"Loi Tshiani, de père et de mère : une proposition des amateurs juridiques".
Une Tribune de Me Edmond Mbokolo Elima, Avocat| Barreau de l'Equateur.
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Sans pour autant se lancer dans les débats politiques, objet de l'initiative appelée "de père et de mère", "loi Tshiani", il est actuellement plus patent d'affirmer que les auteurs de cette proposition ne sont que des autodidactes juridiques pour des raisons plausibles développées dans les lignes qui suivent.
La loi n°04/024 du 12 novembre 2004, est une loi organique comme prévue au dernier alinéa de l'article 10 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour. De ce fait, elle ne peut aucunement être modifiée dans ses dispositions sensibles qui vont en guerre avec la Constitution étant donné qu'en droit congolais comme dans la majorité des systèmes juridiques mondiaux, toutes les lois doivent être conformes à la Constitution.
S'agissant spécialement de la proposition de la "loi Tshiani", appelée abusivement la "loi de père et de mère", il faut relever in specie casu que, l'article 72 point 1 de la Constitution dispose que "... _nul ne peut être candidat Président de la République s'il ne possède pas la nationalité congolaise d'origine"._ A en croire cet article, le Président de la République, doit posséder la congolité d'origine (càd par appartenance, par affiliation ou par présomption de la loi), selon la volonté du constituant de 2006. Dans le même ordre d'idées, en exploitant l'article 111 al. 2 de la même Constitution, le législateur prescrit que *"les Présidents de deux chambres doivent être de nationalité congolaise d'origine"* . Il s'agit ici des Présidents de l'Assemblée Nationale et du sénat.
En prenant juste ces deux cas (72 et 111 de la Constitution), on doit se rendre très rapidement compte que, la loi de 2004 sus-visée dépend intimement de la Constitution (étant une loi organique), et sa modification doit obligatoirement se conformer à cette Constitution.
A ce niveau, même un non juriste ou un bon législateur comprend que, pour modifier la loi sur la nationalité congolaise en insérant la nationalité d'origine de père et de mère, il faut d'abord commencer à modifier les dispositions constitutionnelles sus-indiquées.
En plus, les mêmes conditions prévues aux articles 72 et 111 sont contenues dans la loi électorale de 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour, ce qui va obligatoirement nécessiter aussi sa modification.
C'est dans cette optique que, cette aventure juridique a été tentée pour la première fois par le même Député national sous l'impulsion de Monsieur Tshiani, et avait carrément subi une sanction, celle du rejet par le Bureau pour la bonne raison qu'elle énerve les prescrits constitutionnels.
Toujours dans cet appétit politique, le même scénario réapparaît en 2023 par le même Député sponsorisé par le même Monsieur Tshiani, applaudi par les inconscients juridiques pour leurs intérêts égoïstes.
Heureusement que, le Président de la chambre basse du Parlement, Honorable Mboso, vient d'apporter des précisions de taille étant donné que cette proposition avait été initiée pour la première mais rejetée, et c'est le même sort qui, normalement doit réservée à cette énième initiative car la Constitution du pays continue à être énervée.
L'initiative peut ou ne pas être bonne mais le contexte legistique actuel est une insulte majeure contre le constituant de 2006.
A ce propos, nous aimerions avoir des journalistes, juristes, politiciens qui incarnent véritablement la volonté législative, afin de bien vouloir expliquer nettement aux congolais que, proposer une loi de père et de mère n'est pas du tout une mauvaise chose, mais hélas, cela nécessite la révision préalable de la Constitution car aucune loi ne peut être contraire à la loi fondamentale.
- Le populisme est un véritable fléau de la politique moderne.