « la primauté de la liberté d'expression en cas dénigrement attentatoire à la réputation sur internet » :

Aux termes d’un jugement du 13 septembre 2010, sur le fondement du principe de la responsabilité civile posé par l’article 1382 du code civil, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que:

« il appartient à la société Prestige Rénovation qui invoque un abus fautif, par M. A., créateur du blog contenant les propos incriminés, de son droit de libre expression, de démontrer que ce dernier a commis une faute, un lien de causalité et du dommage en résultant. »

Et le tribunal a débouté la société demanderesse de toutes ses demandes en jugeant que celle-ci « ne démontre pas que les propos sont soit mensongers, soit excessifs, soit disproportionnés, de sorte que la faute invoquée n’est pas caractérisée. »

3 - Si  « le droit de critique justifie-t-il les atteintes à la réputation des entreprises sur internet ? » :

Le Président du tribunal de grande instance de Lyon a rendu, le 4 juillet 2005, une Ordonnance de référé aux termes de laquelle il rappelle la force de la liberté d’expression et consacre de manière explicite le droit à la critique sur la toile :

« La société Foncia Groupe ne démontre pas que les critiques émises sont dénuées de fondement. Les "abus" publiés sur le site internet sont le reflet des questions, situations ou observations faites par les [Internautes] … En les suscitant, les commentant de manière détaillée et étayée, les publiant et les diffusant, [ils] exercent leur liberté d’expression et leur droit à la critique qui porte sur des pratiques qui peuvent parfois apparaître préjudiciables pour certains ... »

4 - S’il y a bien l’existence d’une diffamation ou d’une injure :

L’injure et la diffamation publique se définissent comme des délits de presse, soumis au régime de la loi sur la Liberté de la presse du 29 juillet 1881, soumis en tant que tels au juge pénal.

Le caractère public est une condition sine qua non d’une infraction de presse, quel que soit le support de l’écrit (papier, internet, etc …).

Il n’y a pas de publicité dès qu’il y a correspondance privée ou communauté d’intérêts entre les destinataires.

Or, le site internet de Facebook n’est-il pas une zone de communauté d’intérêt ?

5 - Et enfin et surtout si les salariés ne pouvaient bénéficier de l’excuse de provocation.

En effet, on peut s’exonérer de sa responsabilité pour diffamation ou  injure en réclamant l’application du cadre légal de l’excuse de provocation, susceptible d’expliquer l’injure (article 33 de la loi sur la presse).

La jurisprudence reconnaît et définit en effet la notion de provocation comme un « fait accompli volontairement pour la personne injuriée, de nature à expliquer l’injure ».

Cependant, « l’injure n’est excusable pour cause de provocation que lorsque celui qui a proféré ladite injure peut être raisonnablement considéré comme se trouvant encore sous le coup de l’émotion que cette provocation a pu lui causer » (Crim. 13 janvier 1966 Bull. N°14).

L’excuse de provocation ne pourra donc être valablement retenue qu’uniquement dans les cas où l’injure découle directement de la provocation (même si la jurisprudence n’exige pas concomitance entre l’attaque et la riposte - cf. Crim. 17 février 1981 Bull. 64).

La qualification de la provocation relève de l’appréciation souveraine du juge.

Par ailleurs, il appartient au prévenu poursuivi pour injure publique d’évoquer l’excuse de provocation, qui devra en apporter la preuve (Crim. 21 mai 1974 Bull. 189), par tout moyen.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
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