COVID-19 : LA DECISION DU MAIRE DE MBANDAKA RELATIVE AU PORT OBLIGATOIRE DU MASQUE ET A L’INSTITUTION D’UNE AMENDE DE 7.000 FRANCS CONGOLAIS EST-ELLE LEGALE ?
Une réflexion de Maitre Edmond Mbokolo Elima, Avocat au Barreau de l’Equateur et Assistant à la Faculté de Droit, Université de Mbandaka.
La Ville de Mbandaka, Chef-lieu de la Province de l’Equateur est touchée par la COVID-19 conformément aux résultats de l’INRB ainsi que le Virus EBOLA.
Face à cette situation sanitaire qui secoue le Pays en général et la Province de l’Equateur en particulier, l’autorité urbaine a décidé de rendre obligatoire dans tout son ressort, le port du masque par toute la population.
En outre, pour assoir l’application de ladite mesure de police, à la même occasion, il a institué une amende de 7.000 francs congolais contre pour les personnes qui s’évertueront à saboter cette décision salutaire.
C’est très beau d’épingler ici que, cette mesure n’est pas la première au pays car, à Kinshasa le Gouverneur de Province (ayant aussi le statut du Maire de la Ville), avait pris pareille décision (qui du reste est application jusqu’à ce jour). D’autres mesures de même genre sont signalées dans certaines provinces touchées, dont notamment le cas du Sud-Ubangi où le confinement a été institué pour chaque samedi dans la Ville de Gemena.
Pour purifier les équivoques qui règnent au sein de la population Mbandakaise, il est impérieux ici de réfléchir sur la légalité ou non de la décision prise par le premier citoyen de la Ville, notamment le port obligatoire du masque (1) et l’institution d’une amande de 7.000 francs congolais (2). A la fin, nous serons dans une contrainte de placer un verbe sur la fameuse distribution des masques réclamée (3) avant d’interpeller le Maire de la ville et les éléments de la PNC relativement à l’application de ladite décision (4).
1. Port obligatoire du masque
Dans un état de droit, toutes les décisions prises par les autorités publiques voire privées doivent être fondées sans ambages sur la tapisserie des règles de droit (légalité).
En effet, la Mairie est une entité territoriale décentralisée instituée par la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles, spécialement en son article 3 et dont le fonctionnement est régie par la loi-organique n°08/016 du 07 octobre 2008.
Historiquement intensifions en passant que, avant l’avènement de la loi-organique sus-évoquée, les entités administratives dans le pays furent organisées par le décret-loi n°081 du 02 juillet 1998 portant organisation territoriale et administrative de la République Démocratique du Congo (abrogée), dont les articles 57 à 84 concernaient la Mairie.
En effet, l’article 40 de la loi-organique sur les ETD permet au Maire de la Ville (faisant office du Collège Exécutif Urbain) de prendre des règlements de police (mesure de police) et les sanctions de peines ne dépassant pas sept jours de servitude pénale principales et 25.000 francs congolais d’amende ou d’une de ces peines seulement. Il s’agit là, des mesures de prévention prises pour la sauvegarde des intérêts de sa population.
Cet article 40 a reproduit textuellement les dispositions de l’article 64 al.1 du décret-loi de 1998, qui prévoyait qu’en cas d’urgence, le Maire pourra prendre des règlements de police et les sanctions des peines ne dépassant pas sept jours et une amende ou l’une de ces peines seulement.
En vertu du principe de la légalité des actes des autorités administratives, la décision prise par le Maire de Mbandaka est légale car, conforme à l’article 40 de la loi-organique sur les ETD.
2. L’institution d’une amende de sept mille francs congolais
En droit administratif voire même pénal, l’amende est une sanction (article 5 du décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété à ce jour) et ne peut être instituée que par une loi (sensu latu). Pour ainsi dire que, l’article 40 de la loi-organique sous examen reconnait au Maire de la Ville la compétence (pouvoir) de prendre une mesure de police et la renforcer, son application sans faille, par deux types des sanctions, en l’occurrence d’une amende ne dépassant pas 25.000 francs congolais et une peine de servitude pénale principale (emprisonnement) ne dépassant pas 07 jours ou l’une de ces peines seulement.
In specié casu, la décision du Maire de Mbandaka relative au port obligatoire de masque est assortie d’une peine de 7.000 francs congolais. Il faut le reconnaitre avec main droite au cœur que, le but de cette sanction, par rapport à l’esprit même du législateur, consiste à faire assurer le respect de la mesure de police prise. C’est une contrainte légale et inévitable.
Il convient de souligner ici que, la décision du Maire (arrêté urbain) est une loi au sens large (un règlement), qui doit être respectée au même titre qu’une loi stricto sensu (acte émanant des Assemblées Nationale et Provinciale).
Bref, l’amende instituée est légale car, le Maire n’est pas allé au-delàs de la fourchette prévue par la loi, qui est de 25.000 francs congolais. Ce qui dénote sans nul doute qu’il s’agit là décision légale.
3. Réclamation relative à la distribution des masques à la population
Il est incorrect de demander au Maire de la ville d’assurer la distribution des masques auprès de tous les ménages de sa juridiction. C’est pratiquement impossible et chimérique. Il sied de noter que, même à Kinshasa, ville où sont situées les institutions suprêmes de la République, ni le Chef de l’Etat, mois encore le Premier Ministre ou le Gouverneur n’ont pas osé se lancer dans ce divertissement difficile.
A notre humble avis, s’il échet, ladite distribution peut se faire dans des endroits stratégiques, tels que les hôpitaux, les marchés, les institutions publiques, les écoles, etc….Et c’est une tâche qui doit être accomplie par tout citoyen, surtout dans le cadre de la lutte contre la COVID-19.
Nous devons savoir que, la loi sur la santé publique de 2018 consacre le principe selon lequel « la santé pour tous et par tous ». Pour ainsi dire que, le législateur congolais veut que, chaque citoyen puisse contribuer dans le système de santé du pays, de la province, de la mairie, etc…Les personnes de bonne volonté sont appelées à concourir à cette mission sanitaire au bénéfice de tous (ce qui se fait par certains organismes étrangers, ONGs, etc…).
S’agissant de la sensibilisation de la mesure prise, nous devons noter que, la loi n’a pas prévue un tel préalable pour rendre une décision administrative légale, malgré qu’elle revêt un caractère si important. Durant cette semaine, tout a été relayé à travers les médias constituant déjà une sensibilisation.
4. Notre interpellation à l’endroit du Maire de la Ville et aux éléments de la Police Nationale Congolaise
L’article 42 de la loi-organique sur les ETD veut que le Maire puisse veiller au maintien de l’ordre public dans la Ville. A cette fin, il dispose des unités de la Police nationale y affectées.
La mesure étant légale, nous interpellons le Maire de la Ville à veiller à ce que, les éléments de la Police Nationale Congolaise ne posent pas les actes de barbaries et la brutalité vis-à-vis de la population, surtout bannir la tracasserie.
Aussi, la mesure doit être appliquée d’une manière légale, car il faut le rappeler que, la loi a un caractère impersonnel. Tout le monde, autorité ou pas, doit porter son masque. Ceci constituera une véritable astuce pour la consolidation d’un état véritablement de droit. Le contraire c’est du césarisme.
Il s’agit là, de l’un des caractères d’un état de droit, spécialement l’égalité de tous devant
les règles de droit (articles 11 et 12 de la Constitution).