Lorsque j’ai passé l’oral de l’examen d’entrée à l’école d’avocats, il y a très longtemps et dans une autre galaxie, le sujet que j’ai tiré au sort était le suivant : l’arrestation.
A l’époque son laconisme m’avait un peu désarmé et je m’étais demandé comment faire 20 minutes sur une notion aussi mince.
S’il se passe beaucoup de choses avant l’arrestation, et pas mal encore après, le moment lui-même est assez bref : main sur l’épaule ou menottes passées à la volée, je vous arrête, et si on est dans une série américaine, lecture des droits Miranda, you have the right to remain silent et c’est fini.
Or voici qu’aujourd’hui ce sujet me revient en mémoire et me parait appeler un certain nombre de considérations opportunément suscitées par une actualité tellement brûlante qu’elle fait grimper de plusieurs degrés une atmosphère déjà étouffante.
Qu’est-il reproché à Alexandre BENALLA, sur le plan strictement judiciaire ?
D’après le communiqué du parquet de Paris :
* violences en réunion n'ayant pas entrainé d'incapacité totale de travail,
* immixtion dans l’exercice d’une fonction publique,
* port public et sans droit d’insignes réglementés,
* recel de détournement d’images issues d’un système de vidéoprotection
* recel de violation du secret professionnel.
La première seule de ces incriminations intéresse notre propos.
Les images initialement diffusées montrent incontestablement des violences commises sur deux personnes (https://www.youtube.com/watch?v=3LKiETDC6oU).
Elles ne sont pas comparables cependant à celles-ci (https://www.youtube.com/watch?v=liSot3JdxQg) : le coup est gratuit, inutile, extrêmement violent et porté à une personne qui est déjà maitrisée par un autre policier.
Au contraire, celles que commet Alexandre BENALLA donnent l’impression qu’il veut procéder à l’interpellation de deux personnes, on voit bien qu’il essaye de les emmener quelque part et de les mettre ou maintenir à terre.
« Monsieur BENALLA s'est octroyé un pouvoir », a déclaré sur BFMTV mon éminent confrère (forcément éminent puisqu’il passe sur BFMTV) qui assiste lesdites personnes.
Pourtant, la vidéo des minutes qui précèdent (https://www.youtube.com/watch?v=CWTnTYv0WA8) n’est pas totalement dénuée d’intérêt en ce qu’elle montre clairement ces deux personnes jetant des objets sur les policiers, ce qui caractérise les violences :
* sur des fonctionnaires de la police nationale,
* en réunion,
* et avec arme.
A cet égard, précisons qu’une carafe, un pichet, un cendrier, une chaise, une voiture, une ombrelle, tout objet peut devenir une arme, dite « par destination », c’est-à-dire en raison de l’usage qu’on en fait.
Si on admet l’existence de ces trois circonstances aggravantes, qui paraissent évidentes, la peine encourue est de sept ans d’emprisonnement et 100.000 € d’amende (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417637).
La défense d’Alexandre BENALLA, sans surprise (du moins pour les praticiens), et également sur BFMTV, met en avant les dispositions de l’article 73 du code de procédure pénale, qui autorise « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne [à] en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche. »
« Toute personne » dit le texte, sans autre condition, donc toute personne même portant indument un brassard, ayant un appartement quai Branly, ses entrées à l’Elysée, au palais Bourbon et dans le bus des bleus et détenant les codes de la force de frappe nucléaire.
Nous analyserons dans un prochain article les conditions juridiques de l’application de ce texte.