Edmond MBOKOLO ELIMA

Magistrat, Enseignant à la Faculté de droit et Apprenant en DES/Troisième cycle en droit international privé et droit du numérique (Université de Kinshasa et Université de Kisangani)

Exécution de l’Arrêt de la Cour Internationale de Justice du 09 février 2022

Publié le Modifié le 21/02/2022 Vu 3 857 fois 1
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L'exécution peut se faire volontairement ou d'une manière forcée par des mécanismes prévues par la charte des Nations unies ou des mécanismes négociés.

L'exécution peut se faire volontairement ou d'une manière forcée par des mécanismes prévues par la charte

Exécution de l’Arrêt de la Cour Internationale de Justice du 09 février 2022

Exécution de l’Arrêt de la Cour Internationale de Justice du 09 février 2022 opposant République Démocratique du Congo contre l'Ouganda.

 

1. Bref contexte

 

Il n'est point besoin de rappel qu'en date du 09 février 2022, la Cour Internationale de Justice (Haute instance judiciaire des Nations unies), siégeant au Pays-Bas à la Haye avait rendu l'arrêt dans l'affaire dite activités armées sur le territoire du Congo entre 1998 et 2003 (République Démocratique du Congo contre Ouganda).

 

La RDC, avait déposé sa requête introductive d'instance contre l'Ouganda depuis le 23 juin 1999 sollicitant des réparations au sujet des actes d'agression armée perpétrés par ce dernier sur le territoire de la RDC en violation de la Charte des Nations unies et celle de l'OUA (UA actuellement).

 

En 2005, la Cour Internationale de Justice avait décidé par son arrêt que la République Ougandaise avait l'obligation de réparer le préjudice causé, et par conséquent, les parties devraient se mettre d'accord (négocier), au cas contraire, elle réglerait la question des réparations dues au cas où les parties ne pourraient se mettre d'accord à ce sujet.

 

Lesdites négociations étant demeurées infructueuses, la Cour décidant de se prononcer sur les réparations.

 

A l'issue du verdict rendu, le montant des indemnités octroyées à la RDC s'élèvent modiquement à un total de 325.000.000 de dollars américains dont la réparation de présente comme suit : 225.000.000 USD pour les dommages causés aux personnes, 40.000.000 USD pour les dommages causés aux biens et 60.000.000 USD pour les dommages causés aux ressources naturelles.

 

Ces indemnités seront payées en quatre (4) ans chaque le 1er septembre pour la période allant de 2022 à 2026, chaque tranche est fixée à 65.000.000 USD.

Aussi, les intérêts moratoires dus au retard de paiement sont fixés au taux mensuel de 6%.

 

 

2. Critiques contre l'arrêt

 

La Cour Internationale de Justice devrait allouer à la RDC la totalité des indemnités sollicitées qui avoisinent au tour de 10 milliards des dollars américains. Les atrocités commises par l'armée Ougandaise en Ituri, Kisangani, etc... avaient occasionné des milliers des morts des congolais et la destruction de plusieurs biens, dont les réparations devraient aller au-delà de ce qui est fixé par la Cour Internationale de Justice.

 

C'est un manque à gagner pour la RDC, et il faut la mise sur pied d'une justice transitionnelle en instituant un tribunal pénal international pour la RDC afin que tous les auteurs visés dans ces attaques soient jugés et punis.

 

3. Exécution ou application de la décision par la République Ougandaise

 

A. Exécution volontaire

 

L'article 94 point 1de la Charte des Nations unies impose aux Etats membres à se conformer aux décisions de la CIJ lorsqu'il dispose que : chaque membre des Nations unies s'engage à se conformer à la décision de la Cour Internationale de Justice dans tous les litiges auquel il est parti.

 

Bref, la République Ougandaise à la possibilité de s'exécuter volontaire.

 

B. Exécution forcée

 

Il existe des voies d'exécution forcée prévues, notamment dans le cadre du Conseil de sécurité d'une part et d'autre part, la préférence des Etats africains pour les voies d'exécution négociées.

 

Pour rappel, une voie d'exécution est saisie comme l'ensemble des procédures permettant à une personne d'obtenir, éventuellement par la force, l'exécution des actes et des jugements qui lui reconnaissent des prérogatives ou des droits. Logiquement, la personne physique ou morale munie d'une décision revêtue de la formule exécutoire peut après avoir notifié le jugement à la personne condamnée, s'adresser à un huissier de justice afin qu'il recoure à l’une des mesures d'exécution.

 

- Les voies d'exécution prévues par les Nations unies.

 

Il s'agit ici de l'appel au Conseil de sécurité et les contre-mesures qui peuvent être appréciées comme un palliatif à l'imperfection des mécanismes prévus par le Conseil de sécurité.

 

S'agissant du Conseil de sécurité, l'article 94 point 2 de la Charte des Nations prévoit que : si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d'un arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l'arrêt.

Dans la prise de décisions par le Conseil de sécurité, souligne Mme Mariame Viviane Nakouma unanimement avec Félix Sohuily Dupuy, il y a l'exercice du véto dans l'édition des mesures coercitives, ce qui peut avoir des incidences car l'influence des superpuissances sur l'ONU gêne la mission qui lui est dévolue puise leur consentement commun est difficile à obtenir du fait des divergences idéologiques. Le droit de véto, poursuit-elle, est ainsi regrettable quant à l'efficacité juridique des sanctions.

 

En ce qui concerne l'emploi des contre-mesures, celles-ci est attendues comme toutes mesures employées par un Etat à la suite d'un fait intentionnellement illicite. En clair, un Etat partie à un procès peut y recourir pour obtenir le redressement de son droit mis à mal par un Etat perdant. Ces mesures peuvent être : acte de rétorsion ou de représailles, rupture des relations diplomatiques ou commerciales, suspension d'aide, etc....

 

- Voies d'exécution négociées

 

La doctrine abondante affirme que, ces voies d'exécution constituent une préférence des Etats africains qui souhaitent recourir à la négociation que les voies précédemment étudiées.

 

Pour amener l'État perdant à s'exécuter, ils (les deux Etats en conflit) signent les accords bilatéraux post-juridictionnels conformément à l'article 33 de la Charte des Nations unies qui impose les parties à tout différends de rechercher la solution avant tout par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitre, de recourir aux organismes ou accords régionaux ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix pour préserver la paix et la sécurité internationale.

 

Hormis les accords bilatéraux entre les Etats parties au litige, il peut être mis sur pied des mécanismes de matérialisation des arrangements post-juridictionnels par l'institution des commissions mixtes avec comme objectif de veiller à l'application de l'arrêt de la Cour. Ces commissions ne sont pas à vrai dire des organes judiciaires mais plutôt des organes de négociation.

 

4. Conclusion

 

Dans l'avenir pour pallier aux contraintes liées à l'exécution des décisions de la Cour Internationale de Justice, hormis les développements faits précédemment, il faut, l'institution d'une Africaine de justice qui pourra participer à des cas de régulation au niveau africain.

 

La RDC, doit user de ces voies d'exécution afin de se faire payer réellement ces réparations fixées par la Cour Internationale de Justice.

 

Me Edmond MBOKOLO ELIMA

Avocat au Barreau de l'Equateur

Assistant à la Faculté de droit de l’Université de Mbandaka

Chercheur en droit à l'UNIKIN.

 

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1 Publié par JBzt
22/02/2022 11:53

Bonjour Maître,

" il faut la mise sur pied d'une justice transitionnelle en instituant un tribunal pénal international pour la RDC" : Pourtant, la CIJ a relevé au paragraphe 63 de l'arrêt, que des " preuves ont été rassemblées pour certaines demandes de réparation devant la Cour pénale internationale (ci-après la «CPI») pour le même conflit que celui en l’espèce"

La Cour pénale internationale peut être critiquée, mais il demeure qu'elle est saisie du conflit, et ceci sur renvoi du Gouvernement de la RDC. Elle a même donné des résultats car 3 personnes (Thomas Lubanga Dyallo, Germain Katanga et Bosco Ntaganda ) ont été condamnées....Qu'est ce qu'un tribunal pénal international ad hoc apporterait de plus que la CPI?

Vous dites que les réparations sont " un manque à gagner pour la RDC" or le but de la réparation n'est pas de constituer une source de recettes mais de réparer le préjudice causé, in integrum si possible (cf CPJI 13 sept 1928 Affaire de l'Usine de Chorzow)....Par ailleurs, a supposer qu'il faille une juridiction pénale ad hoc, il n'appartient pas à la CIJ de la constituer...

"l'influence des superpuissances sur l'ONU gêne la mission qui lui est dévolue puise leur consentement commun est difficile à obtenir du fait des divergences idéologiques. " Plus que de superpuissance, on parlerait plutôt des Etats membres permanents du Conseil de Sécurité...Et plus que des divergences idéologiques (ce qui pouvait être le cas durant la guerre froide...) ce sont surtout des divergences d'interêts, des rivalités entre Etats

Il est a noter que le recours au Conseil de Sécurité n'a jamais eu à traiter d'une situation d'exécution forcée d'un arrêt de la CIJ.

" il peut être mis sur pied des mécanismes de matérialisation des arrangements post-juridictionnels par l'institution des commissions mixtes avec comme objectif de veiller à l'application de l'arrêt de la Cour."...Oui mais ces mécanismes passeront forcément par des accords bilatéraux voire multilatéraux (pour un exemple lire Mahmoud Mohamed Salah, « La Commission mixte Cameroun/Nigeria, un mécanisme original de règlement des différends interétatiques », AFDI, 2005, p. 164.). Ces organes ne peuvent exister sans accord des Etats impliqués...

" Logiquement, la personne physique ou morale munie d'une décision revêtue de la formule exécutoire peut après avoir notifié le jugement à la personne condamnée, s'adresser à un huissier de justice afin qu'il recoure à l’une des mesures d'exécution." Vous oubliez de dire que si cette situation vaut pour les personnes physiques et morales, elle ne vaut pas pour les Etats, ceux-ci étant souverains...

Vous ne mentionnez pas que, dans cette histoire de réparations, la CIJ a eu recours, par ordonnances des 8 septembre et 12 octobre 2020, a des experts. Ceux-ci ont du répondre à diverses questions telles que "Quel est le coût approximatif de la reconstruction d’écoles, d’hôpitaux et d’habitations individuelles tels que ceux qui ont été
détruits dans le district de l’Ituri et à Kisangani?" ou " quelle a été la quantité approximative de ressources natuelles, telles que l’or, les diamants, le coltan et le bois, pillées et
exploitées par les forces armées ougandaises en République démocratique du Congo, exception faite du district de l’Ituri, et quelle valeur doit-on leur attribuer?"

Experts dont le travail a été (et seront probablement encore) âprement discutés : En effet au paragraphe 162 de l'arrêt, la Cour dit que "Ni les documents présentés par la RDC, ni les rapports soumis par les experts désignés
par la Cour ou élaborés par des organismes de l’ONU n’apportent d’éléments suffisants pour
déterminer de manière précise ou même approximative le nombre de morts de civils à raison
desquelles l’Ouganda doit réparation"

De plus, la Cour relève, à divers stades, que la RDC succombe dans la production de certaines preuves (§192, §205 inter alia...).

Enfin, on peut s'inquiéter du versement effectif et de la ventilation des réparations non seulement de la part des autorités ougandaises envers la RDC mais aussi de la part de la RDC envers les victimes de ces conflits.

La RDC se situe en effet , selon Transparency International, à la 169 ème place (sur 180) du "Corruption Perception Index" établi par cette ONG en 2021 (https://www.transparency.org/en/cpi/2021/index/cod) . Les victimes verront elles la couleur de cet argent?


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A propos de l'auteur
Blog de Edmond MBOKOLO ELIMA

MBOKOLO ELIMA Edmond, Magistrat, Officier du Ministère Public et Substitut du Procureur de la République

Ancien avocat au Barreau de l'Équateur, Enseignant à la Faculté de Droit de l'Université de Mbandaka et Apprenant en D. E. S à la Faculté de droit de l'Université de Kisangani et Chercheur en droit à l'Université de Kinshasa. 

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