En droit du crédit, « Le risque zéro n'existe pas !» Ainsi, « pour se protéger contre d'éventuels impayés, les créanciers n'hésitent pas à demander à leurs futurs débiteurs des garanties »[1]. c’est dans cette perspective qu’intervient le contrat de cautionnement défini à l’article 13 de L’AUS comme étant un contrat par lequel la caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même[2].
Ainsi défini, le contrat de cautionnement ne peut alors exister de manière autonome. On dit d’ailleurs en la matière qu’il est un « contrat accessoire ». Vient-il donc toujours se greffer sur une créance née d’une obligation principale d’où « accessorium sequitur principale » (l’accessoire suit le principal). Ce caractère exprime la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale et permet ainsi de mesurer dans un premier temps l’étendue de l’engagement de la caution et d’autre part il fournit un critère de distinction du cautionnement et des autres garanties.
Traditionnellement considéré comme étant l’essence du cautionnement[3], le caractère accessoire apparait aujourd’hui à en croire Dominique Legeais comme le « talon d’Achille de la garantie »[4] au regard de l’application de la dite règle de l’accessoire à l’épreuve des procédures collectives et plus récemment avec la jurisprudence qui semblent remettre de plus en plus remettre en cause ce caractère accessoire.
Qu’est ce alors la règle de l’accessoire en droit du cautionnement ? Comment s’exprime-t-elle ? Qu’elle est sa portée ? Est-elle une règle absolue ? Quels sont les tempéraments à ladite règle ?
Les réponses à ces multiples interrogations constitueront le nœud de toute notre réflexion qui sera présentée en deux axes : la règle de l’accessoire(I) et la remise en cause partielle de ladite règle(II).
I- La règle de l’accessoire ou le principe du caractère accessoire du cautionnement.
De portée considérable (B), la règle de l’accessoire est une règle bien affirmée tant par l’acte uniforme que par le code civil français (A).
A- L’affirmation du principe.
Le principe du caractère accessoire du cautionnement déduit des articles 13 de L’AUS et 2288 du code civil français se trouve être exprimé dès la formation(1) du cautionnement et ce, jusqu’à son extinction(2).
- Expression du principe à la formation
Pour ce qui est de la formation par exemple, l’article 2289, alinéa 1 dispose : « le cautionnement ne peut exister que sur un engagement valable ». C’est dire que son existence dépend de la validité de l’obligation principale, à défaut l’engagement de la caution sera nul car il n’aura plus d’objet. L’article 17 de l’AUS rappelle toutefois qu’il est « (…) possible de cautionner, en parfaite connaissance de cause, les engagements d’un incapable ». Cette solution tient en effet son fondement de la solidarité familiale, permettant à un créancier de faire supporter à une caution, généralement un proche du débiteur, les conséquences de l’incapacité de ce dernier. La caution s’engage personnellement, malgré la nullité de l’obligation garantie. Ceci dit, «la confirmation, par le débiteur, d’une obligation entachée de nullité relative, ne lie pas la caution, sauf renonciation expresse, par la caution, à cette nullité ».
L’article 2290 du code civil ajoute d’ailleurs dans le même ordre d’idée que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ». L’engagement de la caution est donc un décalque de l’engagement principal, car la caution s’engage bien logiquement pour une dette bien déterminée[5], celle du débiteur principal et ne saurait être tenue plus sévèrement c’est-à-dire à des conditions plus onéreuses[6].
2- Expression du caractère à l’extinction
Le caractère accessoire du cautionnement gouverne également ses effets. Suivant l’article 36 de l’AUS en effet, l'extinction totale ou partielle de l'obligation principale éteint l’engagement de la caution dans la même mesure. Cette extinction peut intervenir d’abord par le paiement de l'obligation principale. Le paiement fait doit pouvoir libérer effectivement et intégralement le débiteur. La caution ne peut valablement opposer cette exception au créancier que si et seulement si elle prouve que le paiement a été réellement effectué. Le paiement partiel ne libère pas la caution.
Cette extinction peut intervenir ensuite par divers autres modes d’extinction accessoire. Il s'agit des situations dans lesquelles l'obligation est éteinte alors que le créancier n'a pas reçu la prestation attendue du débiteur. L’article 29 pose en quelque sorte une règle générale en disposant que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette appartenant au débiteur principal et qui tendent à réduire, éteindre ou différer la dette. La dette du débiteur peut ainsi être éteinte en cas de remise de dette, de dation en paiement, de novation, de compensation, de confusion, de prescription ou encore de nullité ou résolution du contrat principal. Dans toutes ces hypothèses, la caution est libérée partiellement ou totalement.
B- La portée du principe
La règle de l’accessoire est d’une portée considérable aujourd’hui en droit positif. La jurisprudence retient aujourd’hui en effet une conception assez large de la notion d’exception inhérente à la dette permettant ainsi à la caution de se prévaloir de très nombreuses causes d’extinction de la garantie, trouvant leur source dans les rapports unissant le débiteur à son créancier. Ainsi par exemple, constitue une exception inhérente à la dette dont la caution peut bénéficier, la suspension des poursuites contre un rapatrié[7]. Aussi, le prononcé à l’encontre de la caution d’un jugement la condamnant à exécuter son engagement ne fait pas obstacle à ce qu’elle oppose au créancier l’extinction de sa créance pour une cause postérieure audit jugement, celui-ci serait-il passé en force de chose jugé[8].
De même, le caractère accessoire permet de distinguer le cautionnement d’opérations voisines telles que l’assurance crédit[9] ou les garanties indépendantes par lesquelles le garant prend un engagement direct à l’égard du créancier.
Quid des tempéraments ?
II- La remise en cause partielle du principe.
La règle de l’accessoire est de plus en plus fragilisée de nos jours soit par les règles relatives aux procédures collectives (A) soit plus récemment par la jurisprudence (B).
A- Tempéraments liés à la législation relative aux procédures collectives et/ou de surendettement.
Le principe du caractère accessoire est remis en cause notamment lorsque s’ouvre une procédure collective ou une procédure de surendettement[10]. La caution est alors parfois tenue plus sévèrement que le débiteur principal. Or, en vertu de la règle de l’accessoire, la caution est tenue de la même façon que le débiteur principal et qu’elle ne peut être engagée d’une obligation plus excessive.
En matière de règlement préventif par exemple, rappelons pour l’essentiel que la finalité de la procédure de prévention des difficultés est de permettre au débiteur de négocier avec ses créanciers, sous les auspices d’un expert désigné par le président de la juridiction compétente, les mesures et conditions de redressement adéquates et appropriées à la situation en cause. Dans cette perspective, les critères d’ouverture de la procédure et les conditions d’élaboration du concordat préventif aboutissent au prononcé de la suspension des poursuites individuelles contre le débiteur, à la réduction de créances et à des reports d’échéance.
Le contenu de la norme de l’accessoire attaché au cautionnement selon lequel l’engagement de la caution a vocation à suivre le sort de celui du débiteur principal est-il respecté ? Visiblement pas, le débiteur étant le seul à déclencher cette procédure[11], la caution est exclue de l’offre concordataire du débiteur soumise aux créanciers et ne bénéficie pas par la même occasion des mesures concordataires[12] qui en pourront en découler de la dite procédure alors même que l’article 29 de l’AUS affirmait que la caution pouvait soulever « toutes les exceptions inhérentes à la dette et qui appartiennent au débiteur principal »
Pour de plus amples informations lisez notre fiche de lecture sur la résolution et l’annulation du concordat préventifhttps://www.legavox.fr/blog/maitre-essie-de-kelle/droit-ohada-resolution-annulation-concordat-23032.htm
Voir egalement un article très riche en ce sens de Maître Joan DRAY https://legavox.fr/blog/maitre-joan-dray/caractere-accessoire-cautionnement-procedure-collective-11666.htm
B- Tempéraments liés à la jurisprudence.
Plusieurs solutions jurisprudentielles récentes sont de nature à mettre à mal le caractère accessoire du cautionnement prouvant ainsi que ce dernier n’a pas une valeur absolue. Sur ce, la caution ne peut opposer au créancier la nullité pour dol du contrat principal dont l’obligation est cautionnée. Il a aussi été admis que la caution pouvait être poursuivie par le créancier alors même que ce dernier avait renoncé aux poursuites contre le débiteur principal[13].
Dans le même ordre d’idée la chambre commerciale a considéré que la caution ne pouvait se prévaloir de la rupture de crédit consentie au débiteur principal[14]. Enfin, il est permis de citer la décision en vertu de laquelle la Cour de cassation a considéré que la caution ne pouvait se prévaloir du non respect de la procédure d’obtention d’une garantie envers un entrepreneur individuel prévue à l’article L.313-21 du C.mon. fin. Elle a considéré qu’il s’agissait là encore d’une exception purement personnelle au débiteur principal[15]. C’est ainsi que certains auteurs s’interrogent-ils s’il est dès lors permis de se demander si le cautionnement demeure une sûreté totalement accessoire ?[16].
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
ESSIE TRESOR WELCOME
Etudiant chercheur à la faculté de droit de Brazzaville(UMNG).
[1] Samira Habbassi-Mebarkia. La protection de la caution. Droit. Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, 2016. français.
[2] Voir également l’article 2288 du code civil français :
« Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».
[3] D. GRIMAUD, Le caractère accessoire du cautionnement, PUF Aix-Marseille 2001, préf.D.LEGEAIS
[4] D.LEGEAIS, suretés et garanties du crédit,
[5] Il n’est pas toutefois impossible pour la caution de garantir toutes les dettes du débiteur. C’est l’hypothèse où celles-ci sont indéterminées ou indéterminables. A cet effet, la caution a deux éventualités possibles : limiter son engagement ou ne pas limiter celui-ci par rapport à la dette principale, on parle alors de cautionnement Omnibus.
[6] Article 17, alinéa 3 de L’AUS :
« L’engagement de la caution ne peut être contracté à des conditions plus onéreuses que l’obligation principale, sous peine de réduction à concurrence de celle-ci, ni excéder ce qui est dû par le débiteur principal au moment des poursuites.
Le débiteur principal ne peut aggraver l’engagement de la caution par une convention postérieure au cautionnement ».
[7] Cass.1ere civ., 13 mars 1996, somm. 267
[8] Cass.com., 5 décembre 1995, D.1996, somm.268
[9] Mécanisme qui repose sur la technique de l’assurance. Le créancier conclut un contrat auprès d’une compagnie d’assurances. En contrepartie du versement de primes, l’assureur s’engage à garantir le souscripteur contre les risques liés à l’insolvabilité du débiteur principal
[11] Article 5 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures Collectives d’apurement du passif
[12] les mesures concordataires se traduisent généralement par la prorogation du délai initialement prévu pour l’exécution de l’obligation principale ou par la remise de dettes ou toute autre mesure accordée par les créanciers au débiteur
[13] Cass.com., 22 mai 2007, JCP E 2008, 1036, obs. Ph. SIMLER.
[14] Cass.com., 22 septembre 2009, RD bancaire et fin, novembre-décembre 2009, p.58, obs.A.C.
[15] Cass. Com., 17 novembre 1989, RD bancaire et fin.mars-avril 2010, comm.52, obs.A.C.
[16] P.H. SIMLER, « le cautionnement est-il encore une sûreté accessoire ? », Mélanges G.Goubeaux, Dalloz, LGDJ, 2009, p.497.