En France, les produits du tabac font l’objet d’une réglementation stricte tenant notamment à leur vente et à leur publicité.
Pour mémoire, l’article 564 decies du code général des impôts (CGI) dispose que :
« Sont assimilés aux tabacs manufacturés :
1°) Les produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac ;
2°) Les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux. »
Ainsi, la vente de tabac est un monopole d'État, qui en confie la gestion, par un contrat de gérance, à un débitant chargé de la vente au détail.
En effet, aux termes de l’article 568 du même code, seuls peuvent vendre du tabac au détail les débitants de tabac, les titulaires du statut d'acheteur-revendeur, et les revendeurs qui sont tenus de s'approvisionner en tabacs manufacturés exclusivement auprès des débitants.
En outre, l’article 568 ter du CGI interdit la commercialisation de produits du tabac via Internet ou par correspondance.
De même, l’article 574 du CGI rajoute que dans les débits de tabac et chez les acheteurs-revendeurs, la publicité pour les tabacs manufacturés est réglementée dans les conditions déterminées par décret, et est interdite chez les revendeurs.
Dès lors, la vente de tabacs ne peut se faire que dans des conditions et selon des modalités strictement définies par la loi, comme en témoignent les articles précités.
Cette réglementation s’appliquant obligatoirement à tout débitant de tabacs, son non-respect rompt l’égalité entre les débitants de tabacs et peut ainsi être constitutif d’une concurrence déloyale.
Pour mémoire, la concurrence déloyale peut être définie comme l’emploi de moyens malhonnêtes par un commerçant dans le but de nuire à ses concurrents, notamment en captant leur clientèle, en les dénigrant ou en tirant profit de leurs investissements.
A titre d’exemple, selon la jurisprudence, la commercialisation de produits soumis à l'autorisation des autorités administratives dans des conditions irrégulières au regard de la réglementation alors en vigueur constitue une concurrence déloyale à l'égard de concurrents qui se soumettent à cette réglementation. (Cass. com., 18 avril 2000, n° 98-12719)
Cette solution peut s’expliquer par le fait que le non-respect d'une réglementation est susceptible d’entrainer une distorsion de concurrence en plaçant la société fautive dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents qui la respectent.
En l’espèce, un buraliste a assigné en justice un vendeur de cigarettes électroniques pour concurrence déloyale.
D’une part, le buraliste soutenait que le vendeur de cigarettes électroniques enfreignait la loi en commercialisant des produits assimilés à du tabac et relevant du monopole d’Etat sur la vente de tabac.
D’autre part, pour le buraliste, le vendeur de cigarettes électroniques violait l’interdiction de publicité en faveur des produits du tabac en dehors des bureaux de tabac, en faisant de la publicité pour ses produits dans son magasin, sur sa page Facebook ainsi que sur son site internet.
La demande du buraliste a été accueillie par le Tribunal de commerce de Toulouse qui a considéré que le vendeur de cigarettes électroniques « assure la promotion indirecte du tabac par son nom et son emblème posé sur sa vitrine ; le produit vendu est bien dénommé "cigarette" […] ; cette promotion est prohibée comme assimilable à une publicité ou à une propagande indirecte en faveur du tabac.»
En outre, le tribunal a estimé que la cigarette électronique fait partie des produits assimilables au tabac et a ordonné au vendeur de cigarettes électroniques de cesser la vente de ces dernières et leur promotion en le condamnant à verser 10.000 euros au buraliste.
La solution dégagée par le Tribunal de commerce de Toulouse revient donc à assimiler les vendeurs de cigarettes électroniques à des vendeurs de produits du tabac.
Or, jusqu’alors, si pour les cigarettes traditionnelles la question de leur soumission aux dispositions relatives aux produits du tabac ne se posait pas, il en allait différemment pour les cigarettes électroniques.
En effet, en l’absence d’un régime légal spécifique encadrant les cigarettes électroniques, ces dernières sont tantôt qualifiées de produits du tabac tantôt de produits de consommation courante.
Il résulte de ce qui précède que la vente de cigarettes électroniques ne peut être faite que par les débitants de tabac en raison du monopole d’Etat (plus de 200 millions d’euros et environ 600 boutiques).
Cependant, le vendeur a fait appel du jugement toulousain et le contentieux entre les débitants de tabac et les vendeurs de cigarettes électroniques ne fait que commencer …
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Anthony Bem
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