Les grandes plaidoiries font les grands procès et les grands procès font parties de l'Histoire.
Et l'Histoire ne s'écrit pas sans les Grands Hommes, les Héros qui sont là pour incarner le combat pour la vérité et l'égalité !
Les témoins et acteurs majeurs de cette Histoire sont bien évidemment les Avocats puisqu'ils défendent et représentent non seulement les intérêts de tous les justiciables mais aussi sont les garants du respect de l'Etat de droit, de l'indépendance de la Justice et de l'équité du procès. Ils sont au service d'un idéal de Justice.
Ainsi, certains avocats de renom (pas seulement des avocats pénalistes) ont contribué par leur talent oratoire, leur maniement du verbe, leur ferveur, leur véhemence et leur force de persuasion à faire triompher le droit mais aussi à contribuer au changement de la société sur des sujets fondamentaux comme la morale, les moeurs, la peine de mort, l'avortement etc.
Voici quelques extraits célèbres de plaidoiries où se conjuguent talent oratoire, puissance des mots et utilisation de la réthorique :
" Vous n'êtes pas de ceux qui condamnent des livres sur quelque lignes, vous êtes de ceux qui jugent avant tout la pensée, les moyens de mise en oeuvre, et qui vous poserez cette question par laquelle j'ai commencé ma plaidoirie, et par laquelle je la finis : La lecture d'un tel livre donne-t-elle l'amour du vice, inspire-t-elle l'horreur du vice ? L'expiation si terrible de la faute ne pousse-t-elle pas, n'excite-t-elle pas à la vertu ? La lecture de ce livre ne peut pas produire sur vous une impression autre que celle qu'elle a produite sur nous, à savoir : que ce livre est excellent dans son ensemble, et que les détails en sont irréprochables. Toute la littérature classique nous autorisait à des peintures et à des scènes bien autres que celles que nous nous somme permises. Nous aurions pu, sous ce rapport, la prendre pour modèle, nous ne l'avons pas fait ; nous nous sommes imposé une sobriété dont vous nous tiendrez compte. Que s'il était possible que, par un mot ou par un autre, M. Flaubert eût dépassé la mesure qu'il s'était imposée, je n'aurais pas seulement à vous rappeler que c'est une première oeuvre, mais j'aurais à vous dire qu'alors même qu'il se serait trompé, son erreur serait sans dommage pour la morale publique. Et le faisant venir en police correctionnelle – lui, que vous connaissez maintenant un peu par son livre, lui que vous aimez déjà un peu, j'en suis sûr, et que vous aimeriez davantage si vous le connaissiez davantage, – est bien assez, il est déjà trop cruellement puni. A vous maintenant de statuer. Vous avez jugé le livre dans son ensemble et dans ses détails ; il n'est pas possible que vous hésitiez ! "
Plaidoirie de Maître Jules Sénard devant le Tribunal correctionnel de Paris le 31 janvier 1857 lors du procès de Gustave Flaubert pour son livre "Madame Bovary".
" Ce que j’essaie d’exprimer ici, c’est que je m’identifie précisément et totalement avec Mme Chevalier et avec ces trois femmes présentes à l’audience, avec ces femmes qui manifestent dans la rue, avec ces millions de femmes françaises et autres.
Elles sont ma famille. Elles sont mon combat. Elles sont ma pratique quotidienne.
Et si je ne parle aujourd’hui, Messieurs, que de l’avortement et de la condition faite à la femme par une loi répressive, une loi d’un autre âge, c’est moins parce que le dossier nous y contraint que parce que cette loi est la pierre de touche de l’oppression qui frappe les femmes.
C’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée ".
Plaidoirie de Maître Gisèle Halimi devant le Tribunal correctionnel de Bobigny le 8 novembre 1972 lors du célèbre procès de Bobigny.
" Mesdames et Messieurs les jurés, ne vous fiez pas aux apparences. Juger sur les apparences, c’est se faire le bourreau ! Juger en fonction de l’attitude qu’il a manifestée, ce serait oublier de juger.
N’écoutez pas non plus la rumeur ignoble. N’écoutez pas l’opinion publique qui frappe à la porte de cette salle. Elle est une prostituée qui tire le juge par la manche, il faut la chasser de nos prétoires, car, lorsqu’elle entre par une porte, la justice sort par l’autre. Je n’ai rien à faire de l’opinion publique. Je ne suis pas un signataire de pétitions humanitaires. Je ne suis pas un militant. Je suis un homme. Et en tant que tel, je hais la peine de mort. Je ne serai jamais aux côtés de ceux qui la réclament, de ceux qui la donnent, jamais je ne serai aux côtés du guillotineur ".
Plaidoirie de Maître Paul Lombard devant la Cours d'Assises des Bouches-du-Rhône le 10 mars 1976 lors du procès de Christian Ranucci.
" Avant tout, je voudrais vous dire quelque chose pour qu’il n’y ait pas d’équivoque : depuis dix-huit mois, je vis avec l’image de ces bébés, comme vous d’ailleurs depuis le début de ce procès. Parce que ces bébés, ce sont les vôtres, Véronique, mais ce sont les nôtres aussi ! Nous les avons tous vus, les femmes bien sûr, parce que des bébés sont sortis de leurs entrailles, mais nous, nous les hommes, les avons aussi vus. Je pense à ces bébés naissants, leurs petits poings serrés, leurs yeux encore fermés mais dont on sait que, peu de temps après, ils seront entrouverts par un trait de lumière. Les bébés à la peau si fripée. Comment est-ce possible ? Nous les aimons tant. Il y a là d’un seul coup tant de vie. Brusquement un être humain, et pourtant si peu de chose, si petit mais déjà si homme. Et moi, je les vois, ces bébés morts. Et j’en suis profondément ému. Vous imaginez peut-être que nous ne pensons pas à ces bébés. Non, ces bébés sont morts et c’est horrible. Ces bébés sont morts et ils ont été tués par leur mère. Certes, elle ne le savait pas, elle, que c’étaient des bébés, ses bébés, et moi, je la crois. Je la crois profondément quand elle dit : « Pour moi, ce n’étaient pas des êtres. » Oui, je la crois au moment où elle dit cela. Je pense à ces bébés, à leur mère, à ce moment terrible, à cette femme seule dans sa baignoire, accouchant. Enfin quoi, nous savons tous ce qu’est un accouchement. À quel point c’est dur. Tous ceux qui ont vu naître leur enfant s’en souviennent. Je pense au moment de souffrance physique et psychique épouvantable de cette mère qui accouche, toute seule, sans sage-femme, sans médecin, sans matrone, sans personne. Elle a oublié aujourd’hui la douleur. Elle se souvient juste d’un passage dans son corps et de sa main sur un visage ".