LA JOURNEE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES EN AFRIQUE : INTERPELLATION DES FEMMES CONGOLAISES A RECLAMER LEURS DROITS ET NON LES PAGNES OU FETES
Par
Maitre Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau près la Cour d’Appel de l’Equateur
Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka
RDC
Comme d’accoutumée, le 08 mars de chaque année est dédiée pour la célébration de la Journée internationale des femmes, mieux appelée Journée internationale des droits des femmes. C'est une journée internationale mettant en avant la lutte pour les droits des femmes et notamment pour la réduction des inégalités par rapport aux hommes.
A l’occasion de la célébration du 08 mars 2020, la directrice exécutive de l'ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Ngcuka, souligne que 2020 est l'année pour l'égalité des sexes et réclame détruire les obstacles persistants à l'égalité des sexes avec comme thème « je suis de la génération égalité : pour les droits des femmes et un futur égalitaire ». Il s’agit d’une campagne qui rassemble des personnes de tous sexes, âges, ethnicités, races, religions et pays, afin qu’elles prennent des actions qui feront advenir un monde dans lequel règne l’égalité des sexes que toutes les personnes méritent.
En d’autres mots, nous voulons nous mobiliser afin de mettre fin à la violence basée sur le genre ; promouvoir la justice économique et des droits pour toutes et tous ; de l’autonomie corporelle et de la santé sexuelle et reproductive et des droits ; et de l’action féministe pour la justice climatique.
Par ailleurs, la pratique congolaise nous enseigne le contraire du fait que, cette journée si importante a imposé une très mauvaise conception dans le chef des femmes congolaise ne sachant pas sa portée….croyant que, la journée est le même propice pour démontrer aux hommes qu’elles portent le sexe féminin par l’habillent en pagne….
En clair, cette situation nous intéresse, dans la mesure où la présente réflexion se dote comme objectif d’élucider dans les esprits des femmes congolaises, la vraie conception de la journée dédiée à la femme, et leur permettre de s’améliorer dans les célébrations ultérieures.
Pour y parvenir, il est loisible dans un premier temps de donner l’origine de cette journée, étayer les différents textes juridiques qui sont au centre des droits des femmes et dans un deuxième temps, d’énumérer les différents droits que les femmes doivent réclamer chaque 08 mars.
I. ORIGINE DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DES DROITS DE LA FEMME
La journée internationale des droits des femmes est issue de l'histoire des luttes féministes menées sur les continents Européen et Américain.
Le 28 février 1909, une « journée nationale de la femme » fut célébrée aux États-Unis à l'appel du Parti socialiste d'Amérique.
À la suite d'une proposition de Clara Zetkin en août 1910, l'Internationale socialiste des femmes célèbre le 19 mars 1911 la première journée internationale des femmes et revendique le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail.
Il faut souligner ici que, c’est en Russie soviétique qui est le premier pays à l'officialiser en 1921 en faisant un jour férié mais non chômé jusqu'en 1965.
L’histoire nous enseigne que, c’est en 1977 que les Nations-unies officialisent la journée, invitant tous les pays de la planète à célébrer une journée en faveur des droits des femmes. Il s’agit d’une des 87 journées internationales reconnues ou introduites par l'ONU.
II. NOMENCLATURES DES TEXTES JURIDIQUES RECONNAISSANT LES DROITS AUX FEMMES
Après les luttes féministes pour mettre fin à la discrimination faite aux femmes en tant qu’être humain, une série des textes juridiques tant internationaux (régulièrement ratifiés par la RDC) que nationaux furent mis sur pied dans le but de déterminer et promouvoir les droits des femmes. Ces textes juridiques reconnaissent les droits aux femmes au même titre que les hommes. Il s’agit de :
1. La déclaration universelle des droits de l'homme : adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à Paris au Palais de Chaillot par la résolution 217 (III) A4. Elle précise les droits fondamentaux de l'homme.
2. La convention relative aux droits de l'enfant : un traité international adopté par l’Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies, le 20 novembre 1989 dans le but de reconnaître et protéger les droits spécifiques des enfants. Élargissant aux enfants le concept de droits de l'homme tel que prévu par la Déclaration universelle des droits de l'homme, elle introduit le concept d'intérêt supérieur de l'enfant.
3. Le pacte international relatif aux droits civil et politiques : adopté à New York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée Générale des Nations-Unies dans sa résolution 2200 A (XXI) (avec deux protocoles du 16 décembre 1966 et 15 décembre 1989).
4. Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : adopté le 16 décembre 1966 par l’Assemblée Générale des Nations-Unies sans sa résolution 2200 A (XXI), entré en vigueur le 03 janvier 1976.
5. La convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes : adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations unies. Elle est entrée en vigueur le 3 septembre 1981
6. Le protocole a la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (autrement appelé Protocole de Maputo) : adopté le 01 juillet 2003 et entré en vigueur le 25 novembre 2005.
7. Le protocole d’accord de la SADC (communauté de développement d’Afrique australe) sur le genre et le développement : adopté en 2013
8. La résolution 1325 (2000) : une résolution onusienne, adoptée à l’unanimité le 31 octobre 2000 par le Conseil de sécurité des Nations unies dans sa 4213e séance, qui concerne le droit des femmes, la paix et la sécurité.
9. constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011
10. loi n° 15/013 du 1eraout 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité
11. loi n°87-010 du 1er aout 1987 portant code de la famille telle que modifiée par la loi n°16/008 du 15 juillet 2016
III. LES DROITS RECONNUS AUX FEMMES
Les droits des femmes sont reconnus pour assurer le principe de l’égalité, équité et de la parité homme-femme. L’égalité est le fait d’être égal en termes de droits et de devoirs, de traitement, de quantité ou de valeurs, d’accès aux possibilités et aux résultats, y compris aux ressources.
L’équité par contre est le sentiment de justice naturelle fondée sur la reconnaissance des droits de chacun.
Tandis que, la parité homme-femme est l’égalité fonctionnelle qui consiste en la représentation égale entre les hommes et les femmes dans l’accès aux instances de prise de décision à tous les niveaux et dans tous les domaines de la vie nationale, sans discrimination ; outre le principe du nombre, elle indique aussi les conditions, les positions et les placements.
Dans les lignent qui suivent, nous allons énumérer d’une manière non exhaustive, les droits que les textes juridiques ci-haut cités reconnaissent à la femme, à savoir :
1. L’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits (domaines civil, politique, économique, social et culturel…).
2. L’homme et la femme jouissent de façon égale de tous les droits politiques.
3. La femme est représentée d’une manière équitable dans toutes les fonctions nominatives et électives au sein des institutions nationales, provinciales et locales, en cela y compris les institutions d’appui à la démocratie, le conseil économique et social ainsi que les établissements publics et paraétatiques à tous les niveaux.
4. Les partis politiques tiennent compte de la parité homme-femme lors de l’établissement des listes électorales.
5. La participation de la femme dans le domaine économique. Le secteur privé promeut, en son sein, la participation de la femme aux instances de prise de décision.
6. L’Etat garantit le droit de la femme à l’initiative privée.
7. L’Etat prend des mesures pour éliminer toute pratique néfaste aux droits de la femme en matière d’accès à la propriété, à la gestion, à l’administration, à la jouissance et à la disposition des biens.
8. L’homme et la femme ont droit à l’égalité de chances ainsi qu’à l’accès à l’éducation et à la formation.
9. L’homme et la femme sont partenaires égaux dans la santé de la reproduction.
10. Ils choisissent de commun accord une méthode de planification familiale qui tienne compte de leurs santés respectives.
11. L’Etat garantit à la femme, pendant la grossesse, à l’accouchement et après l’accouchement, des services de soins de santé appropriés à coût réduit, à des distances raisonnables et, le cas échéant, à titre gratuit ainsi que des avantages socioprofessionnels acquis.
12. Dans la lutte contre les violences faites à la femme, l’Etat veille à la prise en charge médicale, psychologique et socioculturelle de la victime.
13. Sans préjudice des dispositions du Code de la famille, l’homme et la femme ont, dans leurs rapports familiaux et conjugaux, les mêmes droits et obligations.
14. Le droit de la femme au mariage et son plein épanouissement dans le foyer ne peuvent souffrir d’aucune entrave liée à la dot.
15. En cas de décès, il est interdit, sous peine de poursuites judiciaires, d’infliger au conjoint survivant des traitements inhumains, humiliants et dégradants.
16. Il est interdit de discriminer les travailleurs en raison du sexe, en se fondant notamment sur l’état-civil, la situation familiale ou s’agissant des femmes, sur leur état de grossesse.
17. Sans préjudice des dispositions légales en vigueur, l’interdiction de toute discrimination s’applique à toute pratique néfaste liée notamment à l’embauche, à l’attribution des tâches, aux conditions de travail, à la rémunération et autres avantages sociaux, à la promotion et à la résiliation du contrat de travail.
18. Toute femme a droit au respect de sa vie, de son intégrité physique et à la sécurité de sa personne. Toutes les formes d’exploitation, de punition et de traitement inhumain ou dégradant sont interdites.
19. L’Etat veille à la prise en charge judiciaire, à l’indemnisation ainsi qu’à la réinsertion socio- économique des victimes des violences basées sur le genre.
20. Les instances compétentes en la matière encouragent l’accès de la femme et assurent sa promotion au sein de la magistrature, des forces armées, de la police nationale et des services de sécurité, conformément à l’article 1er de la présente Loi.
30. Dans le mariage, c’est le mari qui est le chef mais les époux qui doivent s’accorder pour tous les actes juridiques dans lesquels ils s’obligent à une prestation qu’ils doivent effectuer.
31. Dans l’exercice d’une profession (libérale ou rémunérée), l’égalité est la clé de voûte.
IV. INTERPELLATION FAITE AUX FEMMES CONGOLAISES
Après avoir brossé brièvement la genèse de la journée internationale des droits de la femme, la nomenclature des textes prévoyant ces droits et leur nomenclature, il est temps d’interpeller les femmes congolais afin de saisir la quintessence de ladite journée.
Chères femmes, le 08 mars n’est pas une journée dédiée aux pagnes, à la boisson, à l’hôtel, au sexe ou à la femme…C’est une journée qui doit refléter la lutte qui a commencé en 1909, étant donné que, la femme était discriminée dans la société et n’avait pas jadis, les mêmes droits que l’homme.
Les droits qui vous sont reconnus, sont les droits humains reconnus aussi aux hommes…Les femmes sont compétentes de faire, de penser, travailler, éduquer. Comme les hommes.
Cette journée doit être célébrée en organisant les marches, les conférences, les ateliers et en faisant les plaidoyers auprès des instances étatiques afin de réclamer le respect et l’application de vos droits… Voilà le sens même de votre journée.
Ce n’est pas une journée de sexe, non…ce n’est pas une journée d’ivresse, non….c’est une journée de prise de conscience afin de militer pour l’égalité de genre.