Edmond MBOKOLO ELIMA

Magistrat, Enseignant à la Faculté de droit et Apprenant en DES/Troisième cycle en droit international privé et droit du numérique (Université de Kinshasa et Université de Kisangani)

CONSTRUCTION SUR UN TERRAIN D'AUTRUI

Publié le 12/10/2020 Vu 18 862 fois 1
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L’inventaire des causes devant les instances judiciaires de la République Démocratique du Congo indique plus de soixante-dix pourcent des cas concernent le conflit parcelle.

L’inventaire des causes devant les instances judiciaires de la République Démocratique du Congo indique pl

CONSTRUCTION SUR UN TERRAIN D'AUTRUI

Conflit foncier : qu’arrive-t-il lorsqu’on construit sur un terrain concédé à autrui ?

 

Par

Me Edmond MBOKOLO ELIMA

Avocat au Barreau de l’Equateur

Assistant à la Faculté de Droit

Université de Mbandaka/RDC

 

 

Nous sommes d’avis avec Me Robert Yanda, Avocat au Barreau de l’Equateur, lorsqu’il affirme  dans sa publication intitulé le conflit parcellaire en droit judiciaire congolais  que l’inventaire des causes devant les instances judiciaires de la République Démocratique du Congo indique plus de soixante-dix pourcent des cas concernent le conflit parcelle.

En effet, en droit congolais l’occupation d’un terrain ou immeuble doit être justifié par un titre ou droit dûment reconnu par les autorités administratives foncières compétentes.

La loi n° loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant  régime général des biens, régime foncier et  immobilier et régime des sûretés telle que modifiée et complétée par la loi n° 80-008 DU 18 JUILLET 1980 en est la matière.

C’est ainsi que, conformément à la loi sus-évoquée, une personne ne peut construire sur un terrain que s’il a été autorisé par le Conservateur des titres immobiliers et s’il détient des documents lui permettant d’effectuer lesdits travaux. Dans le cas contraire, il existe des sanctions tant civiles que pénale pour la personne qui construit sur un terrain que l’Etat à concéder à autrui sans l’autorisation de ce dernier.

1. Régime juridique des terrains et leur acquisition

Logiquement, le législateur foncier congolais ne reconnait pas aux particuliers, personnes physiques et morales le droit de propriété d’une potion de son sol (terrain) sur toute l’étendue de la République Démocratique du Congo ;

En effet, aux termes de l’article 9 alinéa 1 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles dispose que « l’Etat exerce une souveraineté permanente, notamment sur les sols, sous-sols, les eaux et les forêts, sur les espaces aériens, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental » ;

Cette disposition constitutionnelle est renforcée par l’article 53 de la loi n°80/008 du 18 juillet 1980 modifiant et complétant la loi n°73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés renchérit  que « le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat » ;

Dans ce sens, en date du 25 mars 1987, la Cour Suprême de justice avait tranché savamment sous RC 373 que, le sol appartient au seul Etat Zaïrois (CSJ, RC 373 du 25/03/1987). Elle poursuit  qu’aux termes de l’article 53 de la loi n°73-021 du 20 juillet 1973, le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat, un juge ne peut en reconnaitre la propriété à une personne privée (CSJ, RC 1867 du 29/08/1996, cité par KALOMBO MBIKAYI, Code civil et commercial congolais, Kinshasa, 31/03/1997, p.179). Elle tranche encore Qu’en court cassation partielle avec renvoi, un arrêt d’une Cour d’Appel qui reconnait à un particulier le droit de propriété sur une parcelle de terre, étant donné que depuis l’entrée en vigueur de la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 telle que modifiée et complétée à ce jour, la propriété du sol appartient exclusivement à l’Etat Zaïrois [lisez congolais] seul, (CSJ, RC 2819, 23/06/1982, DIBUNDA, Répertoires général de jurisprudence de la CSJ, p.186) ;

Eu égard à tout ce qui précède, il faut noter que l’Etat ne cède pas sa propriété à des particuliers mais il fait des concessions pour un droit de jouissance. C’est qui affirme l’article 61 de la loi dite foncière qui dispose que la concession est le contrat par lequel l’Etat reconnaît à une collectivité, à une personne physique ou à une personne morale de droit privé ou public, un droit de jouissance sur un fonds aux conditions et modalités prévues par la présente loi et ses mesures d’exécution.

A cet effet, le droit de jouir d’un terrain est conditionné par la signature d’un contrat de location avec la République Démocratique du Congo par le biais de son préposé, en la personne du Conservateur des Titres immobiliers.

2. Qu’est-ce que la construction sur un terrain concédé à autrui ?

Pour appréhender la notion de construction sur le terrain d'autrui, il faut comprendre la notion de droit de propriété. En droit, la propriété est le droit de disposer d’une chose d’une manière absolue et exclusive, sauf les restrictions qui résultent de la loi et des droits réels appartenant à autrui (article 14 de la loi dite foncière). C’est détenir les trois attributs suivants : usus (usage), fructus (percevoir les fruits) et abusus (disposition).

La construction d'un ouvrage permanent par un tiers sur ou un terrain concédé (appartenant) à autrui est une construction sur le sol (terrain) d'autrui. Elle peut se faire avec ou sans l'accord du propriétaire.

3. Différentes formes de construction sur un terrain concédé à autrui

La construction sur un terrain concédé à autrui prend plusieurs formes, tantôt sous la forme d’un empiètement ou encore sous une forme d’occupation sans titre ni droit.

L’empiétement est un abus de droit qui consiste en une extension de la construction implantée sur une parcelle voisine appartenant à un propriétaire distinct. Il s’agit selon Me Robert YANDA, du fait d’édifier, sans droit, un immeuble sur une partie d’un fonds appartenant à autrui ou d’occuper une portion de ce fonds sans titre ni droit. L’illustration la plus répandue en est la construction d’une partie d’un bâtiment sur le terrain voisin en montant sur la ligne de division (limite).

Il sous-entend deux principaux éléments, deux fonds voisins ou contigus et la construction (occupation) d’une partie de l’immeuble. Il peut se faire par le placement d’une borne à l’intérieur de ce fonds, sans titre ni droit. L’empiétement est différent de l’occupation illégale en ce que celui qui empiète à un document sur base duquel il occupe d’abord son propre fonds et qu’il se pose seulement un problème de limite avec le fond voisin.

S’agissant de l’occupation sans titre ni droit, il faut noter que pour occuper une parcelle, il faut un titre ou un droit, conformément aux prescrits de la loi n°73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régimes des sûretés. Pour occuper légalement une parcelle ou un immeuble, il faut pour le premier un contrat de location et pour la seconde un certificat d’enregistrement.

4. Construction sur le terrain d'autrui : quelles sont les sanctions ?

La construction sur un terrain concédé à autrui peut générer deux types des sanctions : civiles et pénales.

a. Sanctions civiles

Le droit de propriété étant un droit inviolable, lorsqu’une construction se trouve sur le terrain ou sol concédé à d'autrui, elle sera, en fonction de la bonne foi ou non du constructeur, la propriété du propriétaire du fonds.

- Constructeur de mauvaise foi

Le propriétaire peut l’obliger à démolir la construction à ses frais, sans qu’il puisse réclamer d'indemnisation. Il peut également réclamer les dommages et intérêts conformément à l’article 258 du décret du 30 juillet 1888 relatif aux contrats ou obligations conventionnelles (CCCL3). Ici, il y a application du principe « celui qui construit chez autrui, construit pour autrui ».

Autrement dit, le propriétaire du terrain tient le constructeur en état c'est-à-dire donc qu'il le tient à sa merci, en ce sens qu'il peut exiger de lui la démolition de ce qui a été fait et la remise en état du terrain, outre des dommages et intérêts éventuel. C'est son droit de propriété qui lui pousse d'éliminer toute trace d'usurpation.

Il peut aussi en conserver la propriété, et il devra alors rembourser au tiers soit une somme équivalente à la plus-value apportée, soit le montant des matériaux avec la main-d’œuvre.

Si l’occupant de mauvaise foi ne veut pas libérer le terrain qu’il occupe illégale, le concessionnaire (le propriétaire) peut lui assigner devant le Tribunal de Grande Instance pour obtenir son expulsion forcée par voie d’une procédure en déguerpissement (la procédure qui a pour but de faire libérer des locaux occupés sans droit ni titre ou sans droit ni titre ou sans droit au maintien dans les lieux).

- Constructeur de bonne foi

Le constructeur possède un titre dont il ne connaît pas le vice. Il est de bonne foi, mais il est néanmoins évincé suite au recours du véritable propriétaire. Celui-ci ne peut demander la démolition de la construction et il doit l’indemniser.

Le propriétaire est alors obligé dans ce cas, de conserver la construction intruse, bien qu'il puisse n'en vouloir, ce qui est une restriction considérable à son droit de propriété car la bonne foi est toujours présumée.

 b. Sanctions pénales : occupation illégale

L’occupation illégale est une infraction qui est le fait d'occuper une terre quelconque sans titre ni droit c'est-à-dire une occupation purement volontaire d'un lieu quelconque dénouée de tout fondement juridique.

Il s’agit selon l’article 207 de la loi  du 20 juillet 1973 de tout acte d'usage ou de jouissance d'une terre quelconque qui ne trouve  pas son titre dans la loi ou un contrat. Cette infraction est punissable d'une peine de deux à six mois de servitude pénale et d'une amande de cinquante à cinq cent zaïres ou d'une de ces peines seulement. 

Les co-auteurs et complices de cette infraction seront punis conformément aux prescrits des articles 21 et 22 du code pénal. Les co-auteurs sont tous ceux qui ont prêté pour l'exécution de l'infraction une aide, telle que sans leur assistance, l'infraction n'eût pu être commise. Et sont complices, tous ceux qui, sans réunir en leur personnes les éléments constitutifs de l'infraction, ont par un comportement positif et volontaire aidé ou facilité la réalisation de l'infraction.

 

 

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1 Publié par Salor
17/04/2024 01:02

La question de l'occupation est bien expliquée mais seulement j'aimerais plus avoir la clarté sur les causes d'empiècements marginaux.

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A propos de l'auteur
Blog de Edmond MBOKOLO ELIMA

MBOKOLO ELIMA Edmond, Magistrat, Officier du Ministère Public et Substitut du Procureur de la République

Ancien avocat au Barreau de l'Équateur, Enseignant à la Faculté de Droit de l'Université de Mbandaka et Apprenant en D. E. S à la Faculté de droit de l'Université de Kisangani et Chercheur en droit à l'Université de Kinshasa. 

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