LA GESTION DE REGISTRE DU COMMERCE ET DU CREDIT MOBILIER (RCCM) INSTITUE PAR LE DOIT DE L’OHADA : QUEL GREFFE COMPETENT EN RDC?
Par
Maitre Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau de l’Equateur
Assistant à la Faculté de Droit /Université de Mbandaka
Un communiqué officiel à l’attention des Commerçants Nationaux et Etrangers exploitant les activités commerciales dans la Province de l’Equateur en général, n’aya pas obtenu le Nouveau Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) en sigle), chacun en ce qui le concerne de passer volontairement au Greffe du commerce situé à la Cour d’Appel de l’Equateur /Mbandaka au Palais de Justice de faire immatriculer à partir de ce 02 avril 2020.
Ce communiqué rappelle qu’il y a inscription principale pour celui qui n’a pas ce nouveau Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, l’inscription complémentaire, pour tous commerçant ayant le RCCM en simple papier de passer au Greffe de commerce pour échanger ce papier avec le cartonné, dans un délai de 14 jours, c’est-à-dire du 03 au 18 avril 2020, du 20 avril, à l’issue de ça, une équipe des Greffiers chargés de contrôle sera mise sur terrain pour le contrôle de chaque Etablissement et les récalcitrants payeront une amende de 1.500$ prévu par l’arrêté ministériel n°098/CAB/ME/MIN/J&GS/2017 du 31 octobre signé par le Ministre de la Justice conjointement avec lui des finances.
Tel est l’économie du communiqué du Greffier Principal de la Cour d’Appel de l’Equateur.
Une minute après l’affichage dudit communiqué, les voix s’élèvent par-ci par-là relativement à la gestion du RCCM en RDC. Les acteurs judiciaires et juridiques ainsi que les commerçants de la Province de l’Equateur se posent mille et une questions de savoir le greffe compétent pour gérer le RCCM. Leur interrogation consiste à savoir s’il s’agit du Greffier Principal de la Cour d’Appel ou du Greffier Divisionnaire du Tribunal de Commerce et/ou du Tribunal de Grande Instance.
Sans pour autant s’imbiber dans une polémique professionnelle, la présente contribution consiste à faire une étude juridique afin de déterminer le Greffe de la juridiction compétente ayant la charge de gérer localement le RCCM conformément au Droit de l’OHADA et au droit national de la RDC.
Raison pour laquelle, pour asseoir son raisonnement cohérent, la présente étude a le loisir de définir le RCCM (I), puis analyser brièvement ses missions (II) avant de se focaliser sur l’autorité compétente pour sa gestion (III).
I. LE RCCM, QUID ?
Le RCCM est subdivisé en deux concepts, à savoir le Registre de Commerce et le Registre de Crédit Mobilier.
Le Registre de Commerce est un ensemble de dossiers individuels assortis de fichiers récapitulatifs qui configurent la vie des commerçants (personnes physiques ou morales). Il a pour objet de recevoir l’immatriculation des personnes physiques commerçantes, les sociétés commerciales et autres personnes morales assujetties; les inscriptions, modifications et radiation subies par ces personnes depuis leur immatriculation dans leur état et leur capacité.
Le registre du crédit mobilier a pour objet de recevoir l’inscription des sûretés mobilières telles que les nantissements, les privilèges mobiliers, la clause de réserve de propriété, le contrat de crédit-bail, etc.
Le RCCM est organisé par les dispositions des articles 36 à 43 de l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général. Il est tenu au niveau de trois échelons (Art.36 AUDCG):
- Le registre local : au niveau du greffe de chaque tribunal compétent dans tous les Etas parties;
- Le registre national : il est tenu au niveau national (chaque Etat partie en détermine le lieu et vise à centraliser tous les renseignements consignés dans les registres tenus aux greffes) ;
- Le registre régional : il est tenu au greffe de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage à Abidjan et centralise les renseignements consignés dans chaque fichier national sur l’ensemble des opérateurs économiques exerçant dans l’espace OHADA.
II. MISSIONS DU RCCM
Le RCCM a plusieurs missions lui assignées par l’acte uniforme, notamment :
1. De recevoir les demandes d’immatriculation, notamment des personnes physiques ayant la qualité de commerçant au sens du présent Acte uniforme, des sociétés commerciales, des sociétés civiles par leur forme et commerciales par leur objet et des groupements d’intérêt économique ;
2. De recevoir la déclaration d’activité de l’entreprenant ;
3. De recevoir le dépôt des actes et pièces et mentionner les informations
4. de recevoir les demandes de mention modificative, complémentaire et secondaire;
5. De recevoir les demandes de radiation des mentions y effectuées ;
6. De recevoir toutes les demandes d’inscription des sûretés ;
7. De recevoir toutes les demandes d’inscription modificative ou de renouvellement d’inscription ;
8. De recevoir toutes les demandes de radiation des inscriptions prévues par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés et par toute autre disposition légale ;
9. De délivrer, à toute époque, les documents nécessaires
10. De mettre à la disposition du public les informations figurant dans les formulaires prévus aux articles 39 et 40 de l’AUDCG.
III. AUTORITE CHARGEE DE LA TENUE DU RCCM
Comme nous l’avons souligné précédemment, le contexte de la présente étude s’inscrit exclusivement sur la gestion du RCCM au niveau local et non aux niveaux National et Régional.
A. Que dit l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général ?
Aux termes de l’article 36 de cet Acte Uniforme, « le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier est tenu par le GREFFE DE LA JURIDICTION COMPETENTE ou l’organe compétent dans l’Etat Partie sous la SURVEILLANCE DU PRESIDENT DE LADITE JURIDICTION ou du juge délégué par lui à cet effet ou de l’autorité compétente dans l’Etat Partie ».
L’immatriculation, les modifications complémentaires, l’inscription secondaire, l’inscription des suretés, le dépôt des actes des sociétés, etc… doivent se faire au greffe de la juridiction compétente.
L’article 44 de l’acte uniforme sous examen précise que « toute personne physique dont l'immatriculation est requise par la loi doit, dans le premier mois de l'exercice de son activité, demandé au greffe de la juridiction compétente ou à l’organe compétent dans l’Etat Partie, dans le ressort de laquelle son activité se déroule, son immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ».
Il en est de même de l’article 46 dudit acte uniforme qui prescrit que « les personnes morales soumises par des dispositions légales à l'immatriculation doivent demander leur immatriculation dans le mois de leur constitution, auprès du greffe de la juridiction compétente ou de l’organe compétent dans l’Etat Partie dans le ressort duquel est situé leur siège social ou leur principal établissement ».
Aussi, l’article 62 dispose que « l’entreprenant déclare son activité avec le formulaire prévu à l'article 39 ci-dessus, sans frais, au greffe de la juridiction compétente ou à l’organe compétent dans l’Etat Partie, dans le ressort duquel il exerce ».
B. Quel est alors le Greffe de la juridiction compétente en RDC conforment à l’article 36 de l’Acte Uniforme sous revue ?
La lecture minutieuse de l’article 36 de l’acte uniforme démontre sans équivoque que, le droit de l’OHADA n’a pas résolu cette question, voilà pour il se réfère au greffe de la juridiction compétente de chaque Etat parti de l’OHADA conformément à leurs législations nationales...Au Cameroun par exemple, c’est le Tribunal de Premier Instance (TPI) qui est chargé de la gestion du RCMM.
En droit congolais (RDC), la question de la gestion de Registre du Commerce était gérée par le décret du 06 mars 1951 instituant le Registre du Commerce. L’article 1èr de ce décret prévoit que « il est tenu au greffe de chaque tribunal de première instance un registre du commerce. LE GREFFIER DU TRIBUNAL EST CHARGE DE TENIR CE REGISTRE ».
Ce décret est complété par l’ordonnance n°41-161 du 15 juin 1951 relative aux mesures d’application du décret instituant le Registre du Commerce qui prescrit en son article 2 que « il est tenu dans chaque Greffe du Tribunal de première instance un registre des demandes d’immatriculation et d’inscription ».
Ces deux textes juridiques étant ambigus car faisant à l’allusion au Tribunal de premier instance, l’ordonnance n°79-025 du 07 février 1979 relative à l’ouverture d’un nouveau registre du commerce et modifiant et complétant l’ordonnance n°41-161 du 15 juin 1951 relative au registre du commerce est apparu pour déterminer réellement le greffe compétent. En son article 3 alinéa 1èr, la présente ordonnance dispose que « les immatriculations au nouveau registre du commerce devront se faire exclusivement au GREFFE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE dans le ressort duquel se trouve le siège social de la société commerciale ou le principal établissement de la personne physique exerçant la profession de commerçant ».
En effet, depuis longtemps en droit congolais, seules les juridictions de droit commun (TRIPAIX et TGI) étaient compétentes pour connaitre les affaires commerciales dans une chambre siégeant en matière commerciale au premier degré.
De ce fait, il a fallu instituer une juridiction spécialisée en matière commerciale, d’où l’avènement de la loi n° 002/2001 du 03 juillet 2001 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce. Après sa publication, quelques tribunaux de commerce furent installés, notamment à Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, etc….mais non installés dans certaines villes dont seuls les TGI existent jusqu’à ce jour.
Tenant compte de la non installation des Tribunaux du commerce et aux termes de l’article 44 de la loi sus-citée « jusqu'à l'installation effective des Tribunaux de Commerce, leur compétence sera exercée par les TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE ».
Cette disposition spéciale est renchérie par l’article 151 de la loi-organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire qui prévoit que « là où ne sont pas encore installés les tribunaux de paix, les tribunaux de commerce et les tribunaux du travail, LES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE sont compétents pour connaître en premier ressort des matières qui relèvent normalement de la compétence de ces juridictions.
Attendu que, le RCCM relève du domaine du droit commercial ou droit des affaires, ce sont le Greffier Divisionnaires des Tribunaux de Commerce là où ils sont installés ou des Tribunaux de Grande Instance là où leur installation fait défaut, qui sont compétents pour gérer le gérer sous les barbes des Présidents de ces juridictions.
Dans la Province de l’Equateur, le Tribunal du Commerce n’est pas installé jusqu’à lors, c’est le Tribunal de Grande Instance qui tranche toutes les questions relevant du droit de l’OHADA, notamment les litiges et certaines mesures. C’est ici que, le Greffier Divisionnaire du Tribunal de Grande Instance qui assure, sous la supervision du Présidents, la Gestion du RCCM (archivages, immatriculations et inscription).
Dans aucun pays membres de l’OHADA (parmi les 17), particulièrement en RDC, on va trouver que le Greffe du Commerce est géré par le Greffier Principal de la Cour d’Appel.
Que dire d’immatriculations et inscriptions faites au Greffe de la Cour d’appel? Sont-elles valides au regard du droit de l’OHADA ?
Au regard de l’analyse faite ci-haut, il convient de souligner sans ambages que, toutes les immatriculations, inscriptions complémentaires, secondaires, des suretés mobilière ou dépôt des actes de sociétés faits au Greffe de la Cour d’Appel sont nuls et nul effet…Par voie de conséquence, ils ne peuvent produire les effets juridiques dans l’Espace OHADA.