Peut-on être propriétaire d'une parcelle en droit immobilier et foncier congolais ?
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I. Prélude
Dans la vie courante comme dans le monde judiciaire, les personnes, physiques ou morales détentrices des contrats de location signés avec la RDC par le biais de son préposé, le Conservateur des titres immobiliers, voire même celles détenant des certificats d'enregistrement délivrés par celui-ci, semblent abusivement et/ou sociologiquement se considérer en qualité des propriétaires des terrains (parcelles) concédés par l'Etat au mépris manifeste de la loi en la matière.
C'est dans cette perspective que la présente réflexion se promet de donner des réponses idoines à l'épineuse question soulevée.
II. Propriété des parcelles ou terrains
Il faut entendre par parcelle, une superficie de terrain ayant une unité de propriété. C'est une portion de terre. Un terrain est une parcelle de sol possédant une forme et des dimensions précises. Le sol est la surface de terre, partie superficielle de la croître terrestre à l'état naturel.
La propriété est définie aux termes de l'article 14 de la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée à ce jour, comme étant le droit de disposer d'une chose d'une manière absolue et exclusive sauf les restrictions qui résultent de la loi et des droits réels appartenant à autrui. Cette dernière a comme attributs : usus, fructus et abusus.
En foi à l'article 53 de la loi sus-vantée, le sol (terre) est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'État. Et l'article 9 al. 1 de la Constitution en vigueur renchérit que l'Etat exerce une souveraineté permanente, notamment sur les sols, sous-sols, les eaux et les forêts...
À l'examen de ces deux dispositions légales, il appert que l'Etat congolais est loin de reconnaitre aux particuliers, le droit de propriété d'une portion de son sol (parcelle, terre, terrain, fonds...) sur toute l'étendue du pays.
La Cour suprême de justice avait décidé en son temps que, le sol appartient au seul État Zaïrois (lire congolais) (CSJ, RC 373 du 25.03.1987).
Mais hélas, dans la gestion du patrimoine foncier de l'Etat qui comprend bien entendu un domaine public (les terres affectées à un usage ou à un service public), qui est hors commerce, sauf s'il est régulièrement désaffecté et un domaine privé.
C'est dans cette optique que, pour que les particuliers jouissent des terres du domaine privé, l'Etat ne peut pas les vendre (aliéner), peut a contrario, les concéder aux particuliers par contrats de concession perpétuelle, ordinaire ou une servitude foncière (lire l'article 57 de la loi précitée).
Suivant l'article 61 de la loi foncière, une concession est le contrat par lequel l'Etat reconnaît à une collectivité, à une personne physique ou à une personne morale de droit privé ou public, un droit de jouissance sur un fonds...
En scrutant bien cette disposition légale, l'Etat ne vend pas les terres mais les fait jouir aux personnes soit à terme (ordinaire) soit indéfiniment (perpétuel pour les personnes physiques de nationalité congolaise), de superficie, d'usufruit, usage, location...
C'est ainsi que, lorsque l'Etat concède une terre inculte, il signe un contrat de location avec la personne, qui est préparatoire à un contrat de concession ordinaire, perpétuel, de superficie, etc... Dans ce cas, le bénéficiaire est UN CONCESSIONNAIRE EN DEVENIR et non un propriété de la parcelle. Même au cas où, le terrain est mis en valeur (construction d'un immeuble),l'Etat va signer un contrat de concession ordinaire, perpétuel, d'emphytéose... suivi de l'établissement d'un titre de propriété de l'immeuble construit dans le terrain (le certificat d'enregistrement). Là, la personne devient concession de la parcelle ou propriétaire de l'immeuble et non propriétaire de la parcelle, qui est la propriété exclusive de l'Etat congolais.
D'ailleurs, l'article 219 de la foncière dit que le droit de jouissance (et non de propriété) d'un fonds n'est légalement établi que par un certificat d'enregistrement du titre concédé par l'Etat, et ce dernier, suivant l'article 227 fait pleine foi de la concession, des charges réelles, et éventuellement des droits de propriété qui y sont constatés.
Il a été jugé sur cette question qu'aux termes de l'article 53 de la loi foncière, le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l'État, un juge ne peut en reconnaître la propriété à une personne privée (CSJ, RC 1867, du 29.08.1996, jurisprudence citée par Kalombo Mbikayi, Code civil et commercial congolais, Kinshasa, 1997,p.179).
Dans le même sens, il a été savamment décidé qu'en court cassation partielle avec renvoi, un arrêt d'une Cour d'Appel qui reconnaît à un particulier le droit de propriété sur une parcelle de terre, étant donné que depuis l'entrée en vigueur de la loi foncière, la priorité du sol appartient exclusivement à l'Etat Zaïrois (lire congolais) (CSJ, RC 2819,23.06.1982, citée par Dibunda, Répertoire général de jurisprudence de la CSJ, p. 186).
III. Conclusion
Une personne physique ou morale ne peut être être propriété d'une parcelle mais de l'immeuble érigé dans la parcelle.
Une personne qui tente de se faire reconnaître une parcelle n'a pas qualité. Elle ne peut même pas le faire au nom de l'État (nul ne plaide par procureur). Elle est donc, propriété de l'immeuble (certificat d'enregistrement), concessionnaire en devenir (contrat de location) ou concessionnaire (contrat de concession ordinaire,perpétuel,tec..).
Aussi, le juge ne peut pas, au regard de la loi, ordonner le déguerpissement d'une personne sur une terre, fonds ou terrain (inculte, non construit, non habité n'étant pas un immeuble). Mais, peut plutôt ordonner la cessation de tout troubles de jouissance.
Par contre, l'expulsion (déguerpissement) ne peut être ordonnée que sur un immeuble (constructions).
Kisangani, le 16 mars 2025
Magistrat Edmond Mbokolo Elima
Substitut du Procureur de la République
Enseignant-Chercheur.