Crimes sexuels sur mineurs et nouvelle infraction pénale : état des lieux

Publié le Modifié le 11/03/2023 Vu 3 455 fois 0
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Trois ans après l'adoption de la loi SCHIAPPA renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le Gouvernement se penche sur une nouvelle proposition de loi sur les crimes sexuels portant sur les mineurs.

Trois ans après l'adoption de la loi SCHIAPPA renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Crimes sexuels sur mineurs et nouvelle infraction pénale : état des lieux

 

Une nouvelle proposition de loi est actuellement en débat au Parlement. Elle porte sur la pénalisation des crimes sexuels commis sur les mineurs alors que des scandales récents sur ce sujet ont préoccupé l'opinion publique.

Cette proposition de loi initiée par la sénatrice Annick BILLON a été adoptée par le Sénat mais doit encore faire l'objet d'un débât et d'un vote devant l'Assemblée Nationale.

Si un nouveau texte était adopté, il viendrait compléter et renforcer l'arsenal législatif déjà dense prévu par le Code pénal concernant les infractions à caractère sexuel.

I - L'EXISTANT :

Voyons déjà les textes applicables qui sont codifés aux articles 222-22 et suivants du Code pénal.

Le Code distingue parmi ces infractions :

- Les agressions sexuelles proprement dites qui se trouvent caractérisées dès lors que leurs auteurs ont agi avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Article 222-22 du CP : "Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise."

Ces quatres critères non cumulatifs sont nécessaires pour que l'infraction soit caractérisée et font parties de la condition sine qua non de l'existence de l'élément moral visant à sanctionner pénalement le comportement délictueux ou criminel de l'agent.

C'est la victime qui doit démontrer qu'elle n'a pas consenti à l'acte sexuel (attouchements ou pénétrations de nature sexuelle) car la présomption de culpabilité de l'auteur n'est pas présumée par les textes et le non-consentement reste à démontrer de la part de la victime sachant que bien évidemment l'âge de 15 ans ou en dessous de 15 ans rend le consentement plus difficile à établir.

Parmi les agressions sexuelles figure le crime de viol :

Article 222-23 Code pénal : "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle".

Mais aussi, l'inceste qui est assimilé au crime de viol ou au délit d'agression sexuelle :

Article 222-31-1 du Code pénal :

"Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis par :

1° Un ascendant ;

2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;

3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

- Les infractions à caractère sexuel comme l'exibition sexuelle ou le harcèlement sexuel prévu par l'article 222-33 du Code pénal".

Dans les deux cas, l'âge de la victime aggrave la peine que les juges peuvent prononcer contre leurs auteurs notamment si la victime à 15 ans ou moins de 15 ans ou présente un état de vulnérabilité.

- Les agressions à caractère sexuel qui pénalisent non des actes sexuels mais des comportements à connotation sexuelle de la part de l'agent :

Parmi ces infractions, nous trouvons l'exhibition sexuelle (article 222-32 du Code pénal) mais aussi le harcèlement sexuel issu de la loi SCHIAPPA du " août 2018.

Le harcèlement sexuel est visé par l'article 222-33 du Code pénal :

"I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

L'infraction est également constituée :

1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;

2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :

1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

2° Sur un mineur de quinze ans ;

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;

5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

6° Par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique ;

7° Alors qu'un mineur était présent et y a assisté ;

8° Par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait".

Les propos sexistes entrent également dans la catégorie du harcèlement sexuel s'ils sont répétées et sont donc répréhensibles au même titre que les atteintes sexuelles.

 

II - L'INNOVANT :

La proposition de loi actuellement en débât au Parlement consisterait à créer une infraction spécifique concernant les mineurs victirmes d'agressions sexuelles.

Jusqu'à présent le Code pénal considére que les atteintes physiques ou psychologiques sur les mineurs de 15 ans sont des circonstances aggravantes étant donné la différence d'âge qu'il peut exister entre l'auteur des faits et la victime ce qui remet en cause de facto le consentement de cette dernière.

La sénatrice BILLON propose qu'en matière d'infraction sexuelle dès l'âge de treize ans, tout rapport sexuel entre un majeur et un mineur de cet âge, ce dernier serait présumé n'avoir pas consenti à l'acte sexuel ce qui annihilerait donc les critèress actuels de violence, menance, contrainte ou surprise nécessaire pour caractériser une infraction sexuelle.

La proposition de loi prévoit en son article 1er : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ».

Le débat se trouve donc focalisé sur l'âge de la victime et la capacité de discernement ou non de cette dernière. Il est question de supprimer tout simplement la notion de discernement en dessous d'un âge palier dont il conviendra de définir en parfait accord avec des spécialistes de cette question (pédopsychiatres, cliniciens, spécialistes de la petite enfance).

Il est extrêmement difficile au regard de ce critère de pouvoir fixer un âge minimal où le consentement de la victime ne serait plus discuté devant les juges et l'actuel Garde des Sceaux (ancien avocat) reste d'ailleurs prudent  sur l'adoption de ce texte qui conduirait en quelque sorte à instaurer une présomption de culpabilité pour l'auteur des faits et porterait ainsi atteinte aux droits de la défense.

La victime, si jeune soit-elle, ne pourrait, par ailleurs, plus voir sa parole mise en doute pour des faits qui remonte parfois à plusieurs années en arrière puisque le Code pénal prévoit que les victimes ne peuvent agir d'elle-même qu'à leur majorité.

Pareil en ce qui concerne le débat sur l'imprescriptibilité de cette infraction qui en l'état du droit actuel n'apparaît pas envisageable même s'il conviendrait de renforcer le délai de prescription ce qui existe déjà puisque depuis la loi SCHIAPPA, la prescription du crime de viol s'étendant sur trente année suivant la majorité de la victime.

Avant tout débat sur la notion d'âge de la victime, il conviendrait plutôt de se pencher sur la personnalité et les antécédents judiciaires de l'auteur des faits ce qui permettraient d'aggraver les peines prononcées par la juridiction compétente et allonger le délai de prescription en présence d'auteurs déjà condamnés pour des infractions sexuelles sur mineurs. Sur ce point, l'effet interruptif de prescription adopté par voie d'amendement à la proposition de loi apparaît comme plus pertinent que la question de l'âge du discernement du mineur.

 

 

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Laurent Jourdaa - Cabinet Laudicé

Maître Laurent Jourdaa
Avocat au Barreau de Toulon

Docteur en Droit.


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