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Les praticiens sont ainsi non seulement conduit à comprendre, à analyser le droit mais aussi à évaluer la performance de celui-ci, à juger de son efficacité, de son effectivité à travers son utilisation comme outil de mesure par comparaison avec d’autres sphères sociétales qui coexistent et se développent comme l’économie, l’écologie ou les technologies de l’information et de la communication.
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L’avocat est ainsi un acteur de premier plan pour affronter ces changements et y asseoir ou y perfectionner ses compétences en matière d’expertise juridique mais aussi d’innovation pratique.
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Ces deux exigences qui sont aussi des qualités permettent de faire face à une complexité toujours plus croissante des règles juridiques applicables mais aussi à la multiplicité de celles-ci et à leur haut degré de technicité du fait de l’influence de facteurs externes comme nous l’avons exposé plus haut.
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Mais avant de parler de polyvalence du métier d’avocat, il convient de définir ce que signifie "être avocat" et quels sont les textes qui régissent sa profession dont l’ensemble constitue un ordre lié par le respect de grands principes déontologiques découlant du Règlement national des barreaux (R.N.B).
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L’article 1er du Règlement intérieur national (R.I.N) rappelle que la profession d’avocat est une profession libérale et indépendante quelle que soit son mode d’exercice.
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Il est prévu par l’article 1.3 que l’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. Ces principes étant à la base du serment que prêtent les futurs jeunes avocats avant de commencer l’exercice de leur profession.
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La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, autre grand texte applicable à la profession, définit les avocats comme des auxiliaires de justice (article 3). Cette loi a notamment contribué à mettre fin à la profession d’avoué près les cours d’appel et à uniformiser les règles de la profession. Dans la continuité, la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires a conduit à la fusion du statut d’avocat avec celui de conseil juridique.
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Ainsi, cette volonté de renforcer les compétences des avocats en leur conférant plusieurs missions a permis d’offrir des opportunités à la profession pour répondre aux évolutions de la société en matière de traitement et de résolution des litiges.
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Le champ d’activité professionnelle de l’avocat s’en est trouvé élargi comme en atteste les dispositions de l’article 6 du R.I.N.
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Ce dernier prévoit que l’avocat assiste et représente son client devant toute juridiction (sauf application de la règle de la postulation).
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Il peut remplir des missions de conseil donc intervenir de manière extra-judiciaire, en dehors de tout procès ou dans le cadre d’une phase contentieuse.
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Dans le cadre de sa mission de conseil, l’avocat peut participer à la rédaction d’actes juridiques. L’activité d’écriture prédomine ici sur l’oralité des débats.
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Nous pouvons nous référer ici à la récente réforme intitulée « Justice du XXIème siècle » portant sur le divorce à l’amiable ou par consentement mutuel permettant à l’avocat de rédiger la convention de divorce qui sera ensuite directement consignée chez un notaire sans passer par l’homologation du juge aux affaires familiales.
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L’avocat peut aussi être investi de missions d’arbitrage, de méditation ou de conciliation.
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Il peut représenter, dans l’exercice de sa profession, les intérêts de personnes physiques ou morales, de droit privé comme de droit public.
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Il sert aussi les intérêts de la justice dès lors qu’il demande son inscription sur une liste pour être commis d’office par le bâtonnier de l’Ordre ou qu’il accepte d’assurer la défense de clients bénéficiant de l’aide juridictionnelle.
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La polyvalence du métier d’avocat à la fois dans les missions exercées mais aussi dans l’approche pluridisciplinaire du droit, fait ressortir à l’heure actuelle deux types d’avocat : l’avocat généraliste, généralement à son compte ou entouré de quelques collaborateurs et les grandes sociétés d’avocats (type S.E.L.A.R.L ou S.E.L.A.F.A), implantés dans plusieurs grandes villes et composés de nombreux avocats (associés, collaborateurs ou salariés) opérant au sein de divers départements spécialisés.
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La spécialisation de l’avocat est d’ailleurs reconnue par les textes afin de promouvoir le savoir-faire de ces professionnels.
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Un arrêté du 28 décembre 2011 fixe la liste des mentions de spécialisation en usage dans la profession et dont peut se prévaloir tout avocat qui l’a obtenu après avoir subi un examen de validation des compétences professionnelles organisé par le Conseil National des Barreaux (C.N.B).
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Notons que l’on trouve parmi ces spécialisations : le droit de l’arbitrage, droit du dommage corporel, droit de l’environnement, droit de la fiducie, droit des nouvelles technologies, de l’information et de la communication, droit de la propriété intellectuelle, droit du sport etc.
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La spécialisation est un atout majeur pour l’avocat et un gage de confiance et de compétence pour les potentiels clients du secteur concerné.
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Par ailleurs, la spécialisation peut être mise en avant par l’avocat sur les différents supports de communication qu’il peut utiliser dans l’exercice de son métier comme les plaques professionnelles, les cartes de visites, les brochures ou les sites en ligne…sites par le biais desquels l’avocat peut proposer des prestations juridiques personnalisés pour ses clients.
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La multiplicité des moyens de communication donc des moyens d’avoir recours à la publicité semble aller de pair avec l’accroissement du nombre de compétences dont disposent les avocats.
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Cela traduit aussi un environnement professionnel de plus en plus concurrentiel et même si la profession reste réglementée c'est-à -dire soumise à des règles communes à travers un ordre professionnel, la réalité pratique tend à rapprocher les avocats du statut de celui de prestataire de services (c'est ce qui ressort d'ailleurs des textes européens). En effet, de nombreux professionnels de ce secteur peuvent exercer des missions sortant du domaine traditionnel des métiers du droit ou des usages jusque-là encadrés strictement par la profession.
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Par exemple, un avocat peut très bien exercer en parallèle de son activité quotidienne la mission de fiduciaire (article 6.2.1 du R.I.N) lui permettant d’assurer la gestion de biens mobiliers ou immobiliers pour le compte d’autrui. L’exercice de cette activité étant bien entendu soumis à déclaration préalable auprès du Conseil de l’Ordre.
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Il peut aussi être mandataire en transaction immobilière, agent sportif ou encore correspondant à la protection des données personnelles selon les dispositions de la loi du 6 janvier 1978.
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Ces diverses responsabilités et compatibilités sont loin d’être exhaustives et il est certain que dans un avenir proche, les avocats puissent intervenir dans bien d’autres domaines entraînant par la même une adaptation plus concrète des principes déontologiques.
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Certains domaines étant parfois éloignés de la mission première de l’avocat qui est avant tout de protéger et de défendre autrui à chaque fois que sa liberté est menacée ainsi que de participer au bon fonctionnement du service public de la justice.
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Mais le secteur des affaires se trouvant exposé de plus en plus à des contraintes juridiques fortes, il est assez aisé de comprendre que les avocats soient sollicités par des particuliers et surtout des entreprises afin d’assurer un rôle de prévention et d’information, gage de stabilité et d’équilibre des rapports sociaux.
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D’ailleurs, le rapport Darrois visant à réformer la profession d’avocat et datant du 8 avril 2009 comportait déjà des propositions tendant à accroître le champ d’activité et d’intervention des avocats comme, par exemple, la possibilité pour tout avocat de travailler pour le compte d’une entreprise.
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Certaines de ces propositions ont été adoptées et sont applicable à la profession aujourd’hui comme, par exemple, les structures d’exercice interprofessionnelles amenant à une collaboration humaine et financière entre des avocats et d’autres professionnels du droit… et peut-être demain qui sait des professionnels issus du monde économique, médical ou communicationnel.
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Des incompatibilités subsistent cependant et sont nécessaires puisque la profession se trouve soumise au respect des règles déontologiques.
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En outre, les dispositions de l’article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat rappelle que :
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 La profession d'avocat est incompatible :
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a) Avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée ;
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b) Avec les fonctions d'associé dans une société en nom collectif, d'associé commandité dans les sociétés en commandite simple et par actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de président du conseil d'administration, membre du directoire ou directeur général d'une société anonyme, de gérant d'une société civile à moins que celles-ci n'aient pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat.
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Les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne font pas obstacle à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession.
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En revanche, la question de l’incompatibilité ne se pose pas s’agissant de l’avocat qui exercerait des fonctions politiques. D’ailleurs, l’histoire a démontré que de nombreux hommes politiques célèbres y compris des Présidents de la République ont exercé la profession.Â
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Ainsi, un élu national ou local peut très bien continuer à exercer son activité à condition de ne pas se retrouver dans une situation qui pourrait conduire au conflit d’intérêts.
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De même, il apparaît comme contraire aux principes déontologiques qu’un élu national ou local puisse consulter ou plaider contre l’institution à laquelle il appartient.
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En résumé, l’évolution de la profession est loin d’être terminée et les opportunités sont nombreuses étant donné la multiplicité des questionnements juridiques.
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 Mais cette évolution doit prendre en compte aussi l’aspect ordinal de la profession qui limite sur certains points les capacités d’action de l’Homme de loi. L’avocat n’est pas un commerçant ni un démarcheur !
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Il doit fournir à ses clients des prestations de qualités et doit faire preuve de compétence et de diligence mais dans le respect des principes imposés par la profession qui exige aussi que l’avocat garde son indépendance et sa probité ou qu’il se comporte loyalement envers ses confrères !
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Un juste équilibre doit être trouvé entre les exigences du marché et de la libre concurrence tout en préservant la pérennité d’un ordre ancestral composé de codes et d’usages bien spécifiques.