Tout comme le mineur, le majeur protégé se voit appliquer un régime spécifique concernant la procédure opposable à son encontre dès lors qu'il se trouve mis en cause et ce, à tous les stades de la procédure (garde à vue, mesure altervative aux poursuites, instruction, jugement).
Les droits du majeur protégé dépendent de l'application des dispositions de l'article 425 du Code civil :
"Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre.
S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions".
Les mesures applicables en matière civile concernant les majeurs protégés se trouvent définies à l'article 440 du Code civil :
"La personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
La curatelle n'est prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
La personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante".
Dès lors, la situation pénale du majeur protégé, auteur d'infraction, se trouve conditionnée par la prise en compte des textes applicables en matière civile.
Ainsi, il est prévu par le Code de procédure pénale des dispositions spécifiques qui régissent les droits de la défense des majeurs protégés que celui-ci fasse l'objet de poursuites par le Ministère public ou d'une mesure alternative aux poursuites, qu'il fasse l'objet d'une mise en examen par le juge d'instruction, qu'il comparaisse devant une juridiction de jugement, qu'il fasse l'objet d'une condamnation par toute juridiction compétente pour se prononcer.
Ces dispositions sont définies aux articles 706-112 et suivants du CPP et imposent, dans tous les cas qui ont été énoncés ci-dessus, que le mandataire (personne morale ou physique) de la personne protégée soit avisé et qu'il puisse exercer toute action permettant de faire valoir les droits de son protégé.
L'article 706-113 issu de la loi du 7 mars 2007 rappelle notamment ainsi :
"Lorsque la personne fait l'objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d'instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles. Il en est de même si la personne fait l'objet d'une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d'une composition pénale ou d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté.
Le curateur ou le tuteur peut prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles prévues pour la personne poursuivie.
Si la personne est placée en détention provisoire, le curateur ou le tuteur bénéficie de plein droit d'un permis de visite.
Le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur des décisions de non-lieu, de relaxe, d'acquittement, d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, ou de condamnation dont la personne fait l'objet.
Le curateur ou le tuteur est avisé de la date d'audience. Lorsqu'il est présent à l'audience, il est entendu par la juridiction en qualité de témoin".
Le non respect de ces dispositions entraîne des conséquences graves en matière de droit de la défense des majeurs sous protection. Il ouvre aussi la possibilité pour l'avocat d'invoquer des nullités dans la procédure dès lors que les dispositions de ce texte n'ont pas été respectées et que le protecteur n'a pas été informé par les autorités judiciaires de la procédure en cours.
Une décision du Conseil constitutionnel du 14 septembre 2018 (n° 2018-730 QPC) est venue déclarer non conforme à la Constitution avec report des effets de la déclaration d'inconstitutionnalité au 1er octobre prochain, le premier alinéa de cet article 706-113 en ce qu'il ne prévoyait pas que le majeur protégé puisse avertir son protecteur lors d'une mesure de garde à vue afin de faire valoir notamment son droit à un avocat.
Dès lors, il appartient aux OPJ et à l'autorité judicaire de s'informer de la situation du gardé à vue et de faire aviser le protecteur de la mesure en cours afin que ce dernier se charge de demander l'assistance d'un avocat.
La loi du 3 juin 2016 donne la possibilité pour tout majeur gardé à vue de s'entretenir directement avec son curateur ou son tuteur sous le contrôle de l'OPJ.
En effet, la personne placée sous tutelle ou curatelle peut, par exemple, parler au téléphone avec son protecteur qui pourra l'orienter dans le choix d'un avocat sauf si ce dernier ne souhaite pas être assisté.
Par ailleurs, la loi n° 2019-22 du 23 mars 2019 (loi de programmation de la Justice pour la période 2018-2022) est venue renforcer les droits des personnes sous tutelle ou curatelle au stade de la garde à vue puisqu'elle est venue rajoutées aux textes existants, un article 706-112-1 et un article 706-112-2 concernant l'audition libre des personnes protégées qui là aussi impose que les OPJ avisent le protecteur.
En réalité, il conviendrait, comme pour les mineurs, que les majeurs protégés bénéficient automatiquement du droit à un avocat dès les premières heures de leur garde à vue sans qu'il y ait besoin de prévenir le tuteur ou le curateur et ce, indépendamment du souhait exprimé par la personne protégée car bien souvent cette personne ne réalise pas l'importance de faire connaître sa situation à son protecteur. ll ne réalise pas non plus l'importance d'être assisté par un avocat.
De ce fait, le respect des droits de la défense et notamment des droits du gardé à vue au regard des dispositions de l'article 63-1 du CPP se trouve bafoué.
Bien qu'il fasse peser sur les différentes autorités compétentes (autorités d'enquête, de poursuite ou d'instruction) des mesures contraignantes, l'article 706-113 du Code de procédure pénale accuse certaines lacunes puisqu'il ne concerne pas a priori les personnes présentant une altération de leur discernement mais ne faisant pas l'objet pour autant d'une mesure de protection.
Il faut dire que ces dispositions spéciales consacrées en faveur des personnes protégées ont été adoptées par la France suite à de nombreuses condamnations prononcées par la CEDH pour des jugements rendus par le Tribunal correctionnel à l'encontre de personnes majeures sous tutelle ou curatelle sans que ni le tuteur ou le curateur ne soit informé ni n'assiste son protégé à l'audience (ex CEDH, 30 janvier 2001, Vaudelle c/ France, n° 35683/97).
A l'heure actuelle, les droits de la personne protégée se trouvent améliorés même si des lacunes subsistent notamment au niveau de la procédure d'enquête. Il conviendra, de ce fait, que les autorités de police et de Justice se montrent diligentes - sous peine de nullité de la procédure - en s'assurant que le majeur protégé soit bien assisté par son protecteur et/ou son avocat durant la procédure pénale et surtout que le protecteur soit informé à tous les stades de la procédure des actes réalisés à l'encontre de son protégé.