LA MISE EN ACCUSATION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET LES MEMBRES DU GOUVERNEMENT : PARLEMENT OU PROCUREUR GENERAL
Par
Maitre Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau de l’Equateur
Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka
Analyste Juridique
(Ville de Mbandaka, Equateur-RDC)
L’l’affaire Vital Kamerhé crée un tollé au sujet de l’organe étatique habilité à mettre le Chef de l’Etat ainsi que les membres du Gouvernement en accusation. Cette question divise non seulement les juristes mais aussi, les hommes politiques (UDPS, UNC, MLC, PPRD, etc…).
D’entrée de jeu, le Président de la République ainsi que les Membres du Gouvernement jouissent des immunités des poursuites, dans le sens qu’aucune poursuite ne peut être engagée en leur encontre par le Ministère Public (Procureur Général près la Cour Constitutionnelle ou Cassation) sans que leur accusation ne soit valablement autorisée par les organes étatiques compétents.
Nous allons également passer en revue la mise en accusation des Gouverneurs, Vice-Gouverneurs des Provinces, Ministres Provinciaux et les Présidents des Assemblées Provinciales ainsi que certaines Hautes Autorités judiciaires du pays.
I. LA MISE EN ACCUSATION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET LE PREMIER MINISTRE
Deux organes étatiques peuvent déclencher la mise en accusation du Président de la République ainsi que le Premier Ministre, en l’occurrence du Parlement réunis en Congrès et le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle…S’agissant des poursuites engagées par ce dernier, il est contraint à l’obtention d’une autorisation préalable de mise en accusation auprès du Parlement et ne peut pas de son propre gré comme soutiennent certains juristes qui défendent leurs partis politiques, poursuivre le Président de la République et le Premier Ministre.
1. Mise en accusation par le Parlement réunis en Congrès
Le Président de la République et le Premier Ministre peuvent d’abord être mis en accusation par le Parlement composant le Congrès lorsqu’ils se rendent coupable de la haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité (malversations, corruption et enrichissement illicite) ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
En d’autres termes, lorsque le Parlement constate que le Chef de l’Etat a affiché un comportement infractionnel qui porte inéluctablement atteinte à ses fonctions, l’article 166 de la Constitution de la RDC tranche en ces termes « la décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier Ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le congrès suivant la procédure prévue par le règlement intérieur ».
A ce titre, après avoir voté cette décision de mise en accusation (autorisation) par le Parlement, celui-ci met le Président ou le Premier Ministre à la disposition du Procureur Général près la Cour Constitutionnelle afin d’engager les poursuites conformément à la procédure pénale.
2. Mise en accusation par le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle
Aux termes de l’article 101 de loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle « si le Procureur Général estime devoir poursuivre le Président de la République ou le Premier Ministre, il adresse au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat une requête aux fins d’autorisation des poursuites. L’autorisation est donnée conformément aux dispositions de l’article 166 alinéa 1er de la Constitution.
Nul n’ignore que, la charge de tout Ministère Public est de rechercher les infractions aux dispositions légales et règlementaires. Il en est de même du Procureur Général près la Cour Constitutionnelle dont la mission consister à recherche les infractions commises par le Président de la République et le Premier Ministre dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
Il est chargé de recevoir les plaintes et dénonciations émanant auprès des citoyens mais aussi, auprès des Officiers de Police Judiciaire et les Officiers du Ministère Public autres que ceux près la Cour Constitutionnelle (article 104 de la loi organique n°13/026).
Une fois les infractions recherchées et s’il estime devoir poursuivre (engager les poursuites ou l’action publique) le Président de la République et le Premier Ministre, le Procureur Général doit obtenir préalablement et obligatoirement l’autorisation du Parlement conformément à l’article 166 alinéa 2 évoqué dans le point relatif au Parlement. C’est le vœu de l’article 102 alinéa 1 de la loi organique n°13/026 qui dispose que « si le Congrès autorise les poursuites, l’instruction préparatoire est menée par le Procureur Général ».
3. Autorisation préalable pour la mise en accusation du Président et Premier Ministre par le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle
L’article 166 alinéa 1èr de la Constitution et les articles 101 et 102 de la loi organique n°13/026 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle pose une condition sine qua non pour la mise en accusation du Chef de l’Etat et le Premier Ministre, celle relative à l’autorisation préalable. Le Procureur Général ne peut poursuivre ces autorités qu’après avoir obtenu l’autorisation du parlement (article 102 la loi organique n°13/026).
En conséquence, si le Parlement ne l’autorise pas, le Procureur Général ne peut poursuivre le Président de la République et le Premier Ministre. C’est la volonté suprême de la loi.
II. LA MISE EN ACCUSATION DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT : UNE AUTORISATION PREALABLE DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation des membres du Gouvernement, notamment les Vices Premiers Ministres, les Ministres ainsi que les Vice-Ministres, est votée à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée Nationale suivant la Procédure prévu par le Règlement intérieur (article 166 de la constitution alinéa 2), sauf en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, qui ne demandent pas une quelconque autorisation.
Selon l’article 80 alinéa 1èr de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de Cassation qui dispose que « sans préjudice de la procédure en matière d'infractions intentionnelles flagrantes, la décision de poursuite ainsi que la mise en accusation des membres du Gouvernement autres que le Premier Ministre sont votées à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée Nationale suivant la procédure prévue par son Règlement Intérieur ».
Jouissant des immunités des poursuites, les membres du Gouvernement (les Ministres) ne peuvent être poursuivis devant la Cour de Cassation qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale. Le Procureur Général près cette juridiction ne peut pas à lui-même, engager les poursuites contre un Ministre sans qu’il ait l’autorisation qui sera donnée après le vote par la majorité absolue des membres composant la chambre basse du parlement, sauf pour une infraction flagrante (une infraction qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre).
Aussi, si un Officier de Police Judiciaire ou un Officier du Ministère Public reçoit une plainte, une dénonciation ou constate l'existence d'une infraction à charge d'une personne qui, au moment de la plainte ou de la dénonciation, est membre du Gouvernement, il transmet son procès-verbal, toutes affaires cessantes, au Procureur Général près la Cour de Cassation et s'abstient de tout autre devoir. Il en avise ses chefs hiérarchiques de l'ordre judiciaire (Article 82 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013).
III : LA MISE EN ACCUSATION DES PERSONNES VISÉES PAR L'ARTICLE 153, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION AUTRES QUE LES PARLEMENTAIRES ET LES MEMBRES DU GOUVERNEMENT
1. Les Hautes Autorités Judiciaires
Sans préjudice de la procédure en matière d'infractions intentionnelles flagrantes, les membres de la Cour Constitutionnelle et ceux du Parquet près cette Cour, les magistrats de la Cour de Cassation ainsi que ceux du Parquet près cette Cour, les membres du Conseil d'État et ceux du Parquet près ce Conseil, les Premiers Présidents des Cours d'Appel ainsi que les Procureurs généraux près ces Cours, les Premiers Présidents des Cours administratives d'Appel et les Procureurs Généraux près ces Cours ne peuvent être poursuivis que sur autorisation du Bureau du Conseil Supérieur de la Magistrature (article 85 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013).
2. Les membres de la Cour de compte
Sans préjudice de la procédure en matière d'infractions intentionnelles flagrantes, les membres de la Cour des Comptes et ceux du Parquet près cette Cour ne peuvent être poursuivis et mis en accusation que par l'Assemblée Nationale, statuant au scrutin secret et à la majorité absolue des suffrages exprimés et ce, à la requête du Procureur Général (article 86 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013).
3. Les Gouverneurs, Vice-Gouverneurs et Ministres Provinciaux
Les Gouverneurs des Provinces, les Vice-Gouverneurs et les Ministres Provinciaux sont justiciables de la Cour de cassation (Article 153 al. 3 point 9 de la Constitution et 26 de loi organique n°08/012 du 31 juillet portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces).
En effet, sans préjudice de la procédure en matière d'infractions intentionnelles flagrantes, les Gouverneurs, les Vice-Gouverneurs des Provinces et les Ministres provinciaux ne peuvent être poursuivis et mis en accusation que par l'Assemblée Provinciale, statuant au scrutin secret et à la majorité absolue des membres qui la composent (article 87 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013).
4. Les Présidents des Assemblées Provinciales
Le Président de l’Assemblée Provinciale est justiciable de la Cour de cassation (Articles 153 al. 3 point 10 de la Constitution et 10 al.2 de loi organique n°08/012 du 31 juillet portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des Provinces).
Le Président de l'Assemblée Provinciale ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Il ne peut, en cours des sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de l'Assemblée Provinciale. En dehors des sessions, il ne peut être arrêté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'Assemblée Provinciale, sauf en cas de flagrant délit, des poursuites autorisées ou de condamnation administrative. La détention ou la poursuite du Président de l'Assemblée Provinciale est suspendue si l'Assemblée Provinciale le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours (article 88 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013).
Après lecture, veuillez partager ou transférer à d’autres lecteurs.
Maître Edmond MBOKOLO ELIMA
WhatsApp: +243822522855