Droits de préemption et au renouvellement reconnus au locataire d'un bail : que dit la loi ?
0. Prélude
Les textes juridiques nationaux et régionaux organisent tour à tour les baux à usage non professionnel, dont notamment les baux à usage résidentiel et socioculturel, et les baux à usage professionnel (anciennement appelé baux commerciaux).
Sur le plan régional, l'Acte Uniforme de l'OHADA portant sur le droit commercial général du 15 décembre 2010 adopté à Lome traite de bail à usage professionnel (bail à usage commercial, industriel, artisanal.., terrains nus sur lesquels ont été édifiés des constructions à usage industriel, commercial, artisanal...).
Sur le plan interne, les baux résidentiels et socioculturels (baux non professionnels) sont régis par la loi n°15/025 du 31 décembre 2015.
A travers ce deux textes de lois, ces derniers reconnaissent au preneur où locataire certains droits, qui malheureusement, ils n'en prévoient pas expressément des conséquences en cas de méconnaissance ou violation que nous allons épingler en se référant à la pratique judiciaire, il s'agit bel et bien du droit de préemption d'une part, et de l'autre, le droit au renouvellement, tous les préférences qui constituent une véritable sûreté des occupants d'un immeuble quel que soit l'usage.
Il est question dans les lignes qui suivent, d'analyser très laconiquement, la quintessence de ces deux notions ignorées ou bafouées par les bailleurs congolais, en dépit de l'irrespect total des dispositions impératives des textes juridiques sus-cités.
1. Droit de préemption d'un locataire d'un bail non professionnel.
Le droit de préemption ou droit de préférence du locataire dans un bail résidentiel ou socioculturel est défini comme l’avantage donné au locataire titulaire d’un bail, de pouvoir se voir proposer en priorité la vente de la maison dont il est locataire.
En clair, avant la vente de la maison mise en location par le bailleur, ce dernier est obligé, avant de proposer le marché à une personne physique ou morale, d'en informer impérativement en premier lieu, à son locataire. C'est seulement si ce dernier ne consent pas à cette proposition, que le bailleur va devoir vendre sa maison à quelqu’un d'autre.
Suivant l'article 12 de la loi n°15/025 du 15 décembre 2015 qui traite de cette question de préemption, cette information de l'exercice du droit de préemption doit être faite par le bailleur au locataire par écrit. Dans le cas où le locataire reste silencieux ou marque son refus dans le 15 jours qui suivent cette information, le bailleur est libre de vendre son bien à toute personne de son choix.
Néanmoins, en cas de vente de la maison louée, le contrat de location continue à courir jusqu'à son échéance s'il est à durée déterminée. Dans l'hypothèse à laquelle, le contrat de location a été conclu pour une durée indéterminée, le nouvel acquéreur ou bailleur ne peut faire sortir le locataire de son vendeur qu'en observant les délais du préavis légal. Il s'agit de trois mois pour le bailleur résidentiel et six mois pour le bail socioculturel.
2. Droit au renouvellement du bail à usage professionnel
Contrairement au droit de préemption qui concerne la vente de l'immeuble loué, le droit au renouvellement est une garantie reconnue à un preneur (mieux locataire) d'un bail à usage professionnel (commercial par exemple) qui justifie avoir occupé ou exploité l'immeuble pendant une durée minimale de deux ans.
Aux termes de l'article 123 alinéa 2 de l'Acte Uniforme précité, aucune stipulation du contrat ne peut faire échec au droit au renouvellement.
A en croire l'article 124 du même Acte Uniforme, le preneur (locataire) d'un bail à usage professionnel à durée déterminée, peur exercer son droit au renouvellement en écrivant au bailleur trois mois avant la date d'expiration dudit bail.
Conséquemment, le preneur où locataire qui n'a pas formé sa demande de renouvellement dans le délai de trois mois avant la date convenue pour la fin du contrat, est déchu du droit au renouvellement du bail.
Inversement, si le bailleur ne répond pas à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l'expiration du bail, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement.
Par ailleurs, pour le bail à durée indéterminée ou indéterminée, il est exigé un congé (préavis) de six mois avant sa résiliation par l'une des parties, et nécessairement permettre au locataire ou preneur de bénéficier de son droit au renouvellement. Mais, le locataire qui bénéficie du droit au renouvellement, peut s'opposer à ce congé.
Mais, le bailleur est en droit de s'opposer au droit au renouvellement du contrat de bail en payant au locataire une indemnité d'éviction dont le montant sera fixé en commun accord. En cas de désaccord, le tribunal compétent sera saisi pour en fixer.
Nous devons souligner ici que, le bailleur est en droit de faire valoir son opposition au droit de renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, sans même payer une indemnité équitable, dans les cas suivants :
1° s'il existe un motif grave et légitime lié dans l'inexécution d'une obligation contractuelle par le locataire ou dans la cession de l'exploitation de l'activité ; 2° si le bailleur envisage de démolir l'immeuble et le reconstruire.
3. Quelles conséquences au non-respect du droit de préemption et au droit au renouvellement ?
Pour les baux non professionnels, la loi du 31 décembre 2015 ne prévoit pas la conséquence en cas du non-respect de l'article 12 relatif au droit de préemption du locataire par le bailleur. Néanmoins, si ce dernier n'arrive pas à observer et respecter cette disposition légale, le locataire peut saisir la juridiction compétente pour solliciter non seulement son droit de préemption mais aussi, la réparation de tous les préjudices confondus subis sur pied de l'article 258 du décret du 30 juillet 1888 relatif aux contrats ou obligations conventionnelles.
Par contre, pour les baux à usage professionnel (commercial, artisanal, ...), l'inobservation du droit au renouvellement par le bailleur, permet au locataire sur pied des articles 131 alinéa 2 de l'Acte Uniforme sous examen et 258 du décret du 30 juillet 1888, saisir la juridiction compétente dès l'expiration du bail à durée déterminée ou indéterminée non renouvelé, où encore dès la notification du congé du bail à durée indéterminée, afin de solliciter l'exécution de ce droit et s'il échet, solliciter la réparation aux dommages et intérêts pour tous les préjudices confondus subis.
4. La juridiction compétente à statuer
Il s'agit brièvement de la juridiction dans le ressort duquel est situé l'immeuble ou la maison louée. Le tribunal saisi doit se prononcer à bref délai (matière d'urgence).
5. Conclusion
Tout locataire d'un bien immobilier à usage résidentiel ou socioculturel a droit de bénéficier de son droit de préférence en cas de la vente de la maison louée. Autrement dit, le bailleur qui souhaite vendre sa maison mise en location, il doit proposer la vente en premier lieu au locataire, si et seulement si, ce dernier n'est pas favorable à la vente, qu'il devra alors contacter un autre acheteur.
Tandis que pour les locataires des baux à usage professionnel (boutique, dépôt, magasin, alimentation, bureau, etc...), ils doivent bénéficier du droit au renouvellement du contrat au cas où ce dernier arrive à l'échéance. Avant de signer un contrat avec un nouveau locataire, il doit accorder au premier locataire le droit de renouvelle son contrat, sauf au cas où ce dernier y renonce.
Le tribunal compétent peut allouer au locataire lésé des dommages et intérêts pour les préjudices subis.
Me Mbokolo Elima Edmond
Avocat au Barreau de l’Equateur
Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka (Equateur/RDC)
Chercheur en Droit à l’Université de Kinshasa
Contact : +243822522855