Je commencerai en soulignant, puisqu’il faut parfois enfoncer des portes ouvertes, que je n’ai aucune hostilité de principe à l’encontre des forces de l’ordre.
Certains avocats pénalistes développent une vision manichéenne à leur égard, comme par devoir ou déformation professionnelle.
Certains représentants du parquet, dans un sens inverse, leur donnent systématiquement raison et prennent leur parti de façon pavlovienne, jusqu’à ce que surgissent des preuves vraiment irréfutables.
J’ai souvent entendu en correctionnelle ces paroles étonnantes : mais enfin Monsieur, les policiers ne mentent pas.
J’ai défendu des policiers et des gendarmes, d’un coté et de l’autre de la barre.
J’ai déjà eu à constater, ô surprise, que les policiers sont des hommes et des femmes comme les autres et que leur rapport à la vérité, dans leur exercice professionnel, peut être aussi élastique que pour n’importe qui.
Sauf que… la pratique, sinon la loi, donne à leurs affirmations plus de poids qu’à celles du commun des mortels.
Mais le droit, justement, que dit-il à cet égard ?
Il faut, pour le savoir, se référer (notamment) aux dispositions des articles 537 et 430 du code de procédure pénale.
Le premier dispose que « Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui.
Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu'à preuve contraire.
La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins. »
Dit autrement, si un policier affirme que vous êtes passé au rouge, que vous téléphoniez au volant ou que vous n’aviez pas votre ceinture, considérez que ce fait est pratiquement acquis.
Apporter la preuve contraire par un écrit (?) ou un témoin est plutôt illusoire.
Non seulement le rapport fait foi jusqu’à preuve contraire, mais en plus cette preuve contraire est contrainte, limitée, et ne peut pas être rapportée par tout moyen comme c’est le principe en droit pénal (traduction dans l’article 427 du code de procédure pénale, dans une formulation un peu différente).
Ce « tout moyen » est tel, en droit pénal, que même des preuves recueillies illégalement ou de façon déloyale (exemple : enregistrement de conversations par un majordome à l’insu des participants) seront considérées comme recevables.
Pour les délits, l’article 430 dispose que « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements. »
Ce texte est méconnu, même par les professionnels et j’ai souvent entendu soutenir que les constatations des policiers valaient jusqu’à preuve contraire.
Or sa portée (sinon son application effective) est très grande car il signifie que telle constatation faite par les policiers n’est un élément parmi d’autres, sans plus de valeur probante et, pourquoi pas, insuffisante à justifier une déclaration de culpabilité et à renverser la présomption d’innocence.
Pour conclure sur l’article 537 et la possibilité de combattre des constatations policières par « écrit ou témoin », j’attends avec une certaine impatience une première occasion d’utiliser des vidéos contredisant des constatations par procès-verbal.
La multiplication des appareils permettant de filmer tout et n’importe quoi, et en particulier les Gopro et autres dashboard cam utilisées dans la circulation, promet d’intéressants développements sur ce sujet.
J’y reviendrai dès que cette occasion se sera présentée ou qu’un confrère m’aura devancé.