Par :
Maitre Edmond MBOKOLO ELIMA
Avocat au Barreau près la Cour d’Appel de Mbandaka
Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Mbandaka
I. LIMINAIRE
Chaque être humain dès son existence, a droit d’être reconnu par ses père et mère ainsi que leur famille respective. Reconnaitre un descendant (enfants), revient à signifier procéder à sa filiation. Par définition, la filiation est le lien qui unit l’enfant à ses parents. L’on distingue la filiation maternelle (lien unissant l’enfant à la mère) et la filiation paternelle (lien unissant l’enfant à son père). Mais alors, il convient d’élucider ici que, lorsqu’un enfant est conçu hors du toit conjugale, l’on parle de la filiation. Tandis que, l’affiliation est la reconnaissance d’un enfant conçu hors du mariage.
Aux termes de l’article 591 du code de la famille « tout enfant doit avoir un père ». Ce qui revient à dire que nul n’a le droit d’ignorer son enfant qu’il soit né dans le mariage ou hors mariage. La discrimination traditionnelle a été abolie par le code de la famille.
En effet, avant l’avènement du code de la famille, l’on distinguait la filiation légitime (établissant l’état des enfants nés des parents mariés) de la filiation naturelle ou illégitime (établissant l’état des enfants nés des parents non mariés ou dont l’un des géniteurs est non marié qui ne jouissait des mêmes droits que l’enfant légitime, et ce, tant qu’il n’était pas légitimé par le mariage subséquent de ses parents) et enfin la filiation adoptive(établissant l’état des enfants adoptés).
Le code de la famille a rejeté la distinction entre enfant légitime et illégitime et s’est simplement rabattu sur la filiation maternelle et celle paternelle.
Le Professeur Eddy MWANZO estime que, la filiation paternelle s’établit par la présomption légale en cas de mariage, soit par une déclaration de paternité, soit par une action de recherche de paternité, telle est l’esprit même du législateur.
La présente réflexion s’attarde autour de la reconnaissance des enfants par une déclaration de paternité ou par une action de recherche de paternité. A cet effet, la déclaration désormais obligatoire de paternité, appelée aussi affiliation, est la reconnaissance de l’enfant né hors mariage avec l’obligation faite au père de se faire aussi reconnaitre par la famille maternelle de l’enfant (Prof. Eddy MWANZO & Prof KIFWABALA).
La reconnaissance d’un enfant conçu hors du toit conjugal se fait devant l’officier de l’Etat civil dans un délai de 12 mois. Dépassé ce délai, elle doit se faire devant le juge pour enfant lorsqu’il s’agit d’un mineur ou devant le juge de paix pour les individus ayant atteint l’âge de la majorité civile. Tout père peut reconnaitre son enfant dès sa naissance, après la naissance ou encore après le décès de ce dernier (articles 614, 615 code de la famille).
Pour ainsi dire que, les dispositions du code de la famille relatives à la reconnaissance des enfants, s’appliquent impérativement à tout le monde, c’est-à-dire les droits prévus par le code de la famille sont, sous réserve de la réciprocité en ce qui concerne les étrangers, reconnus à tous les enfants vivant sur le territoire congolais sans exception aucune.
II. POSITION DU PROBLEME
En droit canonique, la règle absolue et spectaculaire des ecclésiastiques est le célibat sacerdotal, nous rappelle Henri TINCQ, journaliste et spécialiste des questions religieuses à la Croix et au Monde (sic).
Pape BENOIX XVI abonde qu’il s’agit du dévouement qui conforme le prêtre au Christ et l’offrande exclusive de lui-même pour le règne de Dieu trouvent une expression particulière. Le fait que le Christ lui-même, prêtre pour l’éternité, ait vécu sa mission jusqu’au sacrifice de la croix dans l’état de virginité constitue le point de référence sûr pour recueillir le sens de la tradition de l’Eglise latine sur cette question. Il n’est donc pas suffisant de comprendre le célibat sacerdotal en terme purement fonctionnels. En réalité, il est une conformation particulière au style de vie du Christ lui-même (sic).
En effet, le code de droit canonique de 1983 précise dans Canon 277 §1 que « les clercs sont tenus par l’obligation de garder la continence parfaite et perpétuelle à cause du Royaume des cieux, et sont donc astreints au célibat, don particulier de Dieu par lequel les ministres sacrés peuvent s’unir plus facilement au Christ avec un cœur sans partage et s’adonner plus librement au service de Dieu et des hommes.
Ce qui signifie à vrai dire que, aujourd’hui, les prêtres catholiques de rite romain, le jour de leur ordination, font promesse de célibat et d’obéissance à leur évêques, tandis que les moines suivent les trois conseils évangélique en faisant vœu d’obéissance, de pauvreté et de chasteté. Cependant, ce serait une erreur grossière d’opposer en quelque sorte l’obligation de célibat et le vœu de chasteté. Un célibat qui ne serait pas chaste n’aurait aucun intérêt spirituel, ce serait une incitation à des fautes graves, et ce serait un scandale et un sacrilège.
Canon 277 §2 poursuit que « les clercs se conduiront avec la prudence voulue dans leurs rapports avec les personnes qui pourraient mettre en danger leur devoir de garder la continence ou causer du scandale chez les fidèles ».
Or, la RDC est un pays laïc conformément à l’article 1èr de la constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour. Littéralement, un laïc, est celui qui ne relève pas du religieux ou des avis privés, notamment dans une société chrétienne. Il se diffère du laïc de l’Eglise catholique, qui désigne les personnes qui, tout en appartenant au sacerdoce commun des fidèles, n’ont pas la responsabilité du sacerdoce ministériel. La laïcité de notre pays signifie, la séparation des Eglises et de l’Etat, où la RDC n’autorise plus aucune influence du religieux sur ses institutions comme l’école publique.
Eu égard à loi de la séparation des Eglises et de l’Etat, nous ne tardons de confirmer que, en droit congolais comme moult législations au monde, il n’existe aucune restriction pour les ecclésiastiques (prêtres) d’avoir des enfants moins encore de se marier.
Raison pour laquelle, depuis un certain temps (août 2009), une mesure est à l'étude au Vatican visant à la reconnaissance des enfants naturels de prêtres, ce qui constitue la levée du tabou des prêtres pères de famille, écrit HENRI TINCQ.
Concrètement, le prêtre serait invité à reconnaître devant les tribunaux civils sa paternité (ses enfants). Il demanderait que soient garantis les droits de son enfant et de la mère, y compris ceux liés à la succession et au bénéfice d'un héritage. L'enfant pourrait même être autorisé à porter le nom de famille de son père prêtre. Cette évolution est proche de celle constatée dans le droit civil congolais où des enfants illégitimes peuvent désormais prétendre à des parts d'héritage.
Cette information a été jugée «sans fondement» par le porte-parole du Vatican. En réalité, la mesure est bien à l'étude. Elle constituerait un pas en avant dans la transparence. Mais, avant de trancher, l'Eglise veut être assurée de ne pas y perdre. Elle entend protéger ses avoirs dans les questions de succession, autrement dit mettre en place des mécanismes distinguant les biens personnels du prêtre de ceux qui sont liés à sa fonction et qui, pour l'autorité vaticane, doit rester bien d'Eglise.
Cette question ne touche pas le mariage des ecclésiastiques, car en droit congolais tous les enfants avons-nous dit, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage ont droit d’être reconnu. Plus loin encore, l’article 758 du code de la famille prévoit comme héritiers (dans la succession) de la première catégorie, les enfants du de cujus (personne décédée) nés dans le mariage et ceux nés hors mariage mais affiliés de son vivant ainsi que les enfants adoptifs.
Les enfants des prêtres (nés hors mariage) doivent être déclarés à l’Etat civil par leurs pères (la filiation naturelle). Voire même les prêtres peuvent recourir à la filiation adoptive. L’article 16 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant en son article 16 prévoit que « tout enfant a le droit d’être enregistré à l’état civil dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent sa naissance, conformément à la loi ».
L’article 114 du code de la famille punies d’une amende de 10.00 à 50.00 FC les personnes qui, obligées de faire des déclarations de naissance ou de décès, ne l’auront pas fait dans le délai légale……
En outre, l’article 47 de la loi précitée prescrit que : l’enfant a droit d’avoir et de connaître ses père et mère et d’être élevé dans la mesure du possible par eux. Nul n’a le droit d’ignorer son enfant, qu’il soit né dans ou hors mariage. L’intérêt supérieur de l’enfant prévaut dans l’établissement et les contestations relatives à sa filiation. La filiation est régie par les dispositions de la loi.
En se référant au principe constitutionnel de la laïcité de l’Etat congolais, le droit canonique est de nul et de nul effet s’agissant de la reconnaissance des enfants issus des prêtres. Car, le droit canonique n’est autre que l’ensemble des lois et des règlements adoptés ou acceptés par les autorités catholiques pour le gouvernement de l’église et de ses fidèles. Il fixe selon Mgr Joseph de METZ-NOBLAT (France), les droits et les obligations de tous les fidèles, l’organisation du gouvernement de l’Eglise à tous les niveaux, ainsi que celle de la justice (à l’église).
Donc, le droit canonique n’est autre qu’une organisation au sein de la communauté catholique (pour les fidèles) et ne peut s’imposer devant une législation d’un Etat.
Donc, les ecclésiastiques (prêtres) ont le plein droit, de faire une déclaration de paternité devant l’officier de l’Etat civil de tous leurs enfants pour ainsi assurer une vie meilleure de ces derniers, aussi, pour leur garantir un droit à l’héritage après leur mort (pour leurs biens et non ceux de la communauté catholique).
En droit de congolais, un enfant non reconnu par le prêtre, a le plein droit, lui et/ou sa mère d’initier une action en recherche de paternité devant le tribunal pour enfant (pour une personne mineure) et devant le tribunal de paix (pour une personne de plus de 18 ans révolus), avec comme finalité, de déterminer le père de l’enfant, ce qui permet de rattraper les ecclésiastiques.
III. EPILOGUE
La reconnaissance des enfants des prêtres est une problématique créée par le droit canonique préconisant la chasteté ou le célibat perpétuel qui exclut l’idée du mariage et de la conception des enfants, qui du reste, est contraire au code de la famille congolais, partant, est nul et de nul effet.
Donc, les ecclésiastiques ont plein droit, de déclarer ou affilier leurs enfants devant l’officier de l’Etat civil du lieu de la naissance de l’enfant, non seulement pour assurer à ce dernier ses droits naturels mais aussi, leur garantir les droits à l’héritage.