PROVINCE DE L’EQUATEUR
VILLE DE MBANDAKA
DÉCHÉANCE DES MEMBRES DU BUREAU DEFINITIF DE L’ASSEMBLEE PROVINCIALE DE L’EQUATEUR : PETITION, DECLARATION DE DESAVEU OU MOTION INCIDENTIELLE, QUELLE PROCEDURE LEGALE ET JURISPRUDENTIELLE ?
Par
Me Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau de l’Equateur
Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka
Chercheur en Droit à l’Université de Kinshasa.
Tél. : +243822522855/+243851031154
E-mail : edmondjean@gmail.com
Web: www.legavox.fr/blog/maitre-edmond-mbokolo-elima/
16 mai 2021
0. Contexte
C’est depuis le début du mois de mars de l’année en cours que la collecte des signatures des élus Provinciaux est en cours visant à la validation d’une pétition tendant à la déchéance de tous les membres du Bureau définitif de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur.
Comme nous l’avons dit dans une publication du 03 mars dernier, cette initiative s'inscrit dans le cadre de la fameuse requalification des majorités au sein des Assemblées Provinciales telle que prônée par le Sénateur Modeste Bahati Lukwebo, jadis, informateur à l’Assemblée Nationale avant sa brillante élection au perchoir de la chambre haute du Parlement de la RDC.
Suivant la logique des choses et idéologiquement, après le divorce du mariage conclu entre le FCC-CACH qui a dirigé le pays (toutes les institutions étatiques) depuis plus de deux ans, la nouvelle coalition dite d’union sacré se dote le devoir non seulement d’occuper toutes les institutions nationales mais de le faire autant pour celles provinciales, urbaines et locales.
C’est dans cette clairvoyance que depuis le mois de mars dernier, nous assistons à des motions, pétition, déclarations de désavoue au sein des Assembles Provinciales et Exécutifs Provinciaux du Pays où certains ont réellement été déchus de leurs fonctions, soit en qualité du Vice-gouverneur, du Gouverneur ou membre de l’organe délibérant.
Cette tempête bactérienne n’arrive pas à épargner la Province de l’Equateur, qui d’ores et déjà, a toujours fait l’objet des tiraillements politiques et qui à l’heure actuelle, traverse un moment vraisemblablement tumultueux et absolument remuant.
C’est ainsi que certaines élus provinciaux de l’Equateur souhaitent non seulement le départ de l’Exécutif Provincial mais aussi celui de tous les membres du Bureaux qui doivent être déchus par une pétition afin d’organiser des nouvelles élections, ce qui est un souhaite démocratiquement admissible.
Cette information ne nous a pas laissé indifférent en tant que chercheur en droit, ce qui nous a poussé à la présente réflexion relative à la déchéance des membres du bureau définitif de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur.
A cet effet, une seule préoccupation nous intéresse dans cette réflexion : est-il vrai au regard des textes juridiques que le Bureau de l’Assemblée Provinciale peut être déchu par une pétition ? Ou bien, il faut recourir à la procédure de déclaration de désavoue ou tout simplement par une motion incidentielle ? C’est autour de cette inquiétude que va graviter notre réflexion.
1. Des dispositions juridiques organisant le fonctionnement de l’Assemblée Provinciale
Les articles 197, 100, 101, 102, 103, 107, 108, 109 et 110 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles constituent la genèse de l’Assemblée Provinciale. En second lieu vient la loi n°08/012 du 31 Juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Province telle que complétée et modifiée par la loi n°13/008 du 22 janvier 2013.
Ces deux étant laconiques sur le fonctionnement de l’Assemblée Provinciale, la Constitution exige la mise sur pied d’un Règlement Intérieur qui, doit être avant sa mise en application déclaré conforme à la Constitution.
Voilà pourquoi, pour se conformer à la loi fondamentale qu’en date du 19 février 2019, Monsieur José ENDUNGU BONONGO, Président du Bureau provisoire avait saisi la Cour constitutionnelle sous R.Const 847, où cette dernière avait déclaré conforme à la Constitution en date du 02 août 2019, le Règlement Intérieur de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur constitué essentiellement de plus de 208 articles. A ce niveau, tous les articles du Règlement sus-indiqué sont conformes à la Constitution.
2. Analyse sémiologique
Pour la compréhension de notre thématique, malgré que ces sémantiques soient connues de tous, il nous est utile avant d’aborder le vif de cette réflexion, de définir lapidairement la pétition, la déclaration de désaveu et la motion incidentielle.
2.1. La pétition
Une pétition, prévue à l’article 27 de la Constitution, est le droit accordé à la population d’un pays d’effectuer une demande directe aux représentants de l’exécutif.
2.2. La déclaration de désaveu
Le désaveu, qui vient du verbe « désavouer » signifie l’acte par lequel un mandant affirme que son mandataire ne s’est pas conformé à son mandat. C’est désavouer une personne, ne pas le reconnaitre, lui retirer la confiance….
2.3. La motion
La motion est une proposition faite dans une assemblée délibérante par un de ses membres. C’est l’action de mouvoir, de mette en mouvement. Politiquement, la motion est un texte soumis à une assemblée délibérante par un ou plusieurs de ses membres pour exprimer une opinion, une volonté ou faire prendre une décision.
3. De la déchéance des membres du Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur
Comme dit supra, le fonctionnement de l’Assemblée Provinciale est essentiellement basé sur son Règlement Intérieur déclaré conforme à la Constitution par la Cour Constitutionnelle et publiée au Journal Officiel du 22 septembre 2020 (61ème année, n° spécial). C’est ce texte règlementaire qui est le VADEMECUM, le MEMENTO ou le CALEPIN tant du Bureau de l’organe délibérant que sa plénière (considérée comme une Assemblée Générale de cet organe).
En effet, aux termes de l'article 15 alinéas 2 et 3 du Règlement sous examen « les membres du Bureau sont élus pour toute la durée de la législateur. Toutefois, en cas de faute grave ou d'incompétence constatée par la plénière dans l'exercice de ses fonctions, un membre du Bureau peut être relevé par celle-ci suivant une procédure contradictoire ».
Cette disposition est renforcée ou bétonnée par l’article 20 dudit Règlement qui prévoit que « sans préjudices des autres dispositions du présent Règlement Intérieur, les fonctions des membres du Bureau de l’Assemblée Provinciale prennent fin par décès, démission, empêchement définitif, incompatibilité, départ délibéré de son parti politique, condamnation irrévocable à une peine de servitude pénale pour infraction intentionnelle ou déchéance prononcée par la plénière conformément à l’article 15 alinéa 3 du présent Règlement Intérieur ».
Ces deux articles évoquent la question de la déchéance d’un membre du Bureau de ses fonctions et non des tous les membres sur un même acte. Cette déchéance doit se faire conformément à l’article 60 alinéa 6 qui examine la notion de la MOTION INCIDENTIELLE. Celle-ci est celle qui intervient au début ou au cours des débats sur laquelle l’Assemblée Provinciale doit se prononcer avant de commencer ou de poursuivre les débats sur une question principale.
En croire ce raisonnement juridique, la destitution ou déchéance des membres du Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur ne peut se faire que strictement par une motion incidentielle adressée et débattue en pleine plénière. Celle-ci est seule habilitée a constaté la faute ou l’incompétence dans le chef d’un membre du Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur et non par un groupe des députés en dehors la plénière.
Cette logique est soutenue et certifiée par une jurisprudence récente de la Cour d’Appel de Kwilu qui a soutenu que, la faute grave, doit être constatée à la plénière et non par un groupe de député en dehors de la plénière suivant l’esprit de l’article 22 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Provinciale de Kwilu.
En effet, le Règlement Intérieur de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur ne prévoit pas une possibilité tendant à déchoir les membres de son Bureau par une pétition. Pour ce faire, l’article 27 de la Constitution ne peut s’appliquer ici car, le fonctionnement administratif ou parlementaire de cet organe délibérant, voire même la destitution du Bureau, est organisé uniquement par le Règlement Intérieur et non un autre texte juridique. Le comportement d’un ou groupe des députés vis-à-vis du Bureau et de ses collègues est limitativement indiqué rien que dans le Règlement.
Évidemment, l’article 27 de la Constitution ne peut être appliqué contre les Présidents des Assemblées Provinciales, de l’Assemblée Nationale ou du Sénat. Seuls, leurs Règlements s’appliquent. Il est d’usage (Art 27) uniquement pour une autorité exécutive, par contre, les membres du Bureau de l’Assemblée Provinciale ne sont pas les autorités exécutives vis-à-vis de la population.
D’ailleurs, lorsqu’on parle de l’Assemblée Provinciale, on ne vise pas le Bureau permanant et administratif, c’est la plénière (tous les députés provinciaux) qui en composent.
Eu égard à ce qui précède, en faisant une lecture fouillée de tous les articles du Règlement Intérieur sous revue, aucune disposition n’est dédié à la pétition comme moyen de la déchéance des membres du Bureau. D’où, son application est non conforme. Elle ne peut être appliqué que si et seulement si, elle est prévue dans le Règlement Intérieur avalisé par la Cour constitutionnelle.
En se référant à la décision de la Cour d’Appel de Kwilu, analysant la pétition déposée le mercredi 28 avril 2021 au Bureau de l’Assemblée Provinciale de Kwilu contre le Président de cet organe délibérant, initiée par un député qui lui reproche d’incompétence, la gestion opaque de l’Assemblée et un mauvais comportement envers les députés, a répondu que les articles précités ne prévoient pas la procédure de pétition.
En épousant cette position de la Cour d’Appel de Kwilu, la procédure tendant à déposer une pétition contre les membres du Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur est étrangère et non conforme au Règlement Intérieur, d’où son dépôt au Bureau doit être sanctionné sans atermoiements à l’irrecevabilité pour vice de procédure, du fait que, seule la motion incidentielle est le sentier reconnu pour mettre en cause en pleine plénière, un membre du Bureau.
Alors, lorsque cette pétition sera déclarée irrecevable par le Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur, cette attitude pourra aboutir à la déclaration de désaveu, motif pris, orchestration par le Bureau des manœuvres dolosives pour bloquer la convocation de la plénière devant examiné la pétition ?
A cette nouvelle question qui fait appel à la notion de la déclaration de désaveu, il convient de souligner que certaines Assemblées Provinciales du Pays, en l’occurrence de celle de la Province de Kwilu en a prévu dans son Règlement Intérieur, spécialement à l’article 22 in fine qui prévoit « qu’en cas de la volonté manifeste du Bureau pour bloquer la procédure, une déclaration de désaveu au Bureau est signée par la majorité absolue des membres qui composent l’Assemblée Provinciale, ce qui entame la déchéance de tous les membres du Bureau ».
In specie causa, le Règlement Intérieur de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur dans toutes ses dispositions, ne prévoit aucunement cette procédure de la déclaration de désaveu, qui ne peut être envisagée, car l’unique piste à pouvoir éjecter un membre du Bureau demeure la motion incidentielle, qui ne peut être portée qu’au cours d’une plénière, dixit le Règlement Intérieur en ses articles sus-analysé.
4. Conclusion
Le Règlement Intérieur de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur ne prévoit pas la procédure de la déchéance des membres de son Bureau une pétition. C’est ainsi que l’apocryphe pétition qui s’apprête contre ledit Bureau doit tout simplement et par un revers de main être balayée pour vice de procédure.
A l’instar des certains Règlements Intérieurs d’autres Assemblées Provinciales du pays qui prévoient la procédure da la déclaration de désaveu lorsque le Bureau orchestre des manœuvres tendant à bloquer une procédure, celle de l’Equateur n’en est pas moins car ne l’a reconnait pas du fait de son inexistence.
Enfin, la seule voie prévue par le Règlement Intérieur pour déchoir les membres du Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur pris individuellement et non collectivement, et ce, conformément aux articles 15 alinéa 3, 20 in fine et 61 alinéas 1 et 6, est la MOTION INCIDENTIELLE qui doit être portée en pleine plénière.
Ce qui signifie qu’en dehors de cette dernière voie, le Bureau de l’Assemblée Provinciale de l’Equateur ne peut être déchu.