Est-il envisageable de contester la validité d’une cession de parts sociales ou d’actions pour défaut d’affectio societatis de l’acquéreur ?
- Affectio societatis
Pour mémoire, il n'existe aucune définition précise de la notion d'affectio societatis.
Cette locution latine, qui signifie littéralement "intention de s'associer" n'est nullement expressément prévu dans l'article 1832 du code civil:
"La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes."
Néanmoins, cette notion est reconnue par la doctrine et la jurisprudence comme un élément spécifique du contrat de société.
Pour certains, la notion d'affectio societatis rejoindrait « l'idée du partage d'un risque d'entreprise », « la volonté d'union dans un but intéressé et la volonté de courir les mêmes risques » ou serait la désignation du droit pour les associés de participer à la gestion de la société.
Il est en effet possible de voir dans l'affectio societatis la volonté de supporter le risque d'entreprise et, éventuellement, de participer à la gestion ou au moins au contrôle de la gestion de l'entreprise.
La recherche d'une conception unitaire de l'affectio societatis se révélant une entreprise délicate, les tribunaux adoptent une conception pluraliste de l'affectio societatis.
En effet, au moins quatre définitions de l'affectio societatis apparaissent en jurisprudence. Il s'agit tantôt d'une collaboration volontaire, tantôt d'une participation à la gestion, tantôt d'une convergence d'intérêts, tantôt enfin d'une absence de lien de subordination.
- Acquisition d'actions
Un promettant s’était engagé à céder, à deux bénéficiaires, une partie des actions représentant le capital d’une société dont il était l’actionnaire majoritaire.
Après la levée des conditions suspensives, le promettant avait refusé d'accomplir les opérations nécessaires au transfert de la propriété des titres au motif que la convention de cession n'avait pu se former faute d'affectio societatis de la part des bénéficiaire.
Le promettant argue que la cession partielle de titres sociaux, lorsqu'elle vise pour le cédant à partager le contrôle de sa société avec de nouveaux associés spécialement choisis à cet effet, exige aussi bien l'existence d'une affectio societatis de la part du cédant et du cessionnaire, chacun étant appelé à s'associer et à concourir ensemble à la réalisation de l'objet social
Les deux bénéficiaires, ne pouvant forcer la vente, l'ont alors assigné en paiement de dommages-intérêts.
La Cour de cassation a juger de manière claire que l'affectio societatis n'est pas une condition requise pour la formation d'un acte portant cession de droits sociaux.
Nous pouvons qu'approuver cette décision, puisque la cession de parts sociales ou d’actions est juridiquement considérée comme une vente.
Dès lors considérer l’affectio societatis comme un critère de validité de la cession aurait conduit à ajouter une condition à la loi.
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 juin 2013, 12-22.296, Publié au bulletin