La figure de l'Avocat en littérature se retrouve sous la plume de grands écrivains comme Racine, Furetière ou Balzac.
L'Avocat fascine et inspire à la fois par son coté héroïque puisqu'il se veut le sauveur des Hommes et de leurs âmes corrompues par le vice ou le crime mais aussi par son coté bourgeois arrogant et cupide qui ne recherche, à travers les procès et les plaidoiries que la gloire et la fortune.
Voici quelques uns de ces écrits qui dépeignent l'Avocat et l'univers du Droit de manière drôle, truculent et acerbe... bien loin des traditionnelles audiences et des malheurs de la vie quotidienne.
Il convient alors de franchir les Portes de l'imaginaire pour entrer dans la salle des Pas retrouvés sur les traces des récits littéraires ou des pièces de théâtre évoquant la vie des robes noires.
1. La Farce de Maître Pathelin
Ecrite au Moyen-âge par un auteur inconnu, cette pièce de théâtre met en scène un avocat quelque peu rusé et surtout en manque d'argent qui veut tout faire pour à nouveau défendre des causes.
Essayant habilement de duper un marchand de drap, il va se retrouver au coeur d'un procès opposant ce marchand à un berger à propos d'un vol de moutons.
Défendant le berger, il conseille à son client de "jouer le mouton" devant le Juge afin que ce dernier le considére comme fou et l'innocenter.
Cette supercherie va se retourner contre lui puisque son client au moment de devoir le payer va jouer le même rôle que celui joué devant le Juge trompant en cela l'Avocat qui lui avait conseillé de tromper !
2. "Les Plaideurs" de Racine
Connu plutôt pour ses tragédies, Racine est l'auteur de cette unique comédie en trois actes et en vers écrite en 1668.
Il s'agit d'une histoire mettant en scène deux plaideurs particulièrement procéduriers : Chicanneau et la Comtesse Pimbêche qui aiment parmi plus que tout confier la résolution de leurs problèmes à l'appréciation de la Justice.
Voic un extrait assez amusant de la pièce :
LA COMTESSE :
Monsieur, tous mes procès allaient être finis.
Il ne m'en restait plus que quatre ou cinq petits.
L'un contre mon mari, l'autre contre mon père,
Je ne sais quel biais ils ont imaginé,
Ni tout ce qu'ils ont fait. Mais on leur a donné
Un arrêt, par lequel moi vêtue et nourrie,
On me défend, Monsieur, de plaider de ma vie.
CHICANNEAU.
De Plaider !
LA COMTESSE.
De plaider
CHICANNEAU.
Certes, le trait est noir,
J'en suis surpris.
LA COMTESSE.
Monsieur, j'en suis au désespoir.
CHICANNEAU.
Comment ! Lier les mains aux gens de votre sorte ?
Mais cette pension, Madame, est-elle forte ?
LA COMTESSE.
Je n'en vivrais, Monsieur, que trop honnêtement.
Mais vivre sans plaider, est-ce consentement ?
CHICANNEAU.
Des chicaneurs viendront nous manger jusqu'à l'âme,
Et nous ne dirons mot ? Mais s'il vous plaît, Madame,
Depuis quand plaidez-vous ?
LA COMTESSE.
Il ne m'en souvient pas,
Depuis trente ans, au plus.
CHICANNEAU.
Ce n'est pas trop.
LA COMTESSE.
Hélas !
CHICANNEAU.
Et quel âge avez-vous ? Vous avez bon visage
LA COMTESSE.
Hé, quelque soixante ans.
CHICANNEAU.
Comment ! c'est le bel âge
Pour plaider.
3. "Le Roman Bourgeois" d'Antoine Furetière
Il s'agit là d'une oeuvre plus satirique que comique contrairement à la pièce de théâtre "les Plaideurs".
L'écrivain met en scène deux personnages là aussi procéduriers dans l'âme : Charroselles et Collantine.
A travers les traits de caractère de ces deux personnages, Furetière va surtout faire le procès de la classe dominante d'alors : la bourgeoisie. Les personnages principaux symbolisent surtout le coté bourgeois et élitiste des métiers du droit.
4. "Un client sérieux" de Georges Courteline
Autre époque, autre regard sur la Justice et ses travers. Dans cette courte pièce de théâtre qui comprend un seul acte et sept scènes, l'avocat s'incarne sous les traits du personnage de Barbemolle.
Ce dernier doit défendre un justiciable victime de son tempérament mais on apprend, de manière assez cocasse, à la fin de la pièce que Barbemolle a été nommé substitut ce qui lui permet d'endosser le costume de Procureur dans la même affaire et donc de développer des réquisitions à rebours de la plaidoirie qu'il avait tenu juste avant...
Une façon de se moquer du système judiciaire en caricaturant le fonctionnement de la Justice et de ceux qui y participent.
Voici un extrait :
" (...) Barbemolle. --- M. Lagoupille est employé de l’Etat.
Lagoupille. --- Moi? Je suis lampiste!
L’huissier. --- Chut! chut!
Barbemolle. --- Il appartient à l’une de ces grandes administrations que l’Europe entière nous envie; au ministère des Affaires Etrangères, où il doit d’occuper un poste de confiance, non à de misérables intrigues, mais à ses mérites personnels! Ah! c’est que, resté veuf après quinze mois de mariage, avec cinq enfants au berceau, il s’est imposé la mission, non seulement de donner la becquée quotidienne à ces petites bouches affamées, mais encore de prêcher d’exemple, à ces défenseurs de demain, l’amour du bien, le culte du travail, la fidélité au devoir et aux institutions libérales qui nous régissent!
(...)
Barbemolle. --- Après la plaidoirie si éloquente et si persuasive que vous venez d’entendre, je ne saurais m’illusionner sur la difficulté de la tâche qui m’incombe. Si loin de la main qu’il m’apparaisse, j’atteindrai cependant, je l’espère, au but que je poursuis ici, avec l’aide du Dieu de Justice dont je suis l’indigne interprète. «J’emprunte mon éloquence à ma seule conviction» vous a déclaré le défenseur; j’emprunterai la mienne, je le jure, à ma seule sincérité. J’arrive sans plus de préambule à la discussion des faits.
À l’aide d’habiletés oratoires, que je proclame et réprouve à la fois, mon honorable contradicteur vous a tracé, de Lagoupille, une silhouette quelque peu flatteuse, j’oserai dire quelque peu flattée... Homme de bien! Chevalier du devoir! Père de cinq enfants en bas âge... Voici, je l’avoue, des titres peu communs à la clémence du juge éclairé et intègre chargé de présider ces débats. Quel homme serait-il, en effet, s’il tenait sa porte fermée à la Vertu venant lui demander droit d’asile, ses lettres de créance à la main? Malheureusement, entre le portrait et le modèle, il y a place pour une lamentable, pour une écœurante vérité! Nous avons assez ri, passons aux choses sérieuses! Les feux d’artifice sont éteints, faisons, à présent, la lumière!(...)".
5. "Le Tour du malheur" de Joseph Kessel
Il s'agit d'une tétralogie suite de quatre romans organisés autour de la vie d'un jeune avocat idéaliste qui ne veut défendre que des nobles causes, Richard Dalleau.
Kessel ne décrit pas ici le héros sous des traits humoristiques comme dans les précédentes oeuvres mais présente son personnage sous différents aspects correspondant aux étapes de la vie que le héros traversent et affrontent.
Parmi les moments importants, se trouve l'affaire Bernan (qui fait partie du Tome 2 de l'oeuvre de Kessel) où Richard Dalleau doit défendre un ancien ami accusé de matricide. Cette affaire va plonger le héros dans les recoins les plus sombres de la personnalité humaine sur fond de critique du milieu de la bourgeoisie.
L'auteur, à travers son oeuvre, pose ainsi une question fondamentale :
Peut-on se libérer du poids des contraintes issues de notre milieu social ou transgresser une morale qui irait contre nos intérêts ?