L'exercice de la profession d'avocat n'aura bientôt plus de secret pour vous !

Publié le 01/11/2021 Vu 2 039 fois 0
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Le récent projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire porté par l'actuel Garde des Sceaux et ancien avocat aborde notamment le secret professionnel et son évolution, légitime pour certains mais liberticide pour d'autres.

Le récent projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire porté par l'actuel Garde des Sceaux

L'exercice de la profession d'avocat n'aura bientôt plus de secret pour vous !

 

I - Historique du secret professionnel

Le secret professionnel est la pierre angulaire découlant des grands principes déontologiques inhérents à l'exercice de la profession d'avocat.

Il fait partie des trois grands secrets que composent avec lui le secret médical et le secret de la confession.

Les avocats étant rattachés au statut de clerc sous l'Ancien Régime,  il était nécessaire de prévoir une confidentialité identique à celle du secret de la confession afin de protéger les relations unissant le client à son conseil.

Comme le rappelle Emile GARÇON dans une célèbre citation : « le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable".

D'ailleurs, le serment prété par les avocats avant d'intégrer la profession n'est-il pas un gage de respect de ce secret dont le manquement est passible de sanctions disciplinaires tout autant que de sanctions pénales.

II - Codification : principes et exceptions

Le secret professionnel est codifé à l'article 2 du RIN.

Il est précisé par ce texte que l'avocat est le confident de son client et que le secret qui lie l'avocat à ce dernier est d'ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps.

Cet article fait peser sur l'avocat une responsabilité conséquente puisque lui seul répond de la violation du secret professionel. Le client de l'avocat pouvant bien évidemment à tout moment se défaire de la protection de ce secret.

L'avocat est tenu en tout temps et en tout lieu de préserver ce secret.

Comme le rappelle l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 :

"En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel".

A la lecture de cet article, le secret professionnel de l'avocat concerne l'ensemble de ses activités juridiques et judiciaires mais aussi s'exerce à la fois dans ses relations avec ses clients comme avec ses confrères par le biais de correspondances écrites ou informatiques sauf si ces dernières portent la mention "officiel" (exemples des courriers officiels pouvant être produits devant un juge).

Le secret s'étend aussi à l'ensemble des éléments du dossier et pièces dont dispose l'avocat ce qui signifie que la structure d'exercice c'est-à-dire le cabinet où l'avocat exerce est aussi protégé par ce secret tout autant que les personnes qui y travaillent comme les avocats collaborateurs ou les avocats salariés.

Enfin, ce secret concerne toutes les branches d'activités dans lesquelles peut exercer l'avocat.

Bien évidemment, l'avocat pénaliste se verra être le garant du secret de l'enquête et de l'instruction (article 114 du Code de procédure pénale) tout comme l'avocat d'affaires sera soumis au respect du secret des affaires (article L. 151-5 du Code de commerce).

Ainsi, la violation du secret professionnel est constitutive d'une infraction pénale prévue et réprimée par l'article 226-13 du Code pénal :

"La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende".

Bien évidemment, il existe des exceptions à la levée du secret professionnel par l'avocat :

ainsi l'avocat qui devra assurer sa propre défense face à son client pourra produire des courriers ou toute pièce utile qui lui aurait été communiquée par ce dernier sans pour cela trahir le secret professionnel ;

de même, l'avocat qui aurait connaissance d'une infraction pénale pour laquelle il pourrait se retrouver complice (notamment en matière de blanchiment d'argent) doit effectuer entre les mains de son Bâtonnier une déclaration de soupçon (article L. 561-17 du Code monétaire et financier).

il est aussi possible dans le cadre de la passation de marchés publics et en vue d'obtenir le marché que l'avocat fournisse à l'entité adjudicatrice la liste de ses clients sous réserve de leur accord préalable et ce, sans trahir le respect du secret professionnel.

III- L'avenir du secret professionnel de l'Avocat

La notion de secret se trouve à l'heure actuelle remise en question notament par la médiatisation, la transparence de la vie publique et démocratique, et celui propre à la profession d'avocat n'y fait pas exception.

Ainsi, le récent projet de loi porté par l'actuel Garde des Sceaux et qui fait l'objet d'un examen actuellement par la commission mixte paritaire propose de modifier l'article 56-1 du Code de procédure pénale.

Cet article dispose qu'actuellement aucune perquisition ni saisie de documents au sein d'un cabinet d'avocat ou à son domicile ne peut intervenir sans l'accord préalable d'un magistrat et en sa présence sur les lieux accompagné du Bâtonnier de l'ordre auquel il appartient. Ce qui bien évidemment protège à la fois l'avocat mais aussi ses clients.

Cet article pourrait comporter désormais un nouvel alinéa 2 rédigé comme suit :

« Article 56-1-2 ; Dans les cas prévus aux articles 56-1 et 56-1-1, le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction :

« 1° Lorsque celles-ci sont relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts et aux articles 421-2-2, 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal ainsi qu’au blanchiment de ces délits et que les consultations, correspondances ou pièces, détenues ou transmises par l’Avocat ou son client, établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions ; 

« 2° Ou lorsque l’Avocat a fait l’objet de manœuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d’une infraction. ».

En somme, une levée du secret professionnel serait envisageable à la fois concernant les infractions commises en matière de fraude fiscale ou blanchiment d'argent mais aussi, et plus problématique peut-être pour l'avocat, si ce dernier venait à conseiller son client en amont avant de s'apercevoir que finalement ce dernier serait l'auteur principal ou complice d'une infraction pénale.

Dès lors, cette réforme non encore aboutie et incorporée dans un projet de loi plus global portant sur la modernisation de la justice pourrait à nouveau pousser les robes noires à protester au sein de l'ensemble des barreaux de France et de Navarre.

Il faut dire que la récente affaire des écoutes téléphoniques dite affaire Bismuth a conduit à ce que le plus illustre d'entre eux et actuel Ministre de la Justice dénonce peut-être un peu trop fort la remise en cause du secret de l'instruction aux oreilles du Parquet National Financier !

La tyrannie de la transparence imposée de plus en plus par la médiatisation de la vie publique et qui conduit à tout vouloir rendre public y compris ce qui relève bien souvent de l'intime et de la sphère privée ne doit pas conduire à remettre en cause les valeurs les plus fondamentales et essentielles qui sont au coeur du métier d'avocat à savoir défendre et veiller au respect des droits de tout un chacun. 

Il s'avère dès lors indispensable pour l'institution judiciaire dans son ensemble de préserver et pérenniser la culture du secret.

Il en va du  respect des libertés individuelles et de la lutte contre toute forme d'ingérence dont l'autorité judiciaire est la garante.

 

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Laurent Jourdaa - Cabinet Laudicé

Maître Laurent Jourdaa
Avocat au Barreau de Toulon

Docteur en Droit.


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