La proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale et qui fait d'ores et déjà l'objet de controverses quant à la captation et la diffusion de l'image des forces de l'ordre s'insère plus globalement dans une volonté politique d'assurer, en ces temps de crises, la sécurité des citoyens ce qui conduit, par la même occasion, à restreindre les libertés publiques.
Le débât sur l'opposition entre sécurité et liberté est au coeur des politiques contemporaines.
Déjà à travers sa décision des 19 et 20 janvier 1981 dite "sécurité et libertés", le Conseil constitutionnel français a pu rappeler l'importance de grands principes qui sous-tendent notre droit pénal comme :
- la présomption d'innocence ;
- le principe de légalité des délits et des peines ;
- la proprotionnalité des peines ;
- l'interprétation stricte de la loi pénale ;
- l'autorité judiciaire come garante des libertés individuelles.
Récemment, la proposition de loi se rapportant à la sécurité globale pose de nouvelles formes de restrictions s'agissant des libertés fondamentales et notamment sur les points suivants :
- renforcement des pouvoirs des policiers municpaux pour constater par procès-verbal la commission de certains délits ;
- privatisation progressive des mesures de police qui pourront être confiées - sous l'égide du Préfet - à des sociétés privés de sous-traitance afin de prévenir les actes de terrorisme.
- l'accroissement des cas de recours aux drones de surveillance ainsi qu'à l'exploitation de systèmes de vidéoprotection par la visualisation et la transmission des images en temps réel ;
- la protection de l'image des policiers en service prévue par l'article 24 de cette proposition sans que cette protection ne porte atteinte au droit d'informer le public au regard des principes posés par la loi sur la presse de 1881.
Ainsi, cette loi protégeant la liberté d'expression comprendrait désormais un article 35 quinquies rédigé de la manière suivante :
"Sans préjudice du droit d’informer, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification, autre que son numéro d’identification individuel, d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police.
II. – Les dispositions de l’article 35 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication, aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale".
A la lecture de ces différentes propositions qui devraient être adoptées plus rapidement que prévues étant donné que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, il existe à la fois une volonté politique de restreindre la protection du droit au respect de la vie privée des citoyens au regard de la multiplicité des moyesn de surveillance par l'image mais aussi, paradoxalement, une volonté de limiter dans le même temps le droit à l'information du public et la liberté d'expression qui sont nécessaires dans toute société démocratique.
Ainsi, le Défenseur des droits a t-il pu se saisir des dispositions découlant de cette proposition de loi par un avis rendu en date du 17 novembre 2020 dont l'article 24 a fait l'objet d'une analyse vigilante :
- Les forces de police et de gendarmerie disposent déjà de mesures portégeant leur vie privée et qui sont prévues à la fois par la loi sur la presse de 1881 mais aussi par l'article 226-1 du Code pénal. Le Code de procédure pénale prévoit aussi des mesures visant à garantir leur anonymat et à ne pas réévler leur domiciliation personnelle (cf. articles 15-4 et 62-1 du CPP).
- La protection de l'image des forces de l'odre lors d'intervention publique tendrait à diminuer le nécessaire contrôle démocratique qui se pose lors de ces interventions qui doivent s'effectuer en toute transparence pour le public et notamment les médias qui assurent la diffusion des informations présentant un intérêts général ;
il est rappelé par cet avis plusieurs exemples de textes comme le Code de déontologie de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale qui dispose en son article R. 434-14 : «le policier ou le gendarme est au service de la population. [...] Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d’une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération.», et qu’il n’a pas à craindre la diffusion d’images ou d’enregistrements relatifs à ses interventions.
Par ailleurs, l’article L.111-2 du Code des relations entre le public et l’administration pose le principe que tout agent public doit être identifiable.
En outre, l’article R.434-15 du Code de la sécurité intérieure impose aux fonctionnaires de police et aux gendarmes d’exercer leurs fonctions en uniforme et de se conformer aux règles relatives à leur identification individuelle.
En conclusion, il ressort que cette proposition de loi portant sur la sécurité globale débattue dans un contexte anxiogène prégnant résultant essentiellement de la crise sanitaire et les menaces terroristes ne favorise pas le débat citoyen et une réflexion plus globale sur la conciliation nécessaire entre sécurité collective et respect des libertés individuelles.