Aux termes de l’article 150-0 D ter, I. 1 du CGI, les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article 150-0 D, retirés de la cession à titre onéreux ou du rachat par la société émettrice d'actions, de parts de sociétés, ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 €, lorsque certaines conditions sont réunies.
L’article 150-0 D ter du CGI permet ainsi, sous conditions, aux dirigeants de PME qui cèdent leurs titres à l’occasion de leur départ à la retraite de bénéficier d’un abattement de 500 000 € sur la plus-value réalisée.
Pour bénéficier de l’abattement, le cédant doit cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.
La cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes 23-3-2017 n° 15NT01830) avait déjà jugé que lorsque les droits à retraite du dirigeant sont ouverts au titre d’une année antérieure à celle de la cession de ses titres, le délai de deux ans, prévu pour bénéficier de l'abattement des plus-values, doit se décompter à partir du départ à la retraite, et l’abattement sur la plus-value réalisée lors de la cession des titres pour les dirigeants prenant leur retraite est subordonné à la cessation effective de toute fonction au sein de la société, qu’il s’agisse ou non de fonctions de dirigeant.
Dans l’affaire de 2017 jugée par la Cour administrative d’appel de Nantes, une contribuable avait fait valoir ses droits à retraite le 1er mars, puis a vendu ses parts et a cessé ses fonctions de gérante en mai de l’année suivante, et à compter de décembre, a exercé une fonction salariée au sein de la société dont elle avait vendu les parts.
L’administration avait remis en cause cet abattement. La cour administrative d'appel de Nantes, comme l’administration fiscale, avaient que le délai pour cesser toutes fonctions devait se décompter à partir du départ à la retraite et non la date de la cession des titres et que le dirigeant devait cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, ce qui n’était pas le cas, en l’espèce, car cette dirigeante, en plus du problème de délai pour cesser toutes fonctions, avait exercé une fonction salariée au sein de la société dont elle avait vendu les parts. La Cour disait déjà que l’article 150-0 D ter est d’interprétation stricte, compte tenu de son caractère dérogatoire.
Dans l’arrêt commenté, rendu par la Cour administrative d’appel de Lyon le 5 janvier 2023 (CAA Lyon 5 janvier 2023, n° 19LY02829), un dirigeant avait cédé le 8 février 2011, les 457 titres qu’il détenait dans une société, réalisant une plus-value de 790 272 € pour laquelle il avait demandé à bénéficier de l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter du CGI dans la mesure où il avait fait valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans de la cession. La plus-value n'avait donc donné lieu à aucune imposition. Toutefois, si le dirigeant avait bien démissionné de ses fonctions de président à compter du 31 janvier 2013, il avait été nommé, le 1er mars suivant, directeur général de la société et avait perçu une rémunération à ce titre, tant en 2013 qu’en 2014.
L'administration, ayant estimé que le dirigeant n'avait pas respecté la condition relative à la cessation de ses fonctions de dirigeant de la société dont les titres avaient été cédés, a remis en cause, selon la procédure contradictoire, l'application de cet abattement de 100 % et l’a, en conséquence, assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013.
Le contribuable a saisi le tribunal administratif de Dijon lui demandant de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013, et des majorations correspondantes. Le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, il relève appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Lyon.
Selon la Cour administrative d’appel de Lyon, dès lors qu'un contribuable n'a pas respecté, pour bénéficier de l'abattement, la condition selon laquelle il doit cesser toute fonction et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, il doit être regardé comme ayant accepté les conséquences s'attachant à la remise en cause de ce régime. Il s'ensuit que l'imposition de la plus-value est justifiée.
Rappelons qu’aux termes de l’article 150-0 D ter, I du CGI, les plus-values réalisées par les dirigeants qui cèdent leurs titres à l'occasion de leur départ en retraite sont, sous certaines conditions, réduites d'un abattement fixe puis de l'abattement renforcé.
En ce qui concerne les conditions relatives à la société, celle-ci doit être une PME qui emploie moins de 250 salariés au 31 décembre de l'une ou l'autre des trois années précédant celle de la cession.
Son chiffre d'affaires annuel ne doit pas excéder 50 millions d'euros ou le total de son bilan 43 millions d'euros au titre du dernier exercice clos ou, à la clôture de l'un ou l'autre des trois derniers exercices précédant celui de la cession.
Le capital social de la société doit être détenu à hauteur de 75 % au moins, de manière continue au cours du dernier exercice clos, par des personnes physiques.
La société doit avoir exercé, de manière continue au cours des cinq années précédant la cession, une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière.
La société doit enfin être soumise à l'impôt sur les sociétés.
En ce qui concerne le dirigeant cédant, il doit, pendant les cinq années précédant la cession, avoir été dirigeant de la société dont les titres sont cédés, avoir détenu au moins 25 % des droits de vote ou des droits financiers de la société cédée soit directement, soit par personne interposée, soit par l'intermédiaire de son groupe familial.
Et, évidemment, il doit cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession, ce qui n’était pas le cas, en l’espèce, car s’il avait bien démissionné de ses fonctions de président à compter du 31 janvier 2013, il avait été nommé, le 1er mars suivant, directeur général de la société et avait perçu une rémunération à ce titre, tant en 2013 qu’en 2014.
Cet arrêt confirme ainsi que l’article 150-0 D ter du CGI est d’interprétation stricte, compte tenu de son caractère dérogatoire.
CAA de LYON, 2ème chambre, 05/01/2023, 19LY02829, Inédit au recueil Lebon.
Arnaud Soton
Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal